Contrairement aux années antérieures où l'Administration jouait le rôle du gendarme ou du père fouettard, aujourd'hui la DGI tient à tourner cette lourde page du passé. Les Assises de la fiscalité qui se tiennent les 3 et 4 mai prochains se veulent une occasion pour remédier aux incohérences pour ne citer que la pression fiscale, la TVA indue, la taxe professionnelle tout en veillant aux équilibres macroéconomiques. Les Assises de la fiscalité seront marquées par la présence de CITAF (Centre américain de taxation) et de ATAF (Institut fiscal africain). C'est pratiquement les dernières retouches à la veille du grand débat national sur le système fiscal marocain. Depuis la publication de la note de cadrage des Assises de la fiscalité, la Direction générale des impôts est sur le pied de guerre pour être prête les 3 et 4 mai prochains. Des groupes de travail portés par les cadres de l'administration ont été constitués pour passer au peigne fin les dispositions fiscales, les propositions des différentes institutions... et ce tout en veillant aux principes devant régir le nouveau modèle de développement économique tant attendu par les différents pans de la société et tel qu'il a été orienté par le Souverain. Pour de plus amples détails, le comité scientifique des Assises de la fiscalité s'est réuni mardi 23 avril avec les médias pour partager les préparatifs, les enjeux et le déroulement d'un évènement qui, malgré sa consistance, se tient seulement sur deux jours. Un grand évènement qui, au demeurant, devra aboutir à un élargissement de l'assiette et la baisse de la pression fiscale. Les principales orientations seront intégrées dans un projet de loi-cadre porté par le ministère de l'Economie et des finances qui s'étalera sur cinq ans (2020-2024). A ce sujet, Mohamed Berrada, président du Comité scientifique a rappelé les principes fondateurs des prochaines Assises de la Fiscalité tout en restant fidèle aux équilibres macroéconomiques. Il rappelle par ailleurs que le grand problème au Maroc est celui de la qualité de sa croissance économique qui s'est soldée par des inégalités sociales, un chômage endémique des jeunes diplômés... Il étaye ses propos par un taux d'investissement de 32% et une productivité de 0,2% par an. Et pour cause, le rôle défaillant de l'industrie dans notre économie qui se base essentiellement sur le primaire et le tertiaire. Autre boulet que traîne le Maroc est celui de son capital immatériel (humain, institutionnel et social) qui a été pointé du doigt par le Souverain. Le Maroc a priorisé l'investissement dans les infrastructures au détriment de son capital immatériel. Bref tout cela pour dire qu'il est temps de tirer les enseignements nécessaires des expériences précédentes afin de pouvoir assurer une croissance qualitative. Et la fiscalité n'en est qu'un instrument (fille servante du modèle économique) et à elle seule, ne peut garantir la croissance, l'emploi et la répartition équitable des richesses. Toutefois, cela n'empêche pas Mohamed Berrada de dire que le système fiscal marocain est relativement bon par rapport à d'autres pays. « Être aux troisièmes assises de la fiscalité, six ans après celles de 2013, est un signe que le Maroc a fait des pas importants. Mais c'est aussi une preuve tangible que les choses s'accélèrent, la digitalisation, l'intelligence artificielle... des mutations en continu qu'il ne faut pas perdre de vue », explique M. Berrada. A son tour, le Directeur général des impôts, Omar Faraj, rappelle que contrairement aux précédentes réformes, il s'agit aujourd'hui d'une réforme voulue par la Direction générale des impôts. Le but étant d'aller jusqu'au bout de la refonte du système fiscal guidée par l'élargissement de l'assiette et la baisse de la pression fiscale (oscillant autour de 22%). En dehors même du taux, il s'agit d'une pression fiscale très mal répartie. Nous avons une partie de l'assiette fiscale qui ne prospère pas parce qu'elle subit une forte pression fiscale. L'autre partie prospère parce qu'elle ne paie pas correctement ses impôts. Résultat des courses : on se retrouve avec un système fiscal incohérent et inéquitable. Comment y remédier ? Par la suppression des dépenses fiscales qui au fil des ans ont alimenté la rente et ont conforté le gel du capital. Aussi, l'Administration essaiera-t-elle de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale grâce à la dématérialisation et au recoupement des informations. Sans oublier la lutte contre l'informel en mettant en place des taux incitatifs pour les petits contribuables. « Rester sur des analyses fiscales sans évaluer et voir ce qu'il y a derrière, c'est aller droit au mur », alerte le Directeur général des impôts tout en étant conscient que la tâche n'est pas aussi simple qu'elle y paraît. Pour y arriver, il faut bien comprendre le monde économique et établir des ponts avec le monde académique. C'est tout l'enjeu aujourd'hui. Les principaux axes En matière de TVA, le Directeur général des impôts est conscient que la neutralité est un principe universel. Il s'agit de l'impôt phare des prochaines assises étant donné le nombre de doléances des entreprises qui supportent la TVA indûment. Il est par ailleurs prévu une baisse des taux de l'IS et de l'IR pour répondre au double objectif d'élargissement de l'assiette fiscale et de baisse de pression. Il est utile de rappeler que 60% de l'impôt sur le revenu est payé par les salariés et que 0,8% des sociétés paient 80% de l'IS. Au programme également des prochaines Assises, les impôts contre-productifs tels que la taxe professionnelle. Il ne s'agit nullement de sa suppression comme sollicitée par les investisseurs, mais plutôt de la révision de sa base de calcul. En ce qui concerne la cotisation minimale sur le chiffre d'affaires, il est prévu sa disparition progressive sur les cinq prochaines années tout en surveillant le comportement des entreprises, en l'occurrence celles se déclarant chaque année déficitaires. De par sa complexité et la multiplication des impôts et taxes, la fiscalité locale sera au cœur des débats pour aboutir à un corpus de dispositions pouvant accompagner le Maroc dans le chantier de la régionalisation. Tout l'enjeu est de parvenir à sa simplification et ce pour une meilleure gestion et un recouvrement optimisé. Omar Faraj a rappelé que le Code Général des Impôts (CGI) est pratiquement finalisé en matière de simplification des textes et qu'il faut attendre après les Assises pour y intégrer la fiscalité locale et la parafiscalité avant de le soumettre au Parlement. On ne peut conclure sans rappeler que les Assises de la fiscalité seront marquées par la présence de CITAF (Centre américain de taxation) et de ATAF (Institut fiscal africain) pour s'inspirer des expériences étrangères notamment des réformes de l'Amérique Latine ou de celle de recouvrement forcé dans des pays africains comme la Tanzanie ou le Ghana. Voir également : [EMISSION HIWAR] NAJIB AKESBI DECORTIQUE LES FREINS D'UNE REFORME GLOBALE DU REGIME FISCAL