La Caisse Marocaine des Retraites (CMR) doit s'ouvrir sur d'autres d'investissements tels que les OPCI et dans la poche immobilière qui reste jusqu'à présent limitée dans le portefeuille de la Caisse. Une étude est en train d'être lancée pour identifier les opportunités de ce marché. Lotfi Boujendar, Directeur de la Caisse Marocaine des Retraites décrypte les points à l'ordre du jour conseil, tenu le 20 juin 2018. Ecoactu: Quels sont les points phares à l'ordre du jour du Conseil d'administration de la CMR, tenu récemment sous la présidence de Mohamed Boussaid, ministre de l'économie et des finances ? Lotfi Boujendar: Le conseil d'administration de la Caisse marocaine des retraites tenu le 20 juin dernier était un conseil ordinaire dont l'ordre du jour a porté sur l'arrêté des comptes de l'exercice 2017 qui ont été approuvés ainsi que sur la présentation des travaux des comités issus dudit Conseil. Je rappelle à ce titre que nous avons un comité permanent qui veille sur le respect et l'application des conclusions et des recommandations du Conseil, un comité d'allocation d'actifs qui suit la politique d'investissement de la CMR et un troisième comité qui concerne l'audit et la gestion des risques. Le Conseil d'administration était donc l'occasion de présenter les conclusions des travaux de ces trois comités. Nous venons de créer un quatrième comité dédié au pilotage actuariel qui aura la charge de suivre de près, avec la CMR, les résultats des travaux actuariels et des projections financières sur la pérennité des régimes gérés par la Caisse et qui devra présenter ses recommandations au Conseil d'administration. Dans l'ordre du jour figurait la présentation du bilan actuariel certifié et enfin un autre point qui concerne l'approbation par le conseil d'un certain nombre d'accords et de conventions passés entre la CMR et des partenaires. Un an après l'entrée en vigueur de la réforme paramétrique, quel est l'impact ressenti aujourd'hui sur l'activité de la CMR ? Je rappelle que la réforme paramétrique adoptée en 2016 a porté sur le régime des pensions civiles. Il s'agit d'une réforme assez importante parce qu'elle a concerné plusieurs paramètres : le taux de cotisation, l'âge de la retraite, l'assiette de liquidation de la pension et le taux d'annuité. L'impact a été positif sur le régime des pensions civiles dans la mesure où elle a permis la réduction du déficit du régime de près de 2,3 Mds de DH au titre de l'exercice 2017. Cette amélioration va se poursuivre tout au long de la période jusqu'à 2027, puisque la réforme paramétrique a permis de repousser la date d'épuisement des réserves des fonds du régime des pensions civiles à 2027 au lieu de 2022. A l'occasion du Conseil d'administration, le ministre des Finances a insisté sur l'urgence de la réforme systémique prétendant que la réforme paramétrique est insuffisante. Quels sont les préalables à mettre en place pour entamer ce grand virage ? Et quels sont les paramètres sur lesquels devra reposer la réforme systémique ? Il faut revenir un peu en arrière pour rappeler ce qui a été convenu dans le cadre de la commission nationale. Il a été recommandé d'apporter dans un premier temps une réforme urgente au régime des pensions civiles, et puis d'entamer l'extension de la couverture. Ces deux recommandations ont été réalisées sachant que la réforme paramétrique a été adoptée en 2016 et les lois sur l'extension de la couverture au profit des indépendants ont été enfin publiées. Aussi, la Commission nationale a-t-elle recommandé dans une deuxième étape la mise en place d'une réforme systémique du régime global de la retraite. Cette réforme repose sur la création d'un pôle public qui devrait regrouper le régime des pensions civiles RPC et le régime d'allocation des retraites RCAR en parallèle avec un pôle privé. L'architecture de ce pôle repose sur deux piliers : un régime de base obligatoire plafonné géré par répartition à prestations définies favorisant la solidarité inter et intra générationnelle et un régime complémentaire obligatoire plafonné au premier dirham à cotisations définies dont le mode de financement est à déterminer (répartition ou capitalisation). Il est important d'amorcer incessamment cette deuxième étape parce qu'elle va nécessiter du temps sachant que l'épuisement des réserves se produirait en 2027. Pouvons-nous considérer la réforme systémique comme un tremplin vers le régime de base unique ? Dans les recommandations de la commission nationale, il s'agissait de converger in fine vers un régime unique national pour l'ensemble des actifs marocains. Il faut être toutefois réaliste parce que cet objectif nécessitera du temps. Dans le cadre des travaux de la commission nationale, nous avons estimé que l'étape suivante sera la création de deux pôles public et privé. Dans une troisième étape, rien n'empêche de converger vers un régime unique mais cela risque, comme je l'ai signalé, de prendre un peu plus de temps. Depuis 2005, la CMR a lancé le produit Attakmili pour les affiliés au régime de base. Quels sont les avantages de ce régime et quel en est le taux de rendement ? Indépendamment de la réforme et du pôle public, depuis 2005 nous avons un régime complémentaire et facultatif, le régime Attakmili, pour les affiliés civils et militaires. Ce régime repose sur une capitalisation individuelle où les affiliés peuvent cotiser à partir de 50 DH. Ces cotisations sont inscrites dans un livret individuel et placées dans le marché financier. Elles dégagent ainsi des produits financiers. En 2016, les livrets individuels ont été revalorisés de 10%. En 2017, le taux de revalorisation était de plus de 8%. Le but du régime Attakmili est d'encourager la retraite complémentaire parce que si l'on converge vers les objectifs de la réforme, on ne sera plus dans des taux de remplacement de 100% du dernier salaire. D'où l'intérêt de l'épargne individuelle. Le produit Attakmili se veut être une très bonne opportunité pour le complément de retraite. Lors du conseil d'administration, il a été mentionné la signature imminente du contrat programme Etat-CMR pour la période 2018-2020. Quels sont les fondements et les objectifs dudit contrat-programme ? Tout d'abord je tiens à préciser que la CMR n'est pas à son premier contrat-programme. Les deux premières expériences ont bien réussi. Nous venons de finaliser le projet de contrat-programme pour la période 2018-2020. Il s'agit d'un contrat conclu entre l'Etat et la CMR qui comporte un certain nombre d'engagements de la part des deux parties. Ce contrat-programme doit se baser sur cinq axes. Le premier axe est celui de la gouvernance qui consiste à entamer des actions pour renforcer le dispositif de gouvernance et tout ce qui porte sur la responsabilité sociétale et gouvernementale. Le deuxième porte sur la pérennité des régimes et est en relation avec le processus de la réforme dans la mesure où la CMR s'engage à apporter l'appui technique et le conseil aux pouvoirs publics en matière de développement du nouveau système de retraite. Le troisième axe aussi important porte sur la gestion des fonds de réserves de la CMR. A rappeler que la Caisse marocaine des retraites est l'un des plus importants investisseurs institutionnels de la place avec des réserves qui se situent à plus de 80 Mds de DH, soit près 92 Mds de DH en valeur liquidative. D'où l'importance des fonds de réserves dans le régime de retraite. Il s'agit donc d'une composante essentielle pour garantir la continuité et la pérennité du régime des pensions civiles. Pour cela, nous avons considéré important pour la CMR de s'ouvrir sur d'autres d'investissements tels que les OPCI et dans la poche immobilière qui reste jusqu'à présent limitée dans le portefeuille de la CMR. Une étude est en train d'être lancée pour identifier les opportunités de ce type marché. Le quatrième axe porte sur le capital humain, la mise à niveau des compétences internes... Dans cet axe, il y a également le renforcement du dispositif du système d'information, la simplification des procédures et le développement du processus de digitalisation... plusieurs projets sont d'ailleurs inscrits dans ce cadre. Le cinquième axe consiste en la consolidation des quatre premiers. Il concerne l'axe client qui constitue l'une des préoccupations majeures de la CMR et du contrat-programme. A ce titre nous allons travailler sur le développement de la communication multicanale, le renforcement des services du portail... voire toute la question sur le contrôle des droits. A ce titre je salue le travail fait par le ministère de l'Intérieur puisqu'il va nous permettre d'assurer le suivi des droits des retraités sans les déranger par la nécessité de produire des certificats de vie. En contrepartie, l'Etat s'engage à remplir sa partie du contrat en ce qui concerne l'adoption de textes et apporter le soutien nécessaire en matière de partenariats que l'on souhaite nouer avec des organismes publics.