Tant que le service public laisse à désirer, la sincérité des comptes publics continuera encore et encore à cristalliser les débats. Les reformes déployées au cours des dernières années n'ont pas pu remédier un tant soit à un service public défaillant. Le ras-le bol et les doléances des citoyens sont souvent exprimés sur les réseaux sociaux qui ont fort heureusement remplacé la rue. La notion de la sincérité des comptes publics est nécessaire mais non suffisante dans la mesure où il ne suffit pas que les comptes soient transparents ou fidèles, mais encore faut-il que la dépense publique soit rationnelle et utilisée à bon escient. Au cours des dernières années, les dépenses publiques ont cru d'une manière exponentielle sans pour autant aboutir à une amélioration du service public. C'est là où le bât blesse ! Pis encore, il est souvent recouru à l'endettement pour boucler le Budget. La rencontre initiée le samedi 9 juin par le ministère de l'Economie et des Finances en partenariat avec Fondafip a été une occasion pour lancer à nouveau la réflexion sur la sincérité des comptes publics et son corollaire l'amélioration du service public. Depuis plusieurs années, la sincérité des comptes publics n'est plus de l'exclusivité de l'Etat mais aussi du citoyen lambda. Tout l'enjeu est de lui offrir la garantie que les impôts et taxes qui lui ont été prélevés ont été utilisés conformément aux orientations du Parlement. Etaient présents à cette rencontre de haut niveau plusieurs personnalités aussi bien marocaines que françaises avides de débattre, d'échanger leurs expériences en la matière et de jeter la lumière sur une notion complexe de par sa nature juridique. « Pour que la sincérité des propositions faites par le Parlement ou des conseils d'une Collectivité Locale à un moment donné soient sincères, il faut que les comptes soient reconnus sincères par un organe légitime telle que la Cour des Comptes comme c'est le cas aussi bien au Maroc qu'en France», explique Michel Bouvier président de Fondafip. Ensuite il faut véritablement que chacun reconnaisse que la sincérité des comptes budgétaires et comptables a des effets sur la dépense publique mais également sur le contribuable. La sincérité touche aussi bien la recette que la dépense. « Pour une meilleure efficacité, le principe de la sincérité étant juridique issu du droit des affaires doit s'étendre aux Collectivités locales, à l'Etat, à la sécurité sociale», tient à préciser Michel Bouvier. Et par rapport à quoi va-t-on juger la sincérité ? C'est tout un problème à savoir celui de l'interprétation des textes. La question est essentielle parce qu'il faut un modèle objectif. Le principe de la sincérité est relatif par rapport à l'espace, au temps... Il ne s'agit pas de science exacte. Sincérité budgétaire vs comptable A son tour dans son intervention, le Trésorier Général du Royaume Noureddine Bensouda a tenu à rappeler que les budgets publics sont un domaine à forts enjeux d'ordre politique, économique, financier et social. Et d'ajouter : « Lorsqu'ils sont bien préparés et exécutés, les budgets publics constituent un véritable levier pour le développement économique et social ». A noter que l'article 10 de la loi organique des finances précise que « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. La sincérité des ressources et des charges s'apprécie compte tenu des informations disponibles au moment de leur établissement et des prévisions qui peuvent en découler ». L'obligation de sincérité budgétaire est tributaire de la réalisation de quatre conditions : La première condition est que les révisions budgétaires doivent être exactes, exhaustives et correspondre aux besoins réels de l'Etat afin de lui permettre de produire des biens et services de qualité et d'honorer ses dettes ; La deuxième est que les crédits prévus doivent être suffisamment détaillés pour permettre au Parlement de connaître la véritable destination des dépenses et faciliter ainsi le contrôle lors de l'exécution du budget ; La troisième est liée à la débudgétisation des ressources et des charges de l'Etat ; La quatrième condition est que le gouvernement est tenu de transmettre au Parlement toute nouvelle information susceptible de remettre en cause l'équilibre budgétaire. Noureddine Bensouda a mis le doigt sur certaines défaillances en matière de sincérité budgétaire pour ne citer que les Comptes spéciaux du Trésor ou les Services gérés de manière autonome qui souffrent d'un problème d'illisibilité aussi bien des prévisions que d'exécution. « Toutefois, il est à mettre en évidence que si la sincérité des budgets est difficile, la sincérité comptable fait par contre l'objet d'un contrôle et d'une certification par la Cour des comptes, car la comptabilité constitue un instrument de preuve de l'utilisation de l'argent public et en même temps de contrôle de l'action publique », avise le trésorier général du Royaume. On ne pourra parler de sincérité que lorsque toutes les parties prenantes (citoyens, Parlement, Cour des comptes, universitaires, société civile, médias...) disposeraient d'informations permettant une bonne lisibilité des finances publiques, une reddition des comptes et surtout une évaluation des politiques publiques. Cette rencontre était également l'occasion de s'attarder sur l'expérience française afin de pouvoir tirer les enseignements nécessaires tout en les adaptant à la réalité économique nationale.