300 millions de DH alloués au projet de réhabilitation de l'ancienne médina de Casablanca. Mostapha Mellouk, président de l'Association du Grand Casablanca-Carrières Centrales et membre du comité de pilotage du projet de réhabilitation, nous dévoile les enjeux du projet. - Finances News Hebdo : L'ancienne médina de Casablanca, le cœur historique de la capitale économique du Maroc, a connu jusqu'à aujourd'hui un délaissement comparativement aux autres médinas, notamment celle de Marrakech et de Fès ; pourquoi cette négligence à votre avis ? - Mostapha Mellouk : Cœur de la ville au début du siècle, la médina de Casablanca s'est transformée au début du 21ème siècle en point noir de la ville. Plusieurs raisons expliquent cette malheureuse mutation, même si elles ne la justifient pas. Citons les plus évidentes : le développement économique du port d'Anfa et la proximité de zones agricoles à fort potentiel ayant rendu Casablanca très attractive pour les Marocains de toutes les régions et pour les étrangers, la ville va voir sa population croître de manière exponentielle. Pendant plusieurs décennies, des mutations majeures vont s'opérer dans la composition démographique de l'ancienne médina, avec le départ des vielles familles et des étrangers vers des lieux de résidence offrant plus de confort et d'espace et transformant la médina en espace-dortoir pour de nombreuses familles, du fait de l'accès à des logements à loyer réduit. La densification de la population, l'absence d'entretien et la détérioration des services de base vont vite transformer la médina en un lieu auquel les Casablancais vont tourner le dos. Les médinas de Marrakech et de Fès ont vu leur situation s'améliorer du fait qu'elles représentent des destinations touristiques prioritaires et que les négliger aurait pu mettre en péril les ambitions de la Vision 2010. Aujourd'hui, Casablanca se mobilise, certes, pour accueillir convenablement les visiteurs étrangers de sa médina, mais surtout pour offrir aux Casablancais eux-mêmes les raisons d'être fiers de leur vielle ville. Preuve de l'importance de cette place, c'est autour des remparts qu'a été construite la Mosquée Hassan II et que seront édifiées demain la grande marina et surtout l'Avenue Royale. - F.N.H. : La visite de SM le Roi à l'ancienne médina a donné un tournant historique au projet de réhabilitation ; parlez-nous de la signification de cette visite ? - M.M. : L'annonce de la visite de Sa Majesté à la médina de Casablanca et sa volonté d'apporter son soutien au projet de réhabilitation de l'ancienne médina, a constitué un moment fort pour tous ceux qui œuvraient depuis des mois pour l'aboutissement de ce projet. Lors de sa visite, le Souverain s'est montré attentif à tous les aspects de la réhabilitation et a souhaité que le travail soit engagé rapidement. Ce qui m'a personnellement le plus ému, c'est l'accueil inimaginable qu'ont réservé les habitants de l'ancienne médina à Sa Majesté. Un moment historique que nous célébrerons chaque année en faisant un bilan annuel du travail réalisé et en faisant aboutir ce projet devenu une priorité pour nous tous. - F.N.H. : Le chantier de réhabilitation de l'ancienne médina de Casablanca a été ouvert en juin par l'Association de Casablanca-Carrières Centrales ; où en est l'état d'avancement? - M.M. : L'Association du Grand Casablanca-Carrières Centrales a organisé la cérémonie de présentation du projet de réhabilitation de la médina, le 8 juin 2010. Après 5 mois de travail, auxquels ont participé les élus, les associations locales, les délégations des ministères et, bien entendu, les autorités locales, avec une coordination assurée par la Préfecture de Casablanca Anfa. Un rapport final a été élaboré et des actions précises ont été identifiées et budgétées sur l'ensemble des volets. Aujourd'hui, nous avons tracé notre feuille de route avec des actions à court, moyen et long termes. Les réalisations à court terme, dites de base, ont été lancées : notamment la propreté de la ville, l'éclairage et la sécurité. Nous encadrerons ces réalisations par des campagnes de sensibilisation aussi bien pour les citoyens que pour les Associations qui nous accompagneront dans la réalisation du projet. En parallèle, nous suivons le lacement des grands chantiers qui démarreront très bientôt. L'Association a décidé d'engager au sein de l'ancienne médina des actions porteuses de valeur de solidarité, préalable à toute démarche de reconstruction. Le mois de Ramadan étant propice pour de telles actions, nous avons mobilisé de nombreuses associations intervenant dans l'enceinte de la muraille et organisé l'opération intitulée «Ramadanyates Al Madina Al Qadima Li Dar Al Baida». Au programme : la distribution de repas, des activités sportives, des ateliers pour enfants et des projections et spectacles en plein air. Le tout financé par des sponsors privés que nous avons mobilisés. - F.N.H. : L'Association de Casablanca-Carrières Centrales est un acteur majeur dans la réalisation de ce projet. Quel rôle détient l'Association au sein du comité de pilotage et quels sont les autres acteurs ? - M.M. : Lors de sa visite à la médina de Casablanca, SM a procédé à la désignation d'un comité de pilotage du projet de réhabilitation qui comprend plusieurs acteurs publics, privés et des membres de la société civile. Parmi eux, le Gouverneur de la Préfecture de Casablanca Anfa qui préside le comité. Tandis que l'Agence Urbaine de Casablanca a été désignée comme maître d'ouvrage du projet. Par ailleurs, l'Association est l'un des moteurs phares du projet. Elle joue le rôle de catalyseur qui intervient sur l'ensemble des aspects. L'entité, constituée de membres très actifs et opérant dans divers secteurs, peut être très active sur un volet et moins sur d'autres. D'autre part, le comité vient d'inaugurer son siège au sein de l'ancienne médina avec une structure permanente, et ce pour suivre de près l'avancement du projet. Nous tenons des réunions élargies au moins 2 fois par mois et plusieurs commissions travaillent sur les chantiers définis dans le projet. - F.N.H. : Quelles sont les contraintes majeures qui peuvent entraver l'exécution de ce projet ? - M.M. : Nous sommes déterminés à faire face à toutes les contraintes qui pourraient entraver l'exécution de ce projet. Néanmoins, il s'agit d'une mission qui implique de nombreux acteurs et qui va nécessiter la mobilisation des populations de la médina. Pour cela, il faudra communiquer, convaincre, impliquer et cela ne manquera pas d'exiger des efforts importants pour faire face aux attentes des citoyens. Par ailleurs, l'action sur le terrain est assurée par des structures qu'il faut mobiliser et motiver pour améliorer les conditions de vie des Casablancais de l'ancienne médina. Cependant, certains chantiers nécessitent des professionnels et des experts, notamment pour le réaménagement des habitations qui reste l'un des grands chantiers à réaliser. - F.N.H. : Un budget de 300 millions de DH a été alloué pour la réalisation de la première tranche du projet ; y a-t-il eu d'autres sources de financement ? - M.M. : Le budget mis à disposition cible des projets clairement définis dans le projet de réhabilitation. Le comité de pilotage s'est fixé comme objectif de créer les conditions pour accueillir d'autres sources de financement. Notamment, pour l'Association qui agit pour faire adhérer un ensemble de décideurs et d'opérateurs économiques qui vont se greffer petit à petit au projet et apporteront demain des financements aussi bien sous forme d'investissement que de création d'activité, de partenariat ou de dons. D'abord, pour développer les projets structurants et transformer la médina en lieu de vie et de convivialité pour les habitants et les visiteurs, puis dynamiser les activités socioculturelles et sportives au bénéfice des jeunes. Une banque de projets sera soumise à de nombreux mécènes que nous avons déjà commencé à sensibiliser.