Jusqu'à quel degré les dernières pluies peuvent-elles rassurer quant à une bonne campagne agricole ? Si elles restent dépendantes de certains paramètres, l'impact sur le stress hydrique est néanmoins certain. Les fortes pluies qui se sont abattues sur tout le territoire ont apporté de l'espoir au cœur des citoyens mais surtout des agriculteurs qui craignaient une mauvaise campagne agricole. Bien qu'en cours de route des dégâts soient provoqués essentiellement dans le milieu urbain, le spectre de la sécheresse hante les esprits qui finissent par savourer les fortes pluies. Après une année de crise sanitaire conjuguée à une forte sécheresse, tous les scénarios de croissance ont été révisés à la baisse. 2020 est une année inédite pour le Maroc qui a vu quasiment à l'arrêt toutes ses locomotives de croissance. Après une contraction du taux de la croissance de 6,6% en 2020 avec un repli de 5,3% de la valeur ajoutée agricole et de 6,6% de celle non agricole, le Maroc peut-il aspirer à un taux de croissance au-delà de 5% ? Selon les dernières estimations du wali de BAM à l'occasion du dernier conseil au titre de l'année 2020, la croissance économique en 2021 rebondirait à 4,7%, avant de se consolider à 3,5% en 2022. Ces évolutions refléteraient, d'une part, des augmentations de 13,8% en 2021 et de 2% en 2022 de la valeur ajoutée agricole, sous l'hypothèse de récoltes céréalières annuelles moyennes de 75 Mqx, et d'autre part, une amélioration graduelle de 3,3% puis de 3,6% des activités non agricoles. Aussi, dans la Loi de Finances 2021, le gouvernement table-t-il sur un taux de croissance de 4,8% avec une production céréalière de 70 Mqx. Une bonne récolte céréalière supérieure aux hypothèses retenues dans la LF 2021 avec tous les effets qu'elle peut engendrer dépendrait essentiellement de la régularité des pluies dans le temps puisque la pluviométrie au Maroc est généralement caractérisée par une répartition temporelle inégale. Les pluies du mois de mars sont cruciales pour garantir une bonne campagne agricole. En parallèle, toutes les régions agricoles ne sont pas soumises au même niveau de pluviométrie. Ce sont ces paramètres qui vont déterminer l'actuelle campagne céréalière y compris la croissance des trois principales céréales (blé tendre, blé dur et orge) et leur rendement. Une croissance économique de plus de 5% serait d'un impact sur les comptes économiques (exportations agricoles, réduction des importations de céréales…), sur le taux d'emploi aussi bien dans le milieu rural qu'urbain qui s'est fortement dégradé sous l'effet de la crise sanitaire. La poursuite des conditions climatiques favorables pendant les saisons hivernale et printanière permettrait une hausse plus soutenue de la production agricole qui serait accompagnée par une amélioration de l'emploi, après deux années successives de sécheresse. « Compte tenu d'un abaissement de 0,5% de la valeur ajoutée hors agriculture et d'un rebond de 10,8% de celle de l'agriculture, l'activité économique enregistrerait une hausse de 0,5% au premier trimestre 2021, en variation annuelle, après quatre trimestres consécutifs de baisse », prévoient les analystes du HCP dans une récente note de conjoncture. Ces derniers se sont basés juste sur les pluies du mois de décembre. Et sur le stress hydrique ? En dehors de l'impact sur l'agriculture, le retour des pluies est déjà perceptible dans les retenues des barrages. Elles ont atteint plus de 6057 millions m3 le 08 janvier, soit un taux de remplissage de 38,8% contre 49,25% à la même date de l'année dernière. Selon les données publiées par le ministère de l'équipement, cinq barrages ont atteint un niveau record, avec un taux de remplissage de 100%. Il s'agit des barrages Chefchaouen et Imi lkhenk (Taroudant) qui sont passés respectivement d'un taux de remplissage de 97,1% pc et de 61,8% au 8 janvier 2020 à un taux de 100% à la même date en 2021, tandis que les barrages Nakhla, Bouhouda et Sidi Said Mâachou ont maintenu leur taux de remplissage de 100%. Ces indicateurs sont d'une importance cruciale pour un pays comme le nôtre. Il est utile de rappeler que le spectre du stress hydrique plane sur certaines régions pour ne citer que la région Souss-Massa. A fin août, l'état de remplissage des barrages est situé à des niveaux très bas. Le cas du barrage du Prince Moulay Abdellah dont le volume était de 8,1 mm3 contre 22,15 mm3 en 2003. L'ensemble des bassins de Souss Massa dont la capacité totale est de 730,604 mm3 étaient remplis au mois d'août à hauteur de 98,197 mm3. Un écart très important ! Face à cette situation inquiétante, les responsables ont identifié les gros consommateurs d'eau les incitant à limiter leur consommation. A ce titre, 94 points de prélèvements ont fait l'objet de diagnostics ( Commune Agadir : 24 Points – Commune Aourir : 2 points – 22 sociétés industrielles – 2 établissements pénitentiaires à Inzegane – 34 établissements hôteliers – 5 golfs). Il a été décidé dans la foulée d'interdire l'arrosage des espaces verts et des golfs à partir des réseaux d'eau potable (arrêt de l'arrosage des espaces verts à partir de l'eau potable et alimentation par camions citernes, réutilisation des eaux usées épurées pour les golfs). Aujourd'hui avec les récentes pluies et les chutes de flocons de neige, les régions menacées par le stress hydrique pourraient être sauvées du moins partiellement en attendant que les prochaines pluies soient au rendez-vous.