Le Maroc s'apprête à ratifier la ZLECAF, c'est juste une question de procédure. La finalisation des règles d'origine aura lieu avant le 31 décembre 2020. Le rêve des pays fondateurs d'une zone de libre-échange continentale africaine se concrétise enfin. Dès le déclenchement de la crise sanitaire liée à la Covid19, les interrogations et les supputations concernant l'entrée en vigueur de la ZLECAF se sont multipliées appréhendant un non aboutissement tel que prévu en 2020. La conjoncture ne s'y prête pas. Et pourtant, la Covid19 a révélé les tares de longue date des chaînes de valeur et d'approvisionnement, soulignant la dépendance outrancière de l'Afrique en matière de produits manufacturés importés pour satisfaire la demande intérieure. Les matières premières, le transport et la logistique sont cités en premier par les dirigeants d'entreprises comme étant la plus grande menace potentielle pour les chaînes d'approvisionnement industrielles. Lire également : [ENTRETIEN] ABDOU DIOP : « L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA ZLECAF DEVRAIT ÊTRE MAINTENUE POUR JUILLET 2020 » La situation post pandémie risque d'être plus délicate pour les pays du Continent en l'absence de réformes audacieuses. Les derniers chiffres de la Banque Mondiale ne sont guère rassurants et augurent d'une récession de -5,1% en 2020. L'entrée en vigueur de la ZLECAF à partir du 1er janvier 2021, décidée à l'issue du dernier Conseil de l'Union africaine, va permettre au Continent de booster le commerce interafricain par la suppression progressive des droits de douane et de limiter un tant soit peu la dépendance vis-à-vis du Nord. La première question qui vient à l'esprit est jusqu'à quel degré la ZLECAF, ratifiée aujourd'hui par 104 pays, pourrait se concrétiser réellement avec tous les effets escomptés. Il semble que les chefs d'Etat sont déterminés à faire avancer le projet dans la bonne direction parce qu'il se veut crucial pour l'avenir du continent. La volonté politique des chefs d'Etat est là, la volonté des opérateurs économiques l'est aussi sachant que les conditions prévues initialement ne sont pas toutes réunies à cause de la pandémie qui a affecté brutalement les économies africaines. Mais cela n'a pas empêché lesdits pays de faire aboutir le projet malgré les quelques mois de retard. Interrogé sur la question par Medi1TV, Abdou Diop président de la Commission Afrique à la CGEM a annoncé que l'entrée en vigueur se fera dans un premier temps d'une manière hybride. Comment ? Dès le démarrage, il est question de partir avec un socle assez intéressant pour atteindre les 90% avant de passer à la seconde phase du processus de libre-échange où une autre partie des biens sera démantelée progressivement et les négociations sur les règles d'origine devant être finalisées se poursuivent. Elles le seront avant le 31 décembre 2020. Quel impact sur le Maroc qui s'apprête à ratifier la ZLECAF ? Pour le président de la Commission Afrique de la CGEM, tous les pays qui ont pu structurer leur industrie en l'arrimant aux chaînes de valeur mondiales vont en tirer profit. Ces pays dont le Maroc fait partie vont pouvoir ainsi construire le made in Africa. Si l'on prend le cas du Maroc, ce dernier a réussi à construire un écosystème automobile, aéronautique, textile... Le positionnement du Maroc et d'autres pays africains sur ces chaînes mondiales vont permettre une intégration forte de ces métiers dans le continent. Autre élément important est que les 54 pays africains seront dans la même zone de libre-échange et du coup pourront commercer entre eux. La pandémie a montré que beaucoup de produits importés par un pays hors du continent sont produits par un autre pays africain. Le potentiel de complémentarité existe et est bien réel. Partant de là, les pays du continent pourront assurer la souveraineté industrielle parce qu'ils ont à leur disposition un marché assez large à même d'absorber leurs produits. Il y a deux ans depuis la signature de l'accord, des efforts ont été déployés par le ministère de l'industrie en vue de concertation avec les fédérations et les opérateurs privés pour qu'ils soient mieux impliqués dans l'offre marocaine. Il y aussi cette suspicion que la ZLECAF profite essentiellement aux grandes multinationales des grandes puissances économiques telles que la Chine, l'Europe ou les USA et que la ZLECAF soit in fine une porte ouverte pour les produits de ces multinationales. « Aujourd'hui dès lors qu'une puissance économique Chine ou autre crée une entreprise dans un pays africain, elle devient africaine. Cette même entreprise emploie des africains, crée de la valeur ajoutée dans ce pays. Mais encore faut-il que les acteurs locaux développent un secteur privé à même de nouer des partenariats avec des opérateurs du continent », explique A. Diop. Et de poursuivre : « Quant on voit l'emploi créé par les grandes structures de l'automobile, la richesse générée, les véhicules made in morocco produits en masse... l'origine du capital importe peu ou guère dès lors qu'un écosystème est construit ». Un changement de mentalité reste toutefois déterminant pour que les opérateurs importent ou exportent avec d'autres pays africains au lieu de recourir sciemment aux marchés traditionnels notamment l'Europe. Pour ce faire, les opérateurs africains toutes catégories confondues sont appelés à faire preuve d'innovation et d'être compétitifs. Faute de quoi, les mêmes causes produiront les mêmes effets et le commerce interafricain restera à des niveaux bien en deçà des attentes. Lire également : DERNIÈRE LIGNE DROITE AVANT LE LANCEMENT DE LA ZLECAF LE 1ER JANVIER 2021