La hausse de 18 % du prix du fioul a plongé les industriels dans le désarroi. Ils ont manifesté leur étonnement de ne pas avoir été prévenus de cette hausse, ni de ses motivations qui seraient dues à une suppression de la compensation. Le Directeur de la Caisse de compensation assure, pour sa part, que les produits pétroliers sont toujours subventionnés. Cette hausse de prix est la résultante de la baisse de la subvention du fioul N° 2, suite aux efforts de réforme de la subvention au profit de programmes sociaux. Nous sommes en avril 2010 quand le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales, présentait les résultats de l'étude sur une réforme de la compensation. Il avait expliqué que cette réforme se propose de faire glisser progressivement le dispositif de compensation actuel vers un projet sociétal, dans le cadre d'une politique globale de protection sociale et de réduction des inégalités. Progressivement, mais un peu trop vite au goût des industriels. En effet, les effets de cette réforme ont très vite été ressentis par ces opérateurs et plus particulièrement depuis le 15 août 2010. A cette date-là, le prix du fuel avait été augmenté de 18 % d'un seul coup, comme le montre la facture d'un industriel casablancais. Pour lui, l'Etat les a mis devant le fait accompli. Déjà, au début du mois d'août, les consommateurs du fuel N° 2 avaient été avisés par les distributeurs des produits pétroliers que cette hausse sera opérée 15 jours plus tard. Pour Mounir El Bari, président de la Fédération des industries forestières, des arts graphiques et de l'emballage, les industriels auraient dû être prévenus par les autorités compétentes bien à l'avance, mais surtout, ils devaient être aussi renseignés sur les motifs de cette augmentation subite. «Il faut noter que ce fuel N° 2 a une grande teneur en souffre, donc un assez mauvais rendement énergétique», estime un industriel de la céramique. Il garde encore en souvenir les perturbations d'approvisionnement de ce fuel en juillet 2009, mais prend son mal en patience, car le fuel N° 7, plus propre, reste très cher. Cette hausse s'est traduite pour l'industrie papetière par une augmentation de 10 à 12 % du coût de revient. «Le carton ondulé a été touché dans un degré moindre, mais l'impact est là», souligne le président de la FIFAGE. Et c'est le même son de cloche du côté d'autres industries très dépendantes de l'énergie pétrolière. Pour le cas de la FIFAGE, le président explique avoir saisi par courrier le ministre de l'Industrie, fin août, pour pouvoir discuter de la possibilité de lisser cette augmentation. Fini la subvention ?! La seule explication à laquelle les industriels ont eu droit émane des distributeurs de fuel eux-mêmes qui ont évoqué une suppression de la subvention étatique de ce fuel. Un argument nié en bloc par Najib Amor, Directeur de la Caisse de Compensation. «La Caisse continue de subventionner ce fuel avec une moyenne de 1.300 DH par tonne», explique-t-il. Le Directeur de la Caisse nous a également fourni une fiche sur la structure des prix des produits pétroliers pour la période allant du 16 au 31 octobre pour étayer ses dires. Et, effectivement, tous les produits sont toujours subventionnés. Comme c'est le cas du fuel destiné à la production de l'énergie électrique d'une puissance supérieure à 10 MW. Plus communément connu comme fuel industriel utilisé par les industries à chaudronneries ou énergétivores, c'est à un prix de reprise de 4.006,34 DH pour la période allant jusqu'au 31 octobre. Avec la TVA et les frais de fret, son prix dépasse rapidement les 4.500 DH la tonne. Avec la subvention de l'Etat, de l'ordre de 2.121,95 DH, le prix de vente en gros, TVA comprise, est de 2.384,33 DH. Ce qui prouve qu'effectivement les produits continuent à être subventionnés, souvent avec des moyennes dépassant les 1.500 DH. Les programmes sociaux prennent le dessus Mais alors d'où vient cette mystérieuse augmentation de 18 % du fuel N° 2 ? Cette augmentation semble tout à fait logique pour le gouvernement et s'inscrit naturellement dans l'énoncé de la réforme de la compensation. Cette réforme doit être en effet orientée vers un objectif ultime qui a trait à l'efficience de l'allocation des ressources budgétaires au travers de la mise en oeuvre de filets de protection sociale sur la base d'un ciblage des groupes sociaux bénéficiaires. Ainsi, les économies réalisées au niveau de la Caisse de compensation sont redirigées vers le ciblage. Actuellement, c'est le programme Tayssir qui accapare toutes les attentions sur la fiabilité de l'aide directe aux personnes démunies ou dans des situations précaires. Mais, ce qui semble totalement logique pour les uns, est difficilement acceptable pour les autres. En effet, «nous subissons une grande pression sur les prix de revient, et si rien n'est fait, beaucoup se trouveront dans l'obligation de répercuter cette hausse sur les prix», déplore Mounir El Bari. Par conséquent, cette hausse pourrait être répercutée sur les prix de vente, donc sur le consommateur final. Autrement dit, ce qui est donné au citoyen d'une main lui est repris de l'autre. Comment sortir dès lors de ce cercle vicieux ? Seuls les jours à venir pourront fournir une réponse et, en attendant, le processus de réflexion et d'échanges est en cours. Car, si le diagnostic du système existant a confirmé les différents dysfonctionnements qui le marquent, le nouveau doit être le fruit d'un consensus. Pour cela, le Maroc dispose d'un peu moins de deux ans pour que le système de compensation actuel ne cède, à terme, la place à un modèle de protection sociale basé sur le renforcement des capacités humaines et la résorption des inégalités, en opérant un transfert direct conditionné des gains aux couches les plus démunies. Mais tout en veillant aux équilibres économiques !