Telle une gangrène, la corruption ronge les pays arabes. Tous les manifestants dans le monde arabe scandent le même slogan : la corruption finit d'une manière ou d'une autre par se répercuter sur la vie quotidienne des citoyens. Soit un pourcentage de 88% dans la région MENA. Si ces revendications ont récemment atteint un pic, les résultats des sondages d'opinion du réseau Arab Barometer 2019 révèlent une hausse générale des soupçons de corruption au cours de la dernière décennie. Dans l'ensemble de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA), la part de ceux qui affirment que l'ampleur de la corruption dans les institutions publiques est importante ou moyenne est passée de 78 % en 2010 à 84 % en 2019. Cette augmentation est particulièrement marquée en Tunisie et en Jordanie. En ce qui concerne la part de la population selon laquelle les pouvoirs publics s'attaquent à la corruption est restée quasiment inchangée, autour de 40%. En Tunisie et en Jordanie, ce pourcentage a même reculé, passant respectivement de 64 et 54% à 44 et 45% sur la même période. C'est pour dire que la corruption figure en tête des principaux obstacles auxquels la région MENA est confrontée. Elle est majoritairement perçue en 2019 comme l'un des problèmes les plus importants, devancée seulement par la situation économique. Pour 17 % de la population arabe, cependant, la corruption arrive en première position des problèmes les plus graves pour leur pays, et pour 19 % au deuxième rang. En Iraq et au Koweït, la corruption est considérée comme un problème plus urgent que l'économie : 32 % des Iraquiens et 42 % des Koweïtiens estiment qu'il s'agit du problème principal. A rappeler que l'Arab Brometer faisait déjà état de cette situation avant la dernière vague de manifestations, notamment en ce qui concerne l'éducation et la santé. « Une minorité de citoyens (42 %) se disent satisfaits du système éducatif de leur pays et une proportion équivalente (42 %) pensent qu'il est nécessaire de verser un pot-de-vin (rashwa) à un fonctionnaire pour bénéficier de meilleurs services éducatifs », est-il annoncé. Au Maroc, juste 29% se disent satisfaits du système d'éducation. En Jordanie 62% sont satisfaits. En Algérie et en Egypte, le taux est de 36%. Au Maroc, 46% considèrent qu'il faut corrompre pour bénéficier de meilleurs services éducatifs. Au Liban, en Algérie, en Tunisie et en Egypte, les taux sont respectivement de 63%, 45%,43% et 60%. L'insatisfaction est encore plus marquée s'agissant des services de santé. Seuls 38 % des citoyens de la région sont satisfaits des services de santé de leur pays, et ce chiffre tombe à moins de 20 % en Libye et au Maroc (18%). Par ailleurs, 47 % des personnes interrogées dans la région estiment qu'il est nécessaire de verser un pot-de-vin pour obtenir de meilleurs services de santé, une proportion qui atteint 69 % en Egypte et 64 % au Maroc. Source : Arab Barometer Les populations arabes sont particulièrement inquiètes de la stagnation économique et de l'atonie de la création d'emplois. En 2010, une proportion déjà faible de personnes interrogées (25 %) déclaraient que le gouvernement faisait du bon travail en matière de création d'emplois. En 2019, cette part ressort à seulement 18 %. Au Liban et en Iraq, seulement 4 % et 6 % des personnes interrogées estiment que l'action de leur gouvernement en matière de création d'emplois est efficace. Pire encore, l'accès à l'emploi est jugé inégalitaire. Dans l'ensemble de la région MENA, le recours à la wasta (les connaissances ou les relations) pour obtenir un emploi est largement considéré comme une forme de corruption (83 %), tandis qu'un pourcentage tout aussi élevé de personnes (88 %) pensent que ce moyen est souvent ou parfois employé pour trouver un emploi. (Avec la Banque Mondiale)