* Le financement, qui était de lordre de 1,4 milliard de dirhams avant lentrée en vigueur de lAMO, sest inscrit à 5,9 milliards à fin 2008. * La liste de médicaments admis au remboursement est passée de 1.001 à plus de 2.500. * La CNOPS et la CNSS ont adopté plusieurs mesures pour atténuer la part qui reste à la charge des assurés au titre des affections chroniques, conformément aux dispositions légales et réglementaires. * Chakib Tazi, Directeur général de lAgence Nationale de lAssurance Maladie, dresse le bilan des trois ans de lAMO. - Finances News Hebdo : Quel bilan tirez-vous de ces trois années depuis le lancement de lAssurance Maladie Obligatoire ? - Chakib Tazi : Le bilan triennal 2006-2008 de lAssurance Maladie Obligatoire est très positif à plusieurs égards : Dabord, il convient de constater la mise en place des institutions chargées dencadrer, de réguler et de gérer le chantier, à savoir lorgane dencadrement et de régulation lANAM, et les organismes gestionnaires la CNSS et la CNOPS, qui ont mis en uvre à temps les structures, lorganisation et les procédures requises et les systèmes dinformation évolués pour la bonne prise en charge de lAMO ; La population couverte au titre de lAMO des salariés est passée de 16 à 34% dans lintervalle de 3 ans. Soit plus de 10 millions de bénéficiaires. Le financement qui était de lordre de 1,4 milliard de dirhams avant lentrée en vigueur de lAMO sest inscrit à 5,9 milliards à fin 2008. Durant cette période, plusieurs outils majeurs de la régulation du chantier AMO ont été réalisés. On peut citer, à titre dexemple, les conventions nationales qui régissent les rapports entre professionnels de santé et organismes gestionnaires, la tarification nationale de référence, la liste de médicaments admis au remboursement qui est passée de 1.001 médicaments à plus de 2.500, ainsi que lallègement de la part qui reste à la charge des assurés en ce qui concerne les maladies chroniques et coûteuses. Il est important de citer lélaboration en cours dun ensemble doutils et mécanismes structurants, qui auront dans un avenir proche un réel impact et sur la qualité des soins, et sur la maîtrise médicalisée des dépenses maladie. Le chantier-phare à ce niveau est celui de lélaboration des référentiels de prise en charge des maladies. Enfin, le Conseil dAdministration de lANAM vient de prendre deux décisions de taille lors de sa dernière session du 20 mars : la première est de proposer au gouvernement lextension du panier de soins de la CNSS aux soins ambulatoires, et la seconde consiste en lapplication par la CNOPS du tarif national de référence pour les consultations médicales. Ceci dit, nous constatons avec une certaine appréhension lémergence dune multitude de régimes et couvertures parcellaires relatives à la population des indépendants, dénuées de toute approche de solidarité et déquité, principes sur lesquels repose lAMO de base, et qui de ce fait, présentent des degrés de solvabilité et sont techniquement non solvables. - F. N. H. : Aujourdhui, le chiffre qui circule fait état de plus de 6,5 millions daffiliés. Cela est-il conforme à vos objectifs ? - C. T. : Le chiffre de 6,5 millions de bénéficiaires de lAMO correspond à la population couverte auprès de la CNSS et de la CNOPS. À cela, il faut rajouter une population de lordre de 1.850 personnes couverte auprès des assureurs privés, ainsi quune population de 1.328 personnes couvertes auprès de mutuelles et caisses internes. Ces deux populations de salariés sont aussi soumises à lobligation de lassurance maladie, en vertu de la loi portant code de la couverture médicale de base, mais préfèrent maintenir leur couverture contractée avant le démarrage de lAMO en vertu des dispositions de larticle 114 de la loi. - F. N. H. : Le collectif «Printemps du patient» a dévoilé récemment les résultats du sondage dopinion «Perception de lassurance maladie par les salariés au Maroc». Près de la moitié des personnes ayant déposé un dossier AMO déclarent avoir eu des difficultés à avancer largent pour leurs soins. Quen pensez-vous ? - C. T. : Je prends ces assertions avec beaucoup de précaution. La méthodologie adoptée pour le sondage doit être déclinée pour sassurer de la réelle représentativité de léchantillon sondé par rapport à la population AMO et ses spécificités socio-économiques. En labsence dune méthodologie scientifique, on peut faire dire nimporte quoi à nimporte qui. Toutefois, la réalisation du premier baromètre de lAMO en 2008 par lANAM (voir : www.assurancemaladie.ma), nous renseigne sur une multitude dindicateurs relatifs à laccès aux soins et au suivi médical des assurés AMO. Ce baromètre réalisé auprès de 5.225 assurés et 263 professionnels de santé, a révélé que 31% des personnes interrogées invoquaient le déboursement direct comme principal frein à laccès aux soins. A ce niveau, la CNOPS et la CNSS ont adopté plusieurs mesures pour atténuer la part qui reste à la charge des assurés au titre des affections chroniques conformément aux dispositions légales et réglementaires. Ces mesures ont, dautre part, fait lobjet dune décision de régulation du Conseil dAdministration de lANAM pour plafonner le ticket modérateur pour les affections de longue durée à un niveau de lordre de 250 DH par mois, de sorte à ne pas constituer un frein à laccès aux soins. Cette mesure appliquée par la CNSS depuis juillet 2008 pour certaines affections longue durée (ALD), sera progressivement généralisée à toutes les ALD. - F. N. H. : Si 71% des bénéficiaires jugent le système de lAMO crédible, 67% des personnes interrogées nont jamais déposé de dossiers de remboursement par manque dinformation. Cet avis tient-il la route vu leffort de communication fait autour de lAMO ? - C. T. : Ces pourcentages nont aucun sens si les hypothèses de base ne sont pas déclinées conjointement ; donc je ne peux les confirmer. Ceci dit, nous avons constaté que le niveau de laccès aux soins pour la population nouvellement couverte auprès de la CNSS reste très faible. Des actions de sensibilisation et de proximité ont été engagées par le management de la CNSS auprès des entreprises concernées, et de façon très ciblée dans différentes régions du Royaume. Nous mettons à la charge de cette situation le niveau de léducation sanitaire de cette population, mais aussi la composition du panier de soins CNSS. Sans nul doute que lextension du panier des soins aux soins ambulatoires va lever lincompréhension qui entourait la couverture. Ce postulat est loin dêtre le cas de la CNOPS dont 55% des bénéficiaires déposent des dossiers. - F. N. H. : Ne pensez-vous pas quune simplification des procédures simpose actuellement ? - C. T. : Le baromètre a, en effet, révélé que dans le cadre des affections de longue durée la priorité des assurés est la simplification des procédures de prise en charge et ce pour 38 % des cas. Les organismes gestionnaires, les représentants des cliniques et lAgence ont déjà entamé létude de lallègement du dossier de la demande de prise en charge. Ceci dit, la solution optimale à ce niveau consiste à dématérialiser les flux dinformations entre les acteurs de lassurance maladie, y compris lassurance maladie complémentaire. Là aussi, un chantier vient dêtre ouvert.