Les redressements fiscaux que subissent les grandes sociétés censées donner l'exemple expliquent un tant soit peu la réaction des commerçants par rapport à la facturation électronique. La grève menée par les commerçants protestants contre la facturation électronique, l'ICE... autrement dit contre la transparence fiscale taraude les esprits. D'aucuns considèrent que l'Etat est appelé à assumer ses responsabilités jusqu'au bout et, partant, appliquer les textes de loi publiés. D'autres plus sceptiques clament haut et fort l'injustice fiscale qui règne et altère le climat des affaires. Ils arguent leurs propos par les problèmes de cette catégorie d'opérateurs qui vont de l'absence d'une couverture médicale, des difficultés d'accès aux financements bancaires... Leur mécontentement vis-à-vis de l'Exécutif est donc le fruit de plusieurs frustrations et colères. La facturation électronique n'est que la goutte qui a fait déborder le vase. En regardant les choses de plus près, nous sommes tentés de dire que la réaction et la grève menée par les commerçants est à l'image d'une économie où règne l'inéquité fiscale. Comment les banques et sociétés cotées qui publient régulièrement leurs résultats, qui se déclarent transparentes ne paient pas leurs impôts ? A ce titre, il est utile de rappeler qu'il y a quelques jours le fisc a frappé très fort. Le 20 décembre dernier, la Société des boissons du Maroc a annoncé son profit warning du résultat relatif à l'exercice 2018. A l'issue du contrôle de la DGI et après échanges et réunions, un protocole d'accord a été signé pour le règlement définitif et irrévocable de ce contrôle et ce par le paiement d'un montant global de 90 MDH. Son impact sur le résultat net de SBM est de l'ordre de 74 MDH. Le 9 janvier, Disway à son tour avait anticipé la baisse de son Résultat net part du groupe. Parmi les raisons invoquées, celle liée à un contrôle fiscal au titre de l'IS, la TVA et l'IR. Lesieur Cristal a fait l'objet d'un contrôle fiscal durant le premier semestre de l'année écoulée. Le redressement est de l'ordre de 94 MDH et dont l'impact est très significatif sur le résultat net de l'exercice 2018. La liste des entreprises rappelées à l'Ordre par l'équipe de Omar Faraj est loin d'être exhaustive. Entre 2016 et 2017, les banques n'ont pas dérogé à la règle. Nombreuses d'entre-elles ont fait l'objet d'un redressement fiscal sur des exercices antérieurs pour ne citer que BMCE Bank Of Africa avec une facture salée qui s'élève à près de 900 MDH, CIH Bank et sa filiale Sofac dont le redressement de 50 MDH a concerné deux types d'impôts, l'IS et l'IR, BMCI et d' autres banques de la place dont les montants relatifs au redressement fiscal sont restés secret. Il s'agit des établissements qui brassent des milliards de DH mais qui ne paient pas leurs dus au fisc, des établissements qui au demeurant sont même soumis à l'Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux censée réguler le marché. Le hic c'est qu'au moment de la présentation des résultats annuels, les responsables se permettent de considérer le redressement fiscal comme étant un élément exceptionnel, non récurrent. Pis encore, ils déclarent leurs résultats hors impact du contrôle fiscal. Ils font fi du redressement fiscal qui se veut une action de l'Administration suite à des comptes possédant des irrégularités, des comptes dont le doute plane sur la sincérité et la bonne foi des déclarations. il est important de signaler que ces derniers n'ont plus la possibilité d'expliquer les irrégularités constatées par le fisc par des confusions dans les textes de loi et ce depuis la publication du nouveau code général des impôts qui lève toute ambiguïté sur les traitements fiscaux. De par sa définition et ses fondements, le redressement fiscal a pour principales finalités de corriger les insuffisances ou les inexactitudes parmi les éléments déclarés voire même les omissions et les dissimulations. Encore faut-il rappeler que les montants déclarés sont inférieurs à ceux réels. Les parties Société et Fisc préfèrent souvent s'entendre sur un accord plutôt que de faire durer le contentieux. Le contribuable effectue une simulation selon les chefs de redressement qu'il estime non défendables. De son côté, l'Administration fixe un seuil au-dessous duquel elle ne peut baisser au risque de compromettre le Budget. Ceci étant, nous ne pouvons faire fi de tels agissements de la part des Grands censés semer la transparence, la culture de l'équité et surtout donner l'exemple en matière de patriotisme économique. Ne dit-on pas : « Que rien n'est contagieux que l'exemple ». Lire également : MOHAMED BENCHAÂBOUN : BIENTÔT UNE LOI-CADRE SUR LA FISCALITE