Il aura fait beaucoup de chemin avant d'accéder à la tête du ministère de l'Equipement et du Transport. Sans jamais se perdre… en cours de route, comme l'auraient d'ailleurs souhaité, par moments, certains de ses détracteurs. Karim Ghellab est là, bien présent, au terme de plusieurs années de flirt avec l'administration publique, brièvement rompu par son passage au sein du Groupe ONA, précisément à Tanger Free Zone, en 2001. Ce qui sanctionnait sa seconde expérience dans le privé, après notamment un passage remarqué dans un cabinet de consultant parisien, fut assez furtif, pour ne pas dire éphémère. La même année, il est en effet nommé par le Souverain Directeur général de l'Office national des chemins de fer. Avait-il jamais imaginé avoir la confiance du Souverain pour se voir nommer à un tel poste ? «Cela n'a rien de bien étonnant. C'est un bosseur très discret qui a fait ses preuves depuis qu'il a rejoint le ministère de l'Equipement en 1994 en tant que directeur provincial à El Hoceima», confie un de ses anciens proches collaborateurs. «Ce sont d'ailleurs sa rigueur professionnelle et son sens des responsabilités qui lui ont valu d'être nommé Directeur central en charge des Programmes et des Etudes en 1996, puis des Routes et de la circulation routière en 1998», relève-t-il, et d'ajouter qu'«il faut vraiment être brillant pour connaître une telle ascension en si peu de temps dans le public». Le public justement découvrira et apprendra petit à petit à connaître le «bonhomme» au lendemain de sa nomination à la tête de l'Office. Il avait alors juste 35 ans. Motivé et doté d'une volonté… de fer, il avait alors l'ambition légitime de faire de l'ONCF une structure moderne, à la mesure de la dynamique de modernisation de l'économie nationale impulsée par le Souverain. Un beau challenge pour ce diplômé de l'Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris ! Qu'il se devait d'honorer. C'est un truisme de dire que relever un tel défi n'était point une sinécure au sein d'un établissement public soumis au jugement quotidien de passagers rarement satisfaits. Surtout qu'il héritait d'une structure où il y avait beaucoup à faire. Pour ne pas dire tout : gérer les problèmes structurels, notamment celui de la caisse interne de retraite, tout en poursuivant la politique d'extension et de modernisation du réseau ferroviaire. Une mission brillamment menée qui lui vaudra, en novembre 2002, la confiance renouvelée du monarque : il devient alors ministre de l'Equipement et du Transport. Un département stratégique à l'heure des grands chantiers d'infrastructures initiés par le Royaume où il n'atterrit guère l'escarcelle vide. Il y dépose ses valises lourdes d'une fructueuse expérience et intéressante expertise dans la gestion de l'ONCF, déterminé à faire de ce ministère qui lui avait ouvert les bras à ses débuts un acteur incontournable du Maroc moderne. Maroc en chantier Cela fait maintenant huit ans qu'il est à la tête de ce ministère. Huit ans qu'il accompagne les grands chantiers d'infrastructures et s'évertue à restructurer et moderniser les systèmes de transport. Huit ans qu'il est sur plusieurs fronts : modernisation et extension des réseaux autoroutiers, modernisation des gares ferroviaires et aéroportuaires, libéralisation du transport maritime, libéralisation du transport routier de marchandises, open sky, complexes portuaires modernes Tanger Med et Nador West Med… Des projets menés à la vitesse TGV (en attendant celui devant relier Tanger à Casablanca en 2015) avec, en toile de fond, des milliards de dirhams investis et des calendriers d'exécution pour le moins précis L'opinion publique s'en réjouit, certes. Ghellab aussi, certainement. Mais il lui a fallu être tenace. Ménager la chèvre et le chou quand il l'a fallu. Et, surtout, trancher, voire faire du forcing par moments. C'était le cas notamment pour faire passer le nouveau code de la route. Ce fameux code qui lui a valu une véritable volée de bois vert et qui a failli être enterré dans la trappe des projets morts-nés. En «vieux routard», il a réussi à l'imposer, faisant sauter, non sans fracas (son penchant pour les arts martiaux y est sûrement pour quelque chose), les nombreuses barrières posées par les puissants lobbies des transporteurs. «C'était une réforme particulièrement éprouvante pour lui. Il a eu à traverser des périodes très difficiles et très délicates, surtout au lendemain du rejet de la première mouture du nouveau code de la route. Même s'il faut reconnaître que ce projet devait être revu et corrigé, certaines personnes ne sont montées au créneau que parce qu'il était porté par un homme d'obédience politique différente de la leur. Et elles en ont profité pour essayer de régler leurs comptes. Sans succès cependant, car, au final, grâce à sa persévérance et sa ténacité, il a eu le dernier mot», confie un autre de ses proches. Certains se surprennent, parfois, à s'interroger sur le sens et la portée de cette réforme. Pourtant, avec le recul, l'on convient aisément qu'elle était nécessaire. Ce sont les chiffres qui le disent : les accidents de la circulation font 4.000 morts par an et coûtent au Maroc 11 Mds de DH, soit 2,5% du PIB. Suffisant pour légitimer l'entrée en vigueur d'un nouveau code censé induire un comportement responsable au volant. Si, pour autant, il s'applique à tous les citoyens, quels qu'ils soient, avec la même fermeté. Ce qui n'est pas encore gagné ! Sans triomphalisme Ghellab trace aujourd'hui sa route sans triomphalisme aucun. Après seize années au sein de l'administration publique, dont huit en tant que ministre, il peut s'enorgueillir d'avoir accompli valablement ses nombreuses missions au service de la collectivité. Un bel exemple de réussite pour la jeunesse istiqlalienne. Mais son combat est loin d'être fini. A deux années de la fin de cette législature, il a encore de nombreux chantiers à boucler, à l'image de l'étendue de son ministère. Et autant d'obstacles et de diatribes acerbes auxquels il devra faire encore face. Il en a sûrement conscience. A l'aube de sa quarante quatrième année (le 14 décembre prochain), ce Sagittaire peut toutefois afficher une certaine sérénité : au cours de ses deux législatures, il a pu étouffer la cupidité et l'avidité de certains lobbies et maîtriser la convoitise de ses rivaux politiques. Le plus dur est-il pour autant fait ? Oh ! que non. Et il aura tout le temps de s'en rendre compte.