C'est sous le titre de Résurrection Suspendue que l'artiste Mohamed Berrada expose du 9 à 30 novembre au Musée Municipal du Patrimoine Amazigh d'Agadir. Une exposition concernant plusieurs toiles, à multiples techniques, et où l'artiste s'exprime « à chaud » et à sa façon sur l'actualité et sur les changements qui y ont trait. Univers presque chaotique, fait de revendications et de révolte, au sein d'un monde arabe plus assoiffé de liberté que jamais. Jadis il était surtout connu pour ses portraits au langage dominé par le désarroi et la mélancolie et pour sa peinture où les âmes semblaient en peine, se cherchant dans le labyrinthe d'un monde absurde devenu leur quotidien par la force des choses. Mais son expression est toujours restée sans équivoque : la perfection de son art. Aujourd'hui, Mohamed Berrada nous surprend avec un style tout à fait inédit et sur un thème totalement différent, actualité oblige, le printemps arabe. Dans une culture arabe où la quête du sens est un moteur et un aboutissement en soi, les toiles de Berrada peuvent être déroutantes, de prime abord, car ce sens tant recherché est décliné en une multitude de fractions de sens autonomes. Chaque toile devient, ainsi, un déluge de sens. Chacune en est l'image d'un sens délirant, éparpillé dans toutes les directions, pour un « non sens » imaginaire. Ces toiles n'acceptent ni jugements lucides, ni analyses à tête reposée, car elles sont le produit d'une peinture de spontanéité et d'action, ayant la particularité de vous happer et vous envoûter dés l'instant précis où votre regard les croise. Et c'est ce premier impact, cette impression première, bien avant que votre esprit ne se mette à penser, cogiter et à retrouver toute l'étendue de sa lucidité pour juger, qu'il faudra chercher ce « sens : cette clé de sésame ». Nous vivons tous dans un univers, devenu une sorte de réseau de communication en tous genres. Aucune frontière n'est réelle, toutes ne sont que virtuelles et les toiles de l'artiste ne dérogent pas à cette règle. Toutes ces lignes, qui traversent la toile dans tous les sens, nous laissent une certaine impression qui n'est, au final, que l'expression subjective de chaque être et ce n'est que l'ensemble de tous ces sens subis et suggérés, une fois mis bout à bout sur une toile, qui finit par donner le plein sens. Chaque toile est faite de données, de suggestions et de bribes éparses mais autonomes. Chaque bribe est là, avec ses couleurs, sa façon d' « être » prête à vous défier, à vous narguer et à vous proposer un jeu selon ses règles, pour mieux se déjouer de vous ; à vous conduire en visite guidée, vers une autre partie de la toile, une autre partie du puzzle ou elle finit allègrement par s'imbriquer et se lier. Chaque toile n'est que la suite d'une précédente. Aucune n'est une fin en soi. Chacune s'inspire des unes pour susciter les autres. Tout est relié. L'unité dans la diversité. Le royaume du « tout ou rien ». Selon Berrada, « … les adultes que nous sommes ont perdu cette richesse qui leur permettait d'embrasser les détails éparpillés en un acte immédiat et unique de compréhension … cette réflexion m'a conduit à chercher une peinture dont la structure suggère un univers duquel l'architecture pourrait rejoindre le mode de fonctionnement de la pensée. C'est pour cela que l'artiste ne doit, forcément, pas avoir un style précis. Il doit rester en une perpétuelle quête de nouveauté, sans abdiquer devant les « frontières » et sans se restreindre à un style en particulier. J'étais proche de l'impressionnisme, mais après plusieurs recherches, je me retrouve à l'heure qu'il est dans l'art abstrait. Le thème de mon exposition actuelle a aussi joué un rôle dans ce sens. Il demande plus de spontanéité au travail. Ma source d'inspiration, le printemps arabe, s'est transformé par la suite en hiver islamiste, parfois extrémiste, ce qui peut menacer les valeurs humaines et la liberté individuelle. Je ne suis contre, ni les mouvements islamistes, ni salafistes ou autres, mais contre toute forme d'extrémisme. Et c'est à cause de ce phénomène nouveau, que j'estime préférable d'attendre encore la fin de cette révolution pour lui donner un titre définitif. » L'artiste Mohammed Berrada, possède une technique hallucinatoire, démentielle, au coup de pinceau surnaturel où les couleurs s'enchevêtrent avec une dextérité ensorcelante, tout en accentuant la pensée d'une apothéose cataclysmique : celle du bien contre celle du mal ; celle de la lumière divine contre celles des ténèbres, de la tristesse, des déboires et de toutes sortes de désillusions sur le sort et sur la vie. Mohamed Berrada est à la fois artiste peintre, professeur d'arts plastiques et président de l'association des arts plastiques « mass'art ». Né à El Jadida, mais vivant et travaillant à Agadir, ce jeune artiste à réussi merveilleusement à assortir le rouge des coquelicots, la verdure des champs, le saumon des citrouilles, le bleu-azur de l'océan…de son doukkala natal, à l'ocre du sud du royaume. Et c'est à travers la beauté de ces couleurs, que jaillit toute sa sensibilité, son amour et son émotion.