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Entretien avec Chakib Tazi, Directeur général de l’ANAM : «L’AMO avance …
Publié dans Finances news le 22 - 03 - 2007

* Le système de la couverture médicale de base est opérationnel et devient de plus en plus mature depuis la mise en place de l’AMO en mars 2006.
* De 15 %, le taux de couverture médicale est passé à 30 % depuis l’avènement de l’AMO.
* La communication, axée sur les praticiens, devra toucher les particuliers dans un futur proche.
* Les professionnels sont invités à prescrire les génériques, car cela allège l’engagement financier des assurés et augmente leur capacité à accéder aux soins de santé.
* A fin 2007, seront arrêtés les niveaux d’exonération pour les ALD, pour ne garder à la charge de l’assuré que ce qu’il peut supporter, le reliquat étant pris en charge par l’assureur.
Finances News Hebdo : Après plusieurs séminaires, tables-rondes, conférences des intervenants et professionnels du secteur médical, vous-même (Agence nationale de l’assurance maladie) ayant édité plusieurs guides sur les dispositifs de l’Assurance Maladie Obligatoire, à quel stade en est la mise en place ?
Chakib Tazi : Il s’agissait dans un premier temps de rendre opérationnelles les dispositions légales et réglementaires de l’AMO. La CNOPS, qui gérait l’assurance maladie depuis une cinquantaine d’années, a dû en quelque sorte mettre en harmonie ses dispositifs internes par rapport aux médicaments et aux prestations avec les dispositifs de l’AMO. Cela s’est fait doucement ; la CNOPS a fait évoluer son système, notamment au regard d’un nouveau système d’information très performant qui va lui permettre de faire un saut qualitatif important dans les délais de traitement des dossiers des assurés, dans l’organisation et la gestion des données. Il y a un beau travail qui se fait donc au niveau de la CNOPS et qui demande un peu de temps, ce qui est tout à fait normal, mais c’est un travail sérieux qui sera très certainement bénéfique à court terme.
La CNSS, quant à elle, a bâti un système neuf. On peut comprendre qu’elle a été plus rapide dans la mise en œuvre, dans leur plénitude, des dispositions de l’AMO et elle a pu rembourser dès le premier mois de l’entrée en vigueur effective de l’AMO. La Caisse a commencé à réceptionner les dossiers à partir du 1er mars 2006 et le Premier ministre s’est déplacé en personne, dès la troisième semaine de mars, pour remettre lui-même les premiers chèques de remboursement «maladie». Cela prouve que la CNSS était capable de mettre en application, en son temps, les dispositions qui ont été prises dès 2004, de manière volontariste et ambitieuse ; ce qui a permis d’instaurer un système d’information efficace qui a démontré son efficience depuis longtemps.
Aujourd’hui donc, le système de la couverture médicale de base est opérationnel et devient de plus en plus mature par rapport aux délais de traitement, qualité de service. Mais il faut bien se dire que c’est un système naissant qui est en cours d’amélioration.
On sait d’ores et déjà que les dossiers remboursés par la CNSS le sont 20 jours en moyenne après dépôt. C’est tout à fait respectable.
F. N. H. : À combien s’établit le nombre actuel de dossiers à traiter et quel est réellement le taux de couverture médicale au Maroc ?
C. T. : La CNOPS traite l’équivalent, si l’on prend le seul mois de décembre 2006, de 300.000 dossiers par mois, entre ambulatoires, hospitalisations, etc.
La CNSS, qui monte en charge a traité, au mois de janvier 2007, 17.000 dossiers sachant que la CNSS ne rembourse pas les soins en ambulatoire du moment qu’ils ne sont pas associés à des Affections Longue Durée (ALD).
En ce qui concerne le taux de couverture médicale, avant l’entrée en vigueur de l’AMO, la population marocaine bénéficiant d’une assurance maladie était de l’ordre de 15 % de la population totale, principalement assurée auprès de la CNOPS.
Depuis l’entrée en vigueur de l’AMO à aujourd’hui, on peut dire qu’à la CNSS sont couverts actuellement 2.800.000 personnes qui n’avaient jamais bénéficié d’aucune couverture médicale, ce qui est une chose très importante puisqu’elle couvre tous les soins nécessaires à l’enfant, même l’ambulatoire, jusqu’à l’âge de 12 ans, et les adultes qui bénéficient de toutes les hospitalisations requises, ainsi que les soins en liaison avec les affections chroniques (les ALD) qui sont de l’ordre de 150 maladies répertoriées dans le guide des praticiens et, bien entendu, la maternité.
Ces 2.800.000 bénéficiaires vont êtres revus à la hausse dans la mesure où le Conseil d’Administration de la CNSS a élargi la couverture médicale de base au profit des pensionnés qui ne bénéficiaient pas d’une rente de 1.289 DH. Comme vous le savez, les retraités qui n’avaient pas ce seuil mensuellement dans le secteur général et ceux qui touchaient une pension inférieure à 910 DH dans le secteur agricole, ne bénéficiaient pas de l’AMO. Aujourd’hui, c’est une chose dépassée, puisque le CA de la CNSS a élargi la couverture à cette population estimée à 450.000 personnes. Ce qui fait que l’effectif de la CNSS va passer de 2.800.000 personnes à 3.250.000 personnes couvertes. Cette dernière population est essentiellement composée de retraités qui ont davantage besoin de prestations médicales, donc c’est un service social d’une extrême importance.
À côté de cela, la CNOPS, qui couvrait déjà 2.600.000 personnes, voit son effectif augmenté de 720.000 personnes ; donc, aujourd’hui, la CNOPS couvre 3.320.000 personnes. Ce qui fait que les deux organismes gestionnaires couvrent un effectif de près de 6.600.000 personnes.
À ceux-là il faut ajouter les autres populations qui ont l’obligation de s’assurer et qui entrent dans le cadre de l’AMO mais qui sont couvertes par d’autres entités que la CNSS et la CNOPS. Il s’agit principalement d’une population estimée à 530.000 assurés pour un total de 1.800.000 bénéficiaires couverts auprès des organismes d’assurances privés. Et la population des salariés qui sont couverts dans le cadre de régimes internes ou de mutuelles internes, et qui sont estimés à 800.000 personnes.
Ce qui porte en réalité le taux de bénéficiaires de la couverture médicale au Maroc à pratiquement
30 % dans le cadre de l’AMO des salariés.
F. N. H. : Depuis l’avènement de l’AMO, plusieurs conventions ont été signées profitant aux artisans et personnes à revenus irréguliers… qui devront bénéficier du régime d'assistance médicale en cours de finalisation. Dans tout ce contexte, pensez-vous que les praticiens suivent vraiment ce grand chantier ?
C. T. : Vous avez raison de poser la question par rapport à la communication dans ce chantier extrêmement important puisqu’il concerne, à terme, la totalité de la population marocaine. On ne fait jamais assez pour la communication. Mais bon, nous avons, dans un premier temps, pensé qu’il était davantage nécessaire de communiquer auprès des professionnels de santé qui, eux-mêmes, doivent véhiculer l’information auprès de leurs patients.
À cet effet, plusieurs rencontres ont été tenues à travers tout le Royaume; nous nous sommes déplacés et avons communiqué d’abord avec les professionnels de la santé. Quand je dis nous, entendez la CNSS, la CNOPS, le ministère de la Santé et l’ANAM.
Nous avons pensé qu’il était nécessaire aussi de donner tous les rudiments aux praticiens pour qu’ils comprennent toute la construction du système de l’assurance maladie. L’ANAM a par ailleurs publié trois brochures à cet effet. La première concerne l’ensemble du dispositif légal et réglementaire de l’AMO avec la loi, les décrets, les arrêtés, la charte nationale de la couverture médicale…
Un autre document qui comporte les détails de la nomenclature générale des actes, la classification internationale des maladies, la nomenclature des actes de biologie médicale, des tarifs, des conventions nationales, le descriptif des ALD, de leurs codes… afin de permettre aux praticiens de bien renseigner les feuilles de soins.
Et troisièmement, nous avons publié le guide des médicaments remboursables. Le ministère de la Santé a publié les molécules remboursables et un travail a été fait dans ce sens par les structures de la santé, notamment la Direction des médicaments et de la pharmacie qui a fait un travail extrêmement important tout au long de la préparation de la mise en œuvre de l’AMO. Ceci a donné lieu à une classification des molécules remboursables que nous avons déclinées dans un second temps à l’ensemble des spécialités et des médicaments vendus par les officines.
Nous les avons ainsi déclinées par rapport à leur présentation, leur forme, leur dosage, leur prix public marocain et leur prix de base de remboursement. Ainsi, on rembourse au prix de référence qui est le prix du générique le moins cher.
Ces études concernant les médicaments ont dû être poursuivies davantage, car nous avons dû suivre les prescriptions des médecins tout au long des premiers mois pour voir comment elles se répercutent par rapport à cette liste de médicaments. Et nous avons, la Santé, les organismes gestionnaires et l’Agence, fait un travail relativement important pour compléter cette liste. Nous sommes passés pratiquement de 1.000 médicaments répertoriés à 1.775 médicaments qui couvrent pratiquement la totalité des besoins, et nous n’avons pratiquement plus aucune réclamation quant à l’absence d’un médicament dans cette liste.
F. N. H. : Et pour le grand public ?
C. T. : Cette communication a ciblé dans un premier temps les professionnels pour qu’ils soient un relais d’information. Le gouvernement, puis la CNSS ont déjà communiqué par des campagnes institutionnelles sur les ondes de la radio et des chaînes de télévision. Ceci dit, les trois parties concernées, à savoir l’ANAM, la CNSS et la CNOPS, préparent aussi des campagnes de communication et d’information par rapport aux patients et qui seront diffusées sur les différents supports médias dans un proche avenir.
F. N. H. : Le prix de base de remboursement a été fixé par rapport aux médicaments génériques, sachant que certains praticiens préfèrent prescrire la molécule de base. Cela ne pose-t-il pas un problème de remboursement ?
C. T. : En réalité, il faut que les professionnels de santé, prescripteurs, évoluent sur cette question. Même la loi de la pharmacie et du médicament a changé, instituant le laboratoire d’analyses. Il faut que l’on sache que le ministère de la Santé est très responsable et fait un travail qui respecte les normes notamment européennes ; il s’entoure des précautions nécessaires pour mettre à disposition un médicament fiable et de qualité avant de mettre des génériques sur le marché. Les professionnels sont donc invités à prescrire les génériques quand ils existent. Cela allège l’engagement financier des assurés et augmente leur capacité à accéder aux soins de santé.
Maintenant, si les professionnels jugent qu’il y a un médicament qui ne serait pas fiable, ils n’ont qu’à en informer la structure compétente au ministère de la Santé et lui exposer la crainte ou le constat fait. Ou bien le générique est bon, dans ce cas le ministère de la Santé a les moyens de le prouver et d’informer sur les quelques réticences que pourraient avoir les praticiens. Ou bien on démontrerait qu’effectivement le médicament pose problème, dans ce cas il sera retiré.
Il ne faut pas avoir de prises de position unilatérales et mettre l’assuré ou l’assurance maladie devant des situations de surcoût, et donc de gaspillage, ce n’est pas justifié. Il faut favoriser le générique le moins cher afin que l’assuré ne garde à sa charge que le ticket modérateur réglementaire et donc minimum, et par conséquent le système de santé dans son ensemble.
Bien entendu, quand le médicament n’a pas de générique, on prescrit et on rembourse sur la base du prix public marocain du princeps du moment qu’il figure sur la liste des médicaments remboursables.
F. N. H. : Concernant les affections de longue durée, ne pensez-vous pas que l’AMO n’a finalement rien apporté de nouveau pour la prise en charge, puisque les 10 à 30 % non pris en charge ne sont pas à la portée du malade ?
C. T. : Je voudrais vous dire déjà que cette problématique est à l’heure actuelle à l’étude. Cela dit, il faut savoir qu’il y a 90 % qui sont pris en charge. Les 10 % restants peuvent parfois constituer un montant important qui n’est pas à la portée de tout le monde. Vous avez parfaitement raison la-dessus. Dans ce sens, quelques décisions ont déjà été prises pour exonérer totalement les assurés, et nous sommes en train d’évaluer quel serait le niveau de l’exonération du ticket modérateur pour chacune des affections chroniques.
La CNOPS, pour cinq grandes pathologies, rembourse déjà à hauteur de 100 % même dans les structures privées.
Pour la CNSS, au regard de la courte expérience qu’elle a dans le temps avec les ALD, et c’est tout à fait légitime, elle préfère attendre un peu pour asseoir sa politique par rapport à des éléments scientifiquement prouvés. Donc, on est en train de réfléchir ensemble sur cet aspect-là ; il est évident que l’accès aux soins ne doit pas être freiné par l’incapacité de prendre en charge un ticket modérateur. Je pense qu’avant fin 2007, on aura arrêté les niveaux d’exonération pour les ALD, pour ne garder à la charge de l’assuré que ce qu’il peut supporter, le reliquat étant pris en charge par l’assureur.
D’autre part, il faut toujours veiller à assurer les équilibres nécessaires, car il ne faut pas, par rapport à des ambitions trop volontaristes, qu’on expose notre couverture médicale à des risques inconsidérés. Il faut faire les choses avec mesure, et par étape.


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