Ecrit par Imane Bouhrara | Créer un marché commun à la taille du continent africain, est l'un des principaux objectifs de la ZLECAF. Lancée le 1er janvier 2021, la zone de libre échange recèle encore de quelques interrogations quant à son mode de fonctionnement et son apport à l'intégration africaine. Abdou Diop, invité de l'ISPJS en rappelle les principaux enjeux. Le lancement officiel des échanges commerciaux entre 54 pays membres, dans le cadre de la ZLECAF à partir du 1er janvier 2021, constitue une étape importante dans l'intégration économique dans un espace commercial des plus importants au monde avec 1,2 milliard de consommateurs actuellement et de près de 2,5 milliards en 2050. Ceci dit, nombre d'interrogations se posent encore sur le mode de fonctionnement de la ZLECAF et son apport à l'intégration africaine et au Maroc (qui a signé mais n'a pas encore ratifié l'accord), les économies du continent étant fragmentées et les échanges intra africains en deçà des potentialités de ces pays. Dans la perspective de mieux rapprocher ses étudiants des enjeux de la zone de libre-échange et du marché commun en construction, l'Institut des Sciences politiques, juridiques et sociales (ISPJS) a organisé ce 4 mars une Table ronde, animée par Abdou Diop, associé-gérant de Mazars Maroc et président de la « Commission Afrique » (CGEM). D'emblée, Abdou Diop a rappelé que la ZLECAF est une des composantes majeures de l'Agenda 2063 qui est l'émanation des nations africaines de transformer le continent en puissance mondiale de l'avenir. Il s'agit de dépasser et de capitaliser sur l'élan de la création de 8 communautés économiques africaines, vers un développement plus inclusif et plus durable. Ceci nécessite une telle organisation avec des économies très hétérogènes et des contraintes aussi variées que le sont les économies africaines. D'ailleurs dans les négociations de la ZLECAF qui ont démarré il y a plus de deux ans se poursuivent encore pour la construction d'un marché commun. « L'un des premiers défis est la faiblesse du commerce intra-africain en lien avec la faiblesse des biens produits localement, le frein logistique qui rend plus simple d'acheter, les frais de douanes... il s'agit de paradoxes réels que la Zlecaf devra régler, notamment avec la levée de 80% des barrières tarifaires pour l'ensemble du continent avec un consensus sur 7% avec démantèlement progressif et 3% considérés comme des industries sensibles à protéger », souligne Abdou Diop. L'un des enjeux majeurs de la ZLECAF est de créer une complémentarité entre les industries et économies africaines en faveur du « Made in Africa » avec une montée en gamme des taux d'intégration en Afrique. Ce qui implique une réelle transformation structurelle des économies du continent. Ligne de financement, règle d'origine, propriété intellectuelle, protection des investissements sont autant de sujets sur lesquels les pays concernés sont encore en train de légiférer, précise le président de la commission Afrique de la CGEM. Dans les apports de la ZLECAF aux pays africaines, Abdou Diop retient trois éléments clés : d'abord, la ZLECAF renforcera les échanges commerciaux entre les pays du continent, ce qui donnera un coup d'accélérateur à l'industrialisation dans les pays africains parce qu'ils auront accès à un plus grand marché continental (1,2 Md d'habitants donne plus de perspectives de développement et de captation des investissements), et enfin, cela renforcera la transformation des matières premières sur place. Cela pose alors la question, qu'est ce qui a démarré concrètement ce 1er janvier 2021 ? « Les pays remplissent trois conditions essentielles : avoir signé l'accord de Kigali, l'avoir ratifié et avoir déposé son offre tarifaire (avec les 80% des droits de douanes levés, les 7 % qui le seront progressivement et les 3% qui ne le seront jamais). A ce jour, 30 pays sur les 54 remplissent ces conditions et qui en principe peuvent commercer entre eux. On pense qu'en juin, il y aura une accélération des échanges. Mais pour que la machine soit entièrement fonctionnelle et huilée, il faudra tabler sur 4 à 5 années pour donner le temps à ce que le processus soit totalement opérationnels », annonce-t-il. En effet avec 54 pays membres, la ZLECAF est la plus grande zone de libre-échange après l'OMC, mais progressivement les pays africains commencent à y voir un intérêt certain surtout qu'il s'agit d'une démarche volontariste. Lire également : [ENTRETIEN] ZLECAF : ABDOU DIOP DETAILLE LA DEMARCHE À SUIVRE PAR LES ENTREPRISES MAROCAINES