La finance islamique pèse pour plus de 2.000 milliards de dollars dans le monde et le Maroc n'en profite pas, mais plus pour longtemps puisque le Royaume est en quête de construire son écosystème participatif. En attendant, les banques participatives opèrent avec les moyens de bord en attendant la finalisation et la mise en application du cadre réglementaire global dédié à la finance participative. Après la phase tant médiatisée de l'octroi des agréments des premières banques participatives, un an plus tard les contours de l'ensemble de l'écosystème commencent à se préciser. Au grand bonheur des banques qui ont joué le rôle de l'éclaireur, handicapées par l'absence à ce jour du Takaful et des Sukuk. En effet, en moins d'une année d'activité, pas plus de trois mois pour les plus jeunes, l'activité bancaire participative a permis de jauger le marché, tester les réactions des clients potentiels, communiquer massivement sur ce sujet méconnu et surtout proposer un service bancaire global à l'image de ce qui se fait sur le marché conventionnel. Ce qui est à ce jour loin d'être le cas, la palette des produits proposés est maigre en attendant l'aval du Conseil supérieur des Ouléma (CSO) sur les autres produits. Toujours est-il que ce secteur naissant ne cesse de surprendre notamment par une forte présence au salon auto-expo qui a été une excellente tribune pour ces banques d'être sur le terrain et au coude à coude avec les autres banques. Pourtant ce n'était pas un pari gagné d'avance car ce n'est qu'à la veille de l'Auto Expo qu'elles avaient reçu l'aval du CSO pour proposer la Mourabaha auto. Bank Assafa est même sponsor associé de l'évènement. Avec les contrats-types, chacune des banques a dû innover, rectifier sur le tas, ajuster son offre. Dans les couloirs du salon, les nouveaux intrants se font remarquer par leur dynamisme, attisent la curiosité des visiteurs, mais surtout recrutent des clients grâce à différentes conventions signées avec les importateurs. Et là encore, ces banques ont dû composer avec l'absence du Takaful. Le refinancement, la clé de succès du secteur Intervenant à l'IFN Forum Morocco, organisé le 17 avril à Casablanca, Mohamed Maarouf, le Directeur général de BTI Bank est revenu sur les moments phares de cette expérience naissante des banques participatives au Maroc qu'il formule en quatre évidences : « Premièrement, les banques participatives existent et à part entière. Ensuite, elles sont compétitives. Aussi, il existe bien un marché et une appétence pour les produits participatifs. Enfin, l'écosystème est là». Le manager qui assure que ces banques ont apporté une réelle bouffée d'oxygène pour le secteur de l'immobilier, note qu'elles pourraient atteindre jusqu'à 10% de parts de marché à court terme. Mais pour cela il faut faire sauter le goulot d'étranglement du refinancement, clé de succès du secteur. «Nous n'allons pas à la vitesse souhaitée puisque nous devons suivre le rythme de l'écosystème. Puis, quand un texte est publié, il y a nécessairement des frottements qui naissent. Troisième chose que je citerai est que la Direction générale des impôts est soucieuse de l'essor du secteur et ne cherche pas à maximiser les recettes. Elle cherche à résoudre avec nous toutes les problématiques qui se posent lors des transactions», fait remarquer M. Maarouf. Aujourd'hui, l'esprit qui règne dans le marché est celui de construire le secteur avec les contrats de marché avant d'accélérer le rythme avec des produits innovants. En tout cas, 2018 est par excellence l'année de construction des contrats de base et de la confiance avec les consommateurs. Du rôle déterminant de la fiscalité C'est un truisme de dire que la fiscalité est un élément déterminant dans le succès de la finance participative. Autrement dit, les produits lancés initialement n'ont pas eu l'engouement escompté à cause de leur cherté liée à la fiscalité. Comme expliqué par Alain Verbeken, Tax-Financial Services à Mazars Financial à l'occasion de l'IFN Forum Morocco: «Au début, le cadre fiscal n'était pas adapté aux produits participatifs. C'est ce qui explique en partie leur échec». Il corrobore ses propos par l'exemple de la Mourabaha qui était pénalisée par la double imposition en matière de droit d'enregistrement puisque la banque acquiert le bien immeuble qu'elle revend par la suite au client. En Europe ou au Royaume-Uni, le problème a été dénoué directement dans la législation. Dans d'autres places telles que le Luxembourg, une solution a été trouvée à cette problématique. Au Maroc, le double droit d'enregistrement a été évité dans le cadre de la Loi de Finances. Idem, pour le produit Ijara Mountahya Bitamlik qui était désavantagé par rapport au financement conventionnel dans la mesure où l'imposition porte sur le total des revenus. Autre point important est celui relatif aux Sukuk qui se traduisent par de l'incertitude dans les revenus. «Au Luxembourg, toute distribution est assimilée fiscalement à un intérêt déductible». Au Maroc, la Loi de Finances 2018 a élargi le champ d'application du régime fiscal applicable aux produits de placement fixe aux revenus des certificats des Sukuk. Les exemples ci-dessus montrent que le Maroc ne fait pas l'exception et que même dans d'autres pays, ces financements ont pâti au départ d'une fiscalité perçue comme étant inéquitable.Ceci étant, la fiscalité n'est qu'un maillon de la chaîne. Les pouvoirs publics ont encore du pain sur la planche pour que l'écosystème soit bien ficelé. Une chose est cependant sûre : l'émergence de la Finance islamique ne peut se faire sans le développement du marché des capitaux. Aussi, le consommateur ne doit-il pas être le chaînon manquant.