A Casablanca s'est tenue le 8 octobre dernier une rencontre consacrée au développement et au progrès démocratiques des pays arabes. Une rencontre qui avait pour but l'analyse des facteurs communs, notamment socio cultuels et anthropologiques, en lien avec la difficulté des pays arabes, de parvenir à la construction d'une démocratie stable, pérenne et durable, pouvant assurer les équilibres socio démographiques. A cette occasion, FOMAGOV annonce la création du Forum des développements géopolitiques des Pays Arabes, dont la prochaine rencontre traitera des défis géopolitiques urgents qui s'imposent au sein des pays arabes, ainsi que la pédagogie engagée pour les traiter. Un événement en effet, marqué par l'actualité des derniers soulèvements au sein de quelques pays arabes. Certains redonnent à voir, en ce moment même encore, et notamment au Liban depuis quelques jours, de larges mouvements d'agitation citoyenne à la recherche de nouveaux modèles et régimes politiques, à la recherche également de nouvelles représentations démocratiques. Des mouvements que nous n'avons plus observé depuis le tassement du « printemps arabe », tel qu'il a été baptisé une dizaine d'années de cela. Des mouvements dont le soulèvement populaire est à caractère civique et civil, et c'est d'ailleurs à ce point de vue que nous attachons l'analyse que nous souhaitons porter. Des mouvements qui se sont exacerbés, par un certain nombre de facteurs internes supposés (la mauvaise gouvernance, la corruption, l'absence de sens des responsabilités et de transparence, la privation des libertés individuelles, la participation et l'égalité des droits de chacun, la faiblesse de l'autorité des institutions, ...), ainsi que par l'interférence de nombreux autres facteurs externes, notamment ceux en lien avec les stratégies des réseaux et de la technologie, qui remettent en cause la relativité du temps dans son rapport avec le développement. Des facteurs qui, en somme, ont amené à une redistribution des richesses et du pouvoir. Des contestations qui ont connu des fortunes différentes en fonction des pays : consolidation en Tunisie et qui se poursuit encore dans la recherche d'un modèle démocratique, guerre civile en Syrie et enfoncement dans un gourbi généralisé, contre-révolution en Egypte et relance hypothétique des soulèvements, chaos en Libye et absence de vision pour un futur prochain, incertitude au Yémen et ingérences géostratégiques… Des contestations qui avaient connu un moment donné, un relatif tassement. Relatif, jusqu'à aujourd'hui, car visiblement, nous assistons à un hypothétique regain de tensions. Si ces mutations sont visibles pour tous, les spécialistes demeurent encore divisés sur les contours du projet politique qui en découlera, qui tardent à s'énoncer, et qui ne s'annoncent toujours pas clairement. Les experts en démocratie et géopolitique y égrènent un nombre d'analyses et de recommandations à même de ramener la stabilité dans cette région du monde, par certains endroits où les affrontements sont problématiques. Des avis très certainement justes dans leur visée politique et sociale et tenant compte des enjeux géopolitiques. Pour les experts, la transition démographique et l'extrême jeunesse de la population du monde arabe créent un réel climat d'effervescence viral qui se traduit par de la colère et des révoltes. Si la démocratie n'est pas singulière, les printemps de la contestation ne le sont pas non plus. La société connectée aux réseaux sociaux est rentrée dans l'ère de l'impunité et de la défiance vis-à-vis de pouvoirs vieillissants et d'une élite politique élue par défaut sans majorité, sans leadership, et le plus souvent championne du Limited Stathood. Dans les sociétés arabes, la polarisation de la richesse et la criminalisation de la pauvreté accentuent les fragilités économiques, sociales et politiques et empêchent tout projet démocratique basé sur les libertés et les équités. Le monde arabe est plus que jamais partagé entre l'hyper libéralisme mondialisé et l'Islam politique en embuscade. Islam politique nocif et dangereux car il repose sur un modèle de société, castratrice et conservatrice, projet d'encerclement des individus par le bas et du pouvoir par le haut et qui ne dispose d'aucun projet de gouvernement. Si la démocratie n'est pas à importer ni à imposer aux peuples arabes, il n'en demeure pas moins que les régimes actuels doivent, pour éviter le naufrage, intégrer la société civile et faire pousser des pépinière d'espoirs, et insérer les médias et les institutionnels aux débats et aux échanges entre toutes les composantes de leurs nations. Si l'islamisme n'est pas tombé du ciel et s'il est le produit de l'accumulation des frustrations, la transition en Soft Power de rupture sans fracture peut se faire en déclarant la gouvernance démocratique « modèle de société », en l'édifiant sur les piliers de la justice sociale, de la justice fiscale, de la justice territoriale, de la justice éducative et des libertés individuelles. Nulle démocratie ne pourrait voir le jour sans nouvelle élite et sans nouvelle pyramide des pouvoirs. Cette rencontre a permis le retour sur des postulats qui ne sont que peu mis en valeur, à travers l'histoire anthropologique et sociale de ces pays, dans leur spécificité, à travers leurs cultures communes, mais également, à travers le retour sur les références et les facteurs qui président à la naissance, l'épanouissement et la prospérité d'une démocratie. Au delà du partage d'une situation géographique emblématique, les facteurs socio-culturels ont-ils une incidence sur les acteurs, les pouvoirs et les intérêts ? Pourquoi certains pays arabes, concentrés sur la chaine géographique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, peinent-ils à trouver une destinée stable et durable à leurs gouvernements ? Existe-il une exception arabe et en quoi tient-elle ? Si nous considérons l'actualité, pouvons-nous supposer assister à une deuxième vague de mouvements comme celle qualifiée de printemps arabe? La question serait ainsi légitime, car dans sa réponse, il serait aussi possible d'envisager cette actualité comme un moment clé de déplacement de la roue de l'histoire au sein des pays arabes. Un déplacement vers davantage de certitudes, à espérer. Les événements de 2010 ont été majeurs et ont porté les conséquences que nous connaissons aujourd'hui. Avec les événements actuels, il est également possible de s'attendre à l'avenir, à des transformations dans l'exercice de la politique et de la démocratie. Toutefois, une question de vive importance est à souligner : quelles sont les causes de leur occurrence, vive et actuelle, une occurrence tardive souhaitons-nous dire, par le siècle que nous vivons? Où se trouvent les obstacles donc qui ont empêché les pays arabes à asseoir plus tôt leur démocratie ? Quels sont les causes et les effets qui justifient la situation actuelle ? Et quelles seront surtout les issues à de tels mouvements, dans la définition de l'avenir d'un monde arabe démocratique, en faveur d'une géopolitique stratégique arabe plus forte ? Est-il possible de prédire un avenir ? Etudier les circonstances sous-jacentes qui ont remis une partie du monde arabe dans ses tensions et frottements, pourrait nous renseigner justement sur les supposés facteurs de création, d'épanouissement et de développement de la démocratie. Par Soraya Kettani, présidente FOMAGOV, chercheur, analyste en com politique et publique