Un secteur en crise, un ministre qui n'ouvre pas la voie du dialogue... les pharmaciens engagent leur premier bras de fer avec le ministre actuel de la santé, Pr Khalid Aït Taleb. Tous les autres ministres sont passés par là. Son prédécesseur, Anass Doukkali avait fini par entamer le dialogue avec les pharmaciens et des commissions ont été mises en place pour étudier les pistes de sortie de crise. Mais face au mutisme de l'actuel ministre de la santé, la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc a appelé à un sit-in ce lundi 10 février à 11h devant le ministère de la Santé. Elle dénonce une indifférence qui n'augure rien de bon selon les pharmaciens qui redoutent qu'il revienne sur les engagements tenus par son prédécesseur. Contacté par nos soins, Mohamed Lahbabi, le président de la confédération a expliqué les motivations de ce sit-in. « Nous demandons le strict respect de la loi 17-04 (portant code du médicament et de la pharmacie) qui donne le monopole exclusif de la délivrance de tout médicament sans exception, au prix public de vente, au pharmacien d'officine. Au jour d'aujourd'hui, les médicaments sont vendus dans les cliniques, dans les officines ouvertes chez les vétérinaires, dans les souks et auprès des associations qui se procurent de l'insuline. Ce n'est pas dans l'intérêt du citoyen. En effet, il faut respecter les conditions de stockage et qui ne peuvent être respectées qu'en pharmacie d'officine. Pourquoi nous impose-t-on des conditions drastiques et pas les autres ? C'est une concurrence déloyale et c'est en contradiction avec la loi », explique Mohamed Lahbabi. Le cahier revendicatif des pharmaciens contient également la question de la couverture médicale des pharmaciens. « On a contacté les médecins et les dentistes et pas les pharmaciens. C'est à se demander si nous sommes acteurs du système de la santé ou pas ? Un secteur en crise où le pharmacien n'a pas le droit de tomber malade », déplore le président de la confédération. Autre grief, le décret de fixation du prix du médicament. « En 2014, année de l'adoption du décret d'adoption de fixation des prix du médicament pour soi-disant faciliter l'accès des citoyens aux médicaments, le total des dépenses annuelles de médicaments par citoyen était de 400 DH. En 2018, ces dépenses étaient de 414 DH et avec le taux d'inflation, nous sommes face à une régression. Alors au lieu d'adopter des politiques politiciennes et populistes, il faut généraliser la couverture médicale », fustige Mohamed Lahbabi. Ce sit-in est une première d'une série d'actions qui seront engagées par les pharmaciens pour faire entendre leur voix. Et si le ministre n'ouvre pas le dialogue, ils menacent d'entamer une série de débrayages comme en 2005. D'un coup, les pharmaciens se mettent médecins, vétérinaires et cliniques sur le dos Le Syndicat national des vétérinaires libéraux n'a pas manqué de réagir sur ces revendications des pharmaciens surtout sur cette exclusivité du médicaments. Il souligne d'ailleurs son étonnement que soit mis dans un même lot l'exercice par les vétérinaires dans leurs cabinets de la pharmacie vétérinaire et la vente de médicament dans les souks. En effet, le syndicat rappelle que l'exercice de la pharmacie vétérinaire est régi par la loi n°21-80 relative à l'exercice, à titre privé, de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie vétérinaires. Pour lever les confusions, le syndicat rappelle que l'exercice de la pharmacie vétérinaire est indivisible de l'exercice de la médecine vétérinaire comme le souligne la loi 21.80, qui permet de suivre l'état de santé du bétail. Et d'ajouter que de par sa formation académique, le vétérinaire est le seul habilité à prescrire le médicament vétérinaires et s'assurer de sa bonne utilisation. D'ailleurs l'article 7 de la loi 21.80 dispose que « Sans préjudice de l'application des dispositions relatives aux conditions de vente et de détention des médicaments et des substances vénéneuses, notamment celles du dahir du 12 rebia II 1341 (2 décembre 1922) portant règlement sur l'importation, le commerce, la détention et l'usage des substances vénéneuses, la préparation extemporanée, la détention en vue de leur cession aux utilisateurs et la délivrance au détail à titre gratuit ou onéreux, des médicaments vétérinaires sont réservées :a)Aux pharmaciens d'officine : toutefois, la délivrance au détail des médicaments vétérinaires – sauf lorsqu'il s'agit de médicaments contenant des substances toxiques ou vénéneuses à doses exonérées -est subordonnée à la présentation d'une ordonnance établie conformément à la législation en vigueur par un docteur vétérinaire autorisé à exercer, ou par un vétérinaire inspecteur d'Etat ;b)Aux docteurs vétérinaires autorisés à exercer, à titre privé, la médecine et la chirurgie vétérinaires, sans tenir officine ouverte dans les lieux d'exercice de leur profession, à domicile ou dans celui de leurs clients, à condition que le médicament soit administré par le vétérinaire lui-même ou sous sa responsabilité... ». Dans ce sens, le syndicat national des vétérinaires libéraux déplore que certains pharmaciens vendent des médicaments à usage vétérinaire sans ordonnance avec toutes les conséquences désastreuses aussi bien pour l'animal que l'homme. Pour revenir à la loi 17.04, il est précisé dans son article 158 que l'exercice de la pharmacie par les vétérinaires demeure régi par les dispositions de la loi n° 21-80 relative à l'exercice, à titre privé, de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie vétérinaires. Le syndicat, tout en sollicitant les pharmaciens à trouver des solutions à leurs problèmes au lieu de faire porter le chapeau à la pharmacie vétérinaire, en appelle au ministre de l'agriculture de renforcer le contrôle dans les souks, y interdire la vente de médicaments ainsi que la vente de médicaments vétérinaires sans ordonnance. Les cliniques ne sont pas en reste. La loi 17.04, entrée en vigueur en 2006, stipule dans son article 26 que «... les établissements pharmaceutiques industriels peuvent assurer directement la distribution des médicaments aux officines de pharmacie et aux réserves de médicaments dans les cliniques. Les établissements pharmaceutiques industriels fabricant les gaz médicaux peuvent en assurer directement la distribution aux cliniques, aux établissements assimilés et aux officines de pharmacie ». D'ailleurs toute la section II de ladite loi est dédiée aux réserves de médicaments dans les cliniques et les établissements assimilés. Aussi, l'article 72 dispose que les cliniques et établissements assimilés doivent s'approvisionner directement auprès des établissements pharmaceutiques désignés à l'article 74 de ladite loi. Contacté par nos soins, Redouane Semlali, président de l'Association nationale des cliniques privées (ANCP) explique « Aujourd'hui nous appliquons les termes de la loi 17-04 qui stipule pour une clinique d'avoir soit un pharmacien soit un pharmacien conventionné et d'avoir une réserve de médicaments au niveau de la clinique où les conditions de stockage répondent aux normes. Aussi, qu'on doit vendre le médicament au PH (prix hospitalier) au patient dans le cadre des traitement que nous lui dispensons. Donc sur ce point les pharmaciens n'ont rien à dire ». Et d'ajouter que le volume qui passe par les cliniques est insignifiant par rapport au volume du marché. Pour lui, le marasme des pharmaciens est à chercher ailleurs. « Pour bien tenir une pharmacie, il faut y être présent en permanence. Deuxièmement, ils ne doivent pas délivrer des médicaments sans ordonnance et troisièmement, ils doivent se réguler car ils sont très nombreux. Enfin, il doivent concentrer leurs efforts sur l'amélioration de l'accès aux soins au lieu de smatcher tout le monde », révèle Redouane Semlali. En tant que président de l'ANCP, il assure sévir contre les cliniques qui vendent des médicaments à des malades non hospistalisés ou au prix public de vente si cela arrivait. Aux yeux de tous ces éléments Pf Khalid Aït Taleb démarre l'année avec un très gros dossier sur les mains !