Après plus de six mois de tension, le Maroc dispose d'un projet de Constitution. Le discours royal développe les 10 axes importants du projet. Afin que les jeunes puissent disposer d'un espace institutionnel d'expression et de discussion, le Roi a tenu à créer un Conseil de la jeunesse et de l'action associative. En attendant le référendum du 1er juillet, il est important que le débat se passe dans la sérénité et le respect de la liberté d'expression de tout un chacun. Le Maroc a vécu les six mois les plus intenses et les plus tendus de cette dernière décennie ! Six mois que les Marocains ont été bercés par le bruit de bottes de ce «printemps arabe» qui se faisait tantôt proche, tantôt lointain, et qui a mis certains pays voisins sens dessus dessous. Un semestre ponctué par plusieurs dates et rythmé par des chassés-croisés entre manifestants et autorités publiques, où chaque dimanche les Marocains retenaient leur souffle et mettaient leur main sur le cœur de peur que l'exception marocaine ne soit plus qu'un vague souvenir. Un semestre où la moitié de la société diabolisait l'autre, alors que cette dernière la traitait de beni oui-oui. Le discours royal du 9 mars et la désignation de la Commission consultative pour la révision de la Constitution ont également donné lieu à un large débat de la société qui, parfois, frôlait la dispute. Il a fallu tenir encore trois mois, période qu'a nécessité cette révision, avec toute la tension subie par toutes les composantes de la société qui devaient communiquer leur mémorandum et présenter leurs propositions. Et le pays a tenu avec toutes ses composantes : Roi, gouvernement, manifestants, partis politiques, citoyens, médias, ONG…. Bref, le Maroc a réussi à maintenir un équilibre, parfois malmené, jusqu'au 17 juin ! On peut dire que l'accouchement fut difficile pour ce projet de Constitution qui regroupe 180 articles, contre seulement 108 pour l'actuelle Constitution ! Le Roi explique la constitution en 10 axes Rappelant que la nouvelle Constitution représente un tournant historique et déterminant dans le processus de parachèvement de la construction de l'Etat de droit et des institutions démocratiques, le Souverain a présenté dans son discours les 10 axes majeurs qui marquent ce tournant. Il s'agit d'abord de la consécration constitutionnelle de la Monarchie citoyenne et du Roi citoyen. Le deuxième axe majeur est celui de la constitutionnalisation de l'Amazighe comme langue officielle du Royaume, aux côtés de la langue arabe. Le projet revient également sur la symbiose unissant les composantes de l'identité nationale unie, riche de la pluralité de ses affluents arabo-islamiques, amazigh, saharo-africain, andalou, hébraïque et méditerranéen… En troisième lieu, le Roi a évoqué la constitutionnalisation de tous les droits de l'Homme tels qu'ils sont reconnus universellement, avec tous les mécanismes nécessaires pour assurer leur protection et garantir leur exercice. De ce fait, la Constitution marocaine sera une Constitution des droits de l'Homme. En quatrième lieu vient l'émergence démocratique du pouvoir exécutif sous la conduite du chef de gouvernement.?? «A cet égard, le statut constitutionnel du «Premier ministre» sera élevé à celui de «chef de gouvernement». Il en est de même de l'exécutif qui sera désigné au sein du parti arrivé en tête des élections de la chambre des représentants, marquant ainsi l'émergence d'un gouvernement issu du suffrage universel direct», lit-on dans le discours royal du 17 juin. Le cinquième axe développé est celui de l'instauration d'un pouvoir parlementaire exerçant des compétences substantielles en matière de législation et de contrôle. En effet, le projet de Constitution consacre la prééminence du statut de la Chambre des représentants et renforce ses attributions en matière de contrôle du gouvernement. Vient en 6ème lieu l'octroi à l'opposition d'un statut spécial et de mécanismes efficients. Le but étant de renforcer son rôle et conforter son statut pour qu'elle puisse enrichir l'action parlementaire en matière législative et de contrôle. Elle disposera, désormais, du droit de représentation proportionnelle dans tous les organes du Parlement. Dans ce projet, on parle pour la première fois de pouvoir judiciaire et non de Justice. Il s'agit en effet de la consécration d'un pouvoir judiciaire indépendant vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif. De même, le projet prévoit la création du «Conseil supérieur du pouvoir judiciaire», qu'il érige en institution constitutionnelle présidée par le Roi. Cette institution qui remplace le Conseil supérieur de la magistrature, bénéficie de l'autonomie administrative et financière… Dans le 8ème axe, le Souverain évoque la constitutionnalisation de certaines institutions fondamentales, en maintenant la possibilité de créer, par des textes législatifs ou réglementaires, d'autres instances et mécanismes susceptibles de renforcer la citoyenneté et la participation démocratique. Ainsi, ont été constitutionnalisés de nombreux Conseils et institutions dans ce sens, tels que l'Institution «Al-Wassit» (médiateur). Le projet prévoit, en outre, la constitutionnalisation du Conseil National des Droits de l'Homme, ainsi que le renforcement du statut constitutionnel des partis politiques, des organisations syndicales, professionnelles, et de la société civile, en consacrant à chacune de ces structures plusieurs articles dans la Constitution.??Par ailleurs, et afin que les jeunes puissent disposer d'un espace institutionnel d'expression et de discussion, le Roi a tenu à créer un Conseil de la jeunesse et de l'action associative, formant une force de proposition. L'avant-dernier point développé dans le discours royal est celui du renforcement des mécanismes de bonne gouvernance, de moralisation de la vie publique et de lutte contre la corruption, par la mise en place, à cet effet, d'un système institutionnel cohérent et harmonieux. Il est prévu, à cet égard, de renforcer le rôle de la Cour des comptes et des Cours régionales des comptes, dans le contrôle des finances publiques, l'ancrage des principes de transparence, de responsabilité, de reddition des comptes et de non-impunité. Le projet prévoit également la constitutionnalisation d'un nombre d'entités comme le Conseil de la concurrence et de l'Instance nationale de la probité et de lutte contre la corruption. Le dixième axe est la consécration constitutionnelle du Maroc uni des régions, un Maroc fondé sur une décentralisation élargie, vouée à la démocratie et dédiée au développement humain, durable et intégré, dans le cadre de l'unité de l'Etat et de la Nation, et de l'intégrité territoriale et dans le respect des principes d'équilibre et de solidarité nationale et régionale. ?Par ailleurs, rappelons que ce projet a été salué pas la plupart des instances internationales et des pays étrangers. Ainsi que par une large partie de la population sortie exprimer sa liesse le soir même de la prononciation du discours, ainsi que le dimanche 19 juin. Cela dit, une partie de la population, notamment le Mouvement du 20 février, certains partis politiques comme le PSU ou la jeunesse Ettihadi ainsi que nombre d'acteurs de ce pays, ont jugé que ce projet ne répond pas à leurs revendications. Malheureusement, ils ont été marginalisés tant dans les médias marocains que dans la rue puisque des échauffourées ont été constatées dans la journée du 19 juin entre pro et antiprojet de la Constitution. Or, ce projet consacre la liberté d'expression et d'opinion. De ce fait, il est important de maintenir un climat serein de débat franc et de critique constructive qui sont les seuls garants de l'aboutissement vers cette société moderne, démocrate, ouverte et ancrée dans son histoire séculaire. Dosier réalisé par I. Bouhrara