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Secteur bancaire : Une redistribution des cartes… loin d’être achevée
Publié dans Finances news le 14 - 06 - 2007

* 15 ans après la grande réforme, le paysage bancaire change de visage.
* Rationaliser le secteur et endiguer la montée des capitaux étrangers ont été les principaux «leitmotivs» de ce mouvement de concentration.
* La poursuite de ce mouvement est aujourd’hui inéluctable. Scénarios.
Depuis plusieurs années déjà, les autorités monétaires (Banque centrale et ministère des Finances) militaient en faveur de rapprochements entre groupes bancaires nationaux qui accoucheraient de «majors» financiers capables de rationaliser le secteur, tout en barrant la route à la montée en flèche des capitaux étrangers dans un secteur jugé sensible. Aujourd’hui, l’on peut dire que c’est chose faite : la quinzaine de banques qui composaient le paysage bancaire il y a dix ou quinze ans ne sont plus aujourd’hui que six ou huit si l’on compte les ex-OFS (Organismes Financiers Spécialisés), à savoir le CIH et le Crédit Agricole. Le mouvement de concentration s’est en effet accéléré au cours des dix dernières années. Plusieurs facteurs y ont contribué. Il y a eu tout d’abord les effets combinés de la mondialisation de l’économie, de l’ouverture croissante de l’économie marocaine sur l’extérieur avec la multiplication des accords de libre-échange et de l’innovation technologique. Ensuite, l’amélioration du cadre réglementaire régissant le secteur financier (dont l’aboutissement a été l’adoption de la nouvelle loi bancaire) a été favorable à la restructuration du secteur et à sa reconfiguration. Par ailleurs, les établissements bancaires, soumis à la pression de clients et d’actionnaires de plus en plus exigeants, se sont vus confrontés à des besoins d’investissements considérables, d’où l’intérêt d’avoir une taille critique. De plus, «le trop de banques pour pas assez de bancarisés» poussait inéluctablement vers la concentration, et ce d’autant que les marges bénéficiaires ne cessaient de s’étioler suite à la baisse des taux, orientée par Bank Al-Maghrib, et à la concurrence acharnée que se livraient les différents établissements bancaires.
Du coup, les plus petites institutions bancaires, fragiles, ne pouvant tenir le coup, ont été tout simplement absorbées par des institutions plus solides. Wafabank absorbe ainsi Uniban, puis la banque ibérique BBVA ; le groupe néerlandais ABN Amro passe sous le giron de la BMCI ; la banque publique d’investissement BNDE démantelée, transformée en banque d’affaires pour la Caisse de Dépôt et de Gestion ; son réseau d’agences passe sous la coupe du Crédit Agricole, tout comme sa filiale la BMAO ; reprise de la SMDC par le Groupe Banques Populaires… Mais de toutes ces opérations, la plus marquante aura été incontestablement la prise de contrôle de Wafabank par la BCM. Opération qui a donné naissance à Attijariwafa bank, actuellement premier groupe bancaire et financier de la place. Il convient ainsi de constater que ces différentes opérations d’acquisitions ont, le plus souvent, permis aux différents opérateurs de dégager différentes synergies, répondant de facto au souci de la taille critique.
Ainsi, le rachat de ABN Amro par la BMCI en 2001, par exemple, a permis à cette dernière, non seulement d’étendre son réseau d’agences nationales, mais aussi de disposer de deux bureaux de représentation à Paris et d’un troisième à Amsterdam où elle était jusqu’alors absente. Tout autant, la BMCI a pu renforcer sa présence dans les activités de commerce international et disposer de 25.000 clients supplémentaires, dont 4.000 entreprises, mais aussi de renforcer ses équipes par l'intégration de 384 nouveaux collaborateurs expérimentés et spécialisés dans différents métiers. Côté financier, les synergies de la fusion, tant en termes de coûts (résiliation de contrats d’utilisation de plusieurs logiciels, de matériel de communication, abandon de certains matériels informatiques…) que de revenus, ont été évaluées, dans le temps, à 4 millions de dirhams en 2002, 35 millions en 2003, 45 millions en 2004 pour atteindre les 60 millions par an à partir de 2005.
On pourrait en dire autant de la restructuration de la BNDE qui a doté la CDG d’une entité dédiée exclusivement aux métiers de banque d’affaires.
L’affectation du réseau d’agences de la BNDE ainsi que celui de sa filiale, BMAO, à la CNCA (le Crédit Agricole d’aujourd’hui), a permis à cette dernière de mieux asseoir sa politique d’expansion et de mobilisation de l’épargne domestique, grâce à une présence plus soutenue en milieu urbain. Le Crédit Agricole a ainsi hérité de 37 agences situées en milieu urbain, lesquelles sont venues compléter le réseau de la banque.
L’acquisition de Wafabank par la BCM loge à la même enseigne. Le nouvel ensemble Attijariwafa bank a, dès la date de sa constitution, acquis une position dominante dans l’échiquier du paysage bancaire avec, dans le temps, des parts de marché de 22,1% en terme de total bilan (N°2), 30,1% au niveau des fonds propres (N°1), 22,1% en ce qui concerne les crédits à l’économie (N°1)… L’opération de rapprochement a été également source de productivité au regard des synergies qui se sont développées tant au niveau de la clientèle que des métiers parabancaires. Aujourd’hui, Attijariwafa est le leader incontesté des métiers de la banque et de la finance.
Des banques ont ainsi été absorbées, d’autres démantelées ou restructurées… Résultat des courses : le secteur bancaire marocain est aujourd’hui très efficient, mais aussi sophistiqué grâce notamment à sa concentration. Il suffit pour s’en convaincre de regarder le fonctionnement et l’atomisation bancaire dans les autres pays comparables, soi-disant, au nôtre. Le Liban compte ainsi une centaine de banques, l’Egypte plus de soixante ; la Tunisie ou la Jordanie, plus petites que le Maroc, en possèdent une quinzaine…
Mais encore…
Il n’est pas faux, cependant, de considérer qu’à l’heure actuelle il y a dans notre pays deux fois plus de banques qu’il n’en faut. La France, elle, ne compte guère plus que quatre grands groupes bancaires pour une population double et un taux de bancarisation très supérieur (près de 80% dans l’Hexagone contre 25 à 30% au Maroc). Cela dit, une nouvelle vague de concentrations est dans le pipe. «Elle est même inévitable», prédit un fin connaisseur du secteur bancaire. C’est d’autant plus vrai que des signes avant-coureurs l’annoncent. Des bruits de couloirs de plus en plus persistants signalent que «Attijariwafa bank aurait des visées sur la banque d’Othmane Benjelloun». Des sources bien informées avancent même 2008 comme l’année de l’attaque ultime. Futuriste comme thèse ? Pas vraiment.
La «rumeur» a même atteint les hauts sommets de la banque de Othmane Benjelloun. Un haut responsable de la BMCE Bank, cherchant à rassurer ses troupes il y a un mois de cela, alors en train de fêter le dépassement du cours boursier de la valeur la barre des
3.000 DH, a laissé entendre que «la BMCE Bank restera indépendante». Un avis que plus d’un ne partagent pas.
«La banque de Othmane Benjelloun est prise entre le marteau et l'enclume. Elle a besoin de grandir davantage pour se mettre à l'abri d'une OPA inamicale, surtout qu' avec un capital éparpillé comme le sien, une offensive d'un concurrent reste toujours envisageable», martèle un analyste financier de la place qui, vous l’aurez compris, s’est cantonné dans l’anonymat. Et d’ajouter que «celle-ci ne peut prétendre à une taille confortable qu'en s'adossant à un organisme local». Pour cause : la Banque centrale n'autorisera jamais une prise de participation étrangère aboutissant au contrôle. Le cas de la Caisse d'Epargne française est édifiant. Son offre de prendre pied à plus de 25% dans le capital de la BMCE Bank a été tout simplement rejetée par Bank Al-Maghrib.
Il n'en demeure pas moins que la position de BAM découle de la nouvelle politique monétaire du pays. «L'Etat juge satisfaisante la présence de capitaux étrangers dans le secteur financier, mais n'en veut pas davantage. Si participations étrangères il y a, le contrôle financier doit rester marocain», laisse-t-on entendre.
La BMCE serait-elle alors en train d’étudier des pistes de rapprochement avec des banques locales? «Vu que celle-ci n’a pas beaucoup de choix, cela est très possible», répond notre analyste.
Par ailleurs, il ne se passe pas un évènement médiatique, conférence de presse ou autre, sans que les responsables d’Attijariwafa bank ne soient bombardés de questions sur l’éventualité d’une absorption du Crédit du Maroc. Et les réponses sont souvent les mêmes : «L’absorption du Crédit du Maroc n'est pas actuellement à l'ordre du jour». On ne confirme pas, sans pour autant nier ! «Ce qui est sûr, c'est que l'état-major de la banque est très avancé sur le dossier du Crédit du Maroc ; c'est une suite logique après l'absorption de Wafabank», affirme notre analyste. La filiale de l'ONA a hérité en effet du portefeuille de cette dernière (Wafa bank) où figurait une participation de 34% dans le capital du Crédit du Maroc. Celle-ci s’élève aujourd’hui à 31,22%.
A tout cela, ajoutez le repositionnement des ex-OFS (CIH et Crédit Agricole) et de la CDG et vous comprendrez que le marché bancaire bouillonne : guerre des taux de crédit, recherche de plus de proximité, saturation du marché, multiplication du réseau d’agences… toutes les raisons sont invoquées par les banquiers pour préparer le terrain à un mouvement de concentration tous azimuts. «Le secteur est dominé par des banques commerciales en compétition sur les mêmes créneaux», constate un autre analyste de la place. «En l'absence de relais de croissance suffisamment dynamique, une poursuite de cette concentration est inéluctable», poursuit-il. Trois grands pôles financiers sont ainsi appelés à dominer le marché : un pôle public, avec en tête la BCP ; un deuxième, privé à capitaux marocains, composé d’Attijariwafa bank et la BMCE (?), et un pôle à capitaux étrangers formé principalement par les filiales de banques françaises. En tout cas, des scénarios se préparent dans le secret le plus absolu. Et demain, le secteur n’aura plus le visage que nous lui connaissons aujourd’hui.


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