* Le comptable désormais habilité à les payer automatiquement. * L'Etat a affiché une volonté de mettre de l'ordre dans ses relations financières avec les entreprises privées titulaires des marchés publics. * Détails avec Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume sur la réforme des délais de paiement entamée par la TGR en collaboration avec la CGEM. EcoActu : Quelle est l'importance de la réforme des délais de paiement dans le développement de l'économie nationale ? Noureddine Bensouda : Avant de parler de la réforme des délais de paiement, permettez-moi de rappeler que le secteur public (Etat, collectivités territoriales et établissements et entreprises publics) a un poids très important dans l'économie marocaine. En effet, le budget du secteur public et plus particulièrement le volet dépenses, représente un enjeu financier substantiel et vital pour les entreprises du secteur privé, à travers la commande publique qui draine des centaines de milliards de dirhams dans les rouages de l'économie, participant ainsi à la croissance économique du pays. Pour parvenir à une croissance forte, le circuit financier entre les donneurs d'ordre et les fournisseurs doit être le plus fluide possible, en raccourcissant les délais de paiement et en respectant les délais convenus. Le but est de permettre aux entreprises de planifier et de gérer leur trésorerie et de faire face à leurs engagements vis-à-vis des tiers (personnel, fournisseurs divers, banques, etc.). L'allongement des délais de paiement aboutit à la rupture de cette chaîne vertueuse, poussant les entreprises, surtout les PME, à se financer auprès des banques pour gérer les problèmes de trésorerie et à payer ainsi des intérêts que leur budget ne peut supporter. Certaines PME n'arrivent parfois pas à payer les salariés, les charges courantes (eau, électricité, loyer, etc.) et les fournisseurs, déclenchant ainsi un effet boule de neige. A ce titre, il convient de préciser que le respect des délais de paiement concerne aussi bien le secteur public vis-à-vis des entreprises privées que les entreprises privées entre elles, et plus particulièrement entre les grandes entreprises et les PME. Face au problème des délais de paiement, quel rôle l'Etat est-il appelé à jouer ? Les délais de paiement commencent à constituer un problème économique et social lorsqu'ils se généralisent et concernent presque tous les secteurs d'activité de l'économie. Conscient des risques que font peser les délais de paiement sur l'économie, l'Etat s'est attelé, dans un premier temps, à l'application des intérêts moratoires pour tout retard de paiement par les services ordonnateurs. Toutefois, il importe de souligner que les entreprises privées se trouvaient souvent dans une situation inconfortable : d'un côté, elles se plaignent de l'allongement des délais de paiement par les donneurs d'ordres publics, et d'un autre côté, elles ne veulent pas perdre les opportunités d'accès à la commande en réclamant le paiement des intérêts moratoires. Dans un deuxième temps, et face à l'ampleur des retards de paiement et les risques qu'ils font peser sur les opérateurs, l'Etat a affiché une volonté de mettre de l'ordre dans ses relations financières avec les entreprises privées titulaires des marchés publics. A ce titre, la réforme en profondeur des délais de paiement a été confiée à la Trésorerie générale du Royaume qui a procédé, en étroite collaboration avec la CGEM, à un examen minutieux de tout le processus de la dépense publique, en termes de délais, d'intervenants (ordonnateurs, entreprises et comptables) et d'actes aboutissant, in fine, au paiement. Il ressort de cet examen que les principaux dysfonctionnements relevés sont au nombre de quatre : * la pluralité des personnes habilitées à établir les documents de constatation du service fait, source de dilution des responsabilités et d'allongement des délais; * l'imprécision aussi bien des dates de constatation du service fait selon la nature des actes et le type de marchés que des personnes chargées de cette constatation; * l'hétérogénéité des délais impartis à l'administration pour certifier le service fait en fonction du type de marché; * et le caractère disparate des délais impartis à l'entreprise en matière d'acceptation des rectifications introduites par l'administration sur les documents de constatation de l'exécution des marchés. La réforme des délais de paiement mise en place a permis de fixer tous les délais de manière précise et de délimiter les responsabilités des différents intervenants dans le processus de la commande publique. Ainsi, il a été procédé à l'encadrement de la phase se rapportant à la constatation du service fait des travaux, fournitures ou services qui, malgré son caractère essentiel dans les retards constatés, n'était pas appréhendé auparavant. Concrètement, comment se fait le suivi du respect de cette réforme ? Les différents axes de réformes ont été implémentés au niveau du système de gestion intégrée de la dépense afin d'assurer la traçabilité de tout le processus d'exécution, d'ordonnancement et de paiement de la commande publique ainsi que l'action de l'ensemble des acteurs impliqués dans ce circuit, y compris l'entreprise. Par ailleurs, le règlement des intérêts moratoires a été modifié pour devenir automatique, puisque le comptable a été habilité à les payer, même en cas d'absence d'ordonnancement. La réforme des délais de paiement a-t-elle modifié le comportement des ordonnateurs ? Aux termes d'une année d'application de cette réforme, le délai moyen global de paiement pour l'Etat est passé de 146 jours avant janvier 2016, date d'entrée en vigueur de la réforme, à 55 jours en 2017. Il en est de même pour les collectivités territoriales, pour lesquelles le délai moyen de paiement est passé de 142 jours à 55. La réduction du délai moyen global de paiement est imputable essentiellement à la diminution des délais chez les ordonnateurs, dont le délai moyen d'ordonnancement est passé de 140 jours en 2016 à 51 jours en 2017. Au niveau des comptables publics, les performances en matière de visa et de règlement se sont améliorées passant de 6 jours en 2016 à 4 jours en 2017. La réforme des délais de paiement concerne-t-elle tous les acteurs du secteur public, c'est-à-dire, l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements et entreprises publics ? Toutes les administrations de l'Etat et toutes les collectivités territoriales, en l'occurrence les régions, les préfectures, les provinces et les communes ainsi que les établissements publics soumis au décret de 2013 sur les marchés publics sont concernés par la réforme sur les délais de paiement. Par contre, les établissements et entreprises publics qui ne sont pas soumis au décret de 2013 sur les marchés publics, obéissent pour les délais de paiement à la loi n° 45-19, à l'instar des entreprises du secteur privé.