Après le glissement budgétaire des années 2020 et 2021, le Trésor est-il capable de redresser la barre et de rétablir l'équilibre du solde ordinaire, et dans tel cas, à quel horizon ? Dans une note récente, Attijari Global Research a analysé sur la base d'une dissipation proche de la crise sanitaire et d'une reprise de la croissance économique en 2021, la capacité du Trésor de renouer avec un solde ordinaire excédentaire, indicateur clé d'une situation saine pour les finances. Dans un premier temps, les analystes expliquent que la progression des recettes fiscales n'est alimentée que marginalement par la croissance économique ou par l'élargissement de l'assiette fiscale. Alors que les recettes non fiscales considérées comme non régulières alimentent les revenus. Tout en mettant le doigt sur les fébrilités voire même les fragilités structurelles des finances publiques, les analystes rappellent que l'objet de cet exercice n'est pas de sortir avec un niveau cible de solde ordinaire à partir de 2022, mais plutôt de lister les principales rubriques à surveiller, d'identifier les marges d'amélioration... le but étant de définir la capacité globale du Trésor de renouer avec son équilibre d'avant crise. Partant de l'hypothèse d'une dissipation progressive de la pandémie à partir du T2-2021, l'année 2021 devrait renouer avec une croissance économique de +4,8% selon la Loi de Finances 2021. Sauf qu'en matière d'équilibre budgétaire, le solde ordinaire demeurerait déficitaire de -10 Mds de DH. Dans ce contexte, qu'est-ce qui expliquerait un tel retard dans le rétablissement de l'équilibre budgétaire ? Les effets décalés du choc Covid-19 sur les revenus du Trésor, les dommages collatéraux du choc Covid–19 ne devraient pas s'estomper en 2020. En effet, les recettes d'impôts, principales contributrices aux revenus du Trésor devraient afficher une nouvelle baisse en 2021 après celle enregistrée en 2020. Les analystes d'AGR expliquent cette contre-performance notamment par : * L'impact de la hausse du chômage sur la Consommation ; * L'anticipation d'une baisse des bases imposables assujetties à l'IR et l'IS pour les contributeurs au fonds de solidarité Covid–19. Pour rappel, ce fonds a collecté, hors contribution du Trésor, près de 24 Mds de DH qui pourrait être amortie sur une période allant jusqu'à 5 ans ; * La prévision d'un autre recul des bases imposables assujetties à l'IS lié à la possibilité par les entreprises d'amortir sur 5 ans les frais fixes engagés en période de sous activité constatée en temps de pandémie Covid-19. Partant d'un tel constat, les analystes préconisent une alimentation de la croissance économique par la dépense publique. A cet effet, la rubrique dépenses ordinaires devrait enregistrer une hausse de 4,0% en 2021 après 6,3% en 2020. Cette reprise haussière, qui contraste avec le rythme de progression de 0,5% observé lors de la période 2012-2019, tient compte : * De l'impact du dialogue social sur la masse salariale qui est estimé à 7 Mds de DH en 2021 et du maintien du niveau de recrutements observé lors de la période 2016-2020 avec 23 503 nouveaux postes au-delà de 17 000 autres dédiés aux AREF ; * Du retour progressif du budget de la compensation à un niveau normatif dans l'hypothèse d'une reprise de l'activité mondiale qui engendrerait une hausse mécanique des prix du butane.L'ensemble de ces éléments précités mène vers un solde ordinaire déficitaire de -10 Mds de DH. Allégé certes par rapport à sa valeur attendue en 2020 (-15 Mds de DH) ce niveau vient, de nouveau, transgresser la règle dite d'or de réserver le financement de la dette aux investissements. A ce stade, une autre question se pose : Après le glissement budgétaire des années 2020 & 2021, le Trésor est-il capable de redresser la barre et de rétablir l'équilibre du solde ordinaire, et dans tel cas, à quel horizon ? L'objet de l' argumentaire d'AGR n'étant pas de ressortir avec un niveau précis de solde ordinaire sur un horizon donné, mais plutôt de lister les principales rubriques à surveiller, d'identifier leur marge d'amélioration, tout cela pour définir la capacité globale du Trésor de renouer avec son équilibre d'avant crise. A ce titre, ils considèrent que le redressement du solde ordinaire constitue davantage un enjeu de rehaussement des recettes plutôt que des économies sur les coûts. En effet, celles-ci, bien que pertinentes jusqu'à un certain seuil, s'amenuisent avec le temps. En effet, la structure des dépenses vient appuyer : la part dominante présente peu de marge de manœuvre : Les salaires et les intérêts de la dette seraient peu enclins à la baisse : celles-ci pèsent pour plus des deux-tiers (68%) des dépenses ordinaires en 2021E, et présenteraient peu de possibilités d'économies dans un contexte de choc. Il faudrait rappeler que déjà en période pré-Covid, leur accroissement a été ralenti à une cadence annuelle moyenne de +2 Mds de DH pour la masse salariale et +1 Md de DH pour les intérêts de la dette ; La réforme de la caisse de compensation est, de nouveau, l'économie de coûts la plus en vue. Les avancées réalisées dans le processus de ciblage de la population au-delà de l'expérience acquise lors de la pandémie Covid-19 permettraient l'accélération de cette réforme. Pour rappel, les subventions absorbent un budget annuel variant entre 12 et 18 Mds de DH dont une part de près de 80% consacrée au gaz butane. De l'autre côté, le rehaussement des recettes présenterait des niveaux de complexité disparates : Les recettes d'impôts directs, véritable chantier en cours des finances publiques : Historiquement durant la période (2012 -2019), la progression des recettes d'impôts directs a été moins rapide que celle du PIB. A contrario, celles-ci se montrent très affectées en période de choc, et devraient se délaisser de 16 MMDH (-15%) en l'espace de 2 ans (2020-2021). Dans ce contexte et au-delà de l'amélioration de la conjoncture, le Trésor escompte un retour sur les actions de relance, notamment les amnisties fiscales, la création d'un fonds d'investissement de 15 Mds de DH et les incitations fiscales accordées aux nouveaux recrutements par les sociétés ; Les recettes douanières inscrites dans une tendance haussière : Cela va de pair avec la reprise des flux d'échange à l'international et une stabilité des taux de droits de douane dans leur ensemble ; Les recettes non fiscales, réel appoint pour le Trésor : Une reprise économique contribuerait à une progression des recettes de monopoles et surtout présenterait les conditions nécessaires à la relance du programme de privatisation. A l'analyse des différentes rubriques des recettes & dépenses, croyons que le retour à l'équilibre serait possible à compter des années 2022-2023. Le recours de la dette serait ainsi, de nouveau, exclusivement dédié à l'investissement. 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