A l'occasion de la première édition du Printemps des Poètes les allées et les ruelles de notre charmante petite ville El Jadida ont connu un radoucissement des températures, avec un air ambiant où l'odeur des fleurs dominait, saison oblige. C'est dans cette atmosphère que l'association Poésie pour Tous a accueilli la grande poétesse mazaganaise Fatima Moutih .
Toute de noir vêtue, elle était d'une beauté naturelle. Une de ces beautés qui ne cessent de croître, au fur et à mesure que le temps s'écoule, pareille à un grand vin du terroir. D'une voix haletante, parfois brisée, comme trahie par l'émotion, par l'intensité des sentiments, du désir ou par les méandres ténébreux de la déception, notre poétesse chuchote ou crie chaque syllabe, chaque mot, chaque vers… au gré de ses déceptions et de ses joies. Regard presque absent, elle semble nous abandonner par intermittence, comme pour aller planer sur un tapis volant auprès d'un être cher afin de se blottir dans ses bras et s'y réfugier ; entrer au contact de son corps et trouver chaleur ; s'accrocher à ses lèvres et gouter au début d'une naissante osmose. Guettant la fraîcheur de chacun de ses mots, le parfum de son souffle, le timbre de sa voix, Lui cet Air qu'elle respire ; Lui cette Eau dont elle s'abreuve ; Lui ce Feu, au loin de qui les angoisses finissent par la fondre et les braises la consumer, jusqu'à l'anéantir. D'un charisme et d'une présence sur scène qui focalisent toutes les attentions, elle lit d'une voix voluptueuse pleine de sensualité ; une de ces voix qui vous chantent l'Amour et font hymne à la passion et finissent par vous captiver. Puis telle une prisonnière qu'on enchaine au seuil du summum d'un Amour tant miroité, elle se débat de toutes ses forces. Insatiable. Inconsolable. Régurgitant à mort toute l'étendue de son calvaire, de sa tristesse, de ses peines et de l'injustice du sort. Pour un soir, c'était trop d'émotion pour une assistance vite séduite et envoûtée, contaminée par cette contagieuse maladie d'amour qu'elle portait et arrivait sans grande peine à lui transmettre, aidée en cela par son charme, la douceur de sa voix, le ton dosé de ses mots, l'élégance de ses gestes…et la profondeur de ses poèmes. L'espace d'un soir, Fatima Moutih a été fidèle à son image habituelle : Rayonnante. Son passage devant ce public d'El Jadida, revêtait une connotation très particulière pour elle. Ce sont les souvenirs d'une enfance joyeuse dans les rues de la médina (derb Touil) qui reviennent, en cascade, lui rappeler les charmes de sa ville natale qui inspire l'amour et la tolérance. Ville des couleurs et des odeurs : de cet air iodé d'une mer si proche, de ce sel balloté par les vagues, de ces fritures de poissons grillés dans son vieux port, d'où émane un brouhaha les jours des grandes prises, et qui ne nous demandent qu'à fermer les yeux pour deviner l'appétissante odeur qui doit s'en dégager. En somme une ville d'exotisme…. L'odeur des balades et des épopées s'est propagée dans la ville, laissant un air de fête sur son passage. Rêves enchantés des jardins romantiques, Spinny, MohammedV,… où le merveilleux suit le fantastique… Nous nous sommes laissés entrainer derrière Fatima Moutih , dans ce songe féerique qu'est le monde lyrique. Le récital de Fatima Moutih a été égrené par des « taqasim » de luth joué par Mohamed Ennayr.