2 Le Président Xi Jinping va rencontrer Vladimir Poutine à Moscou du 20 au 22 Mars 2023. C'est la première visite à Moscou depuis le déclenchement le 24 Février 2022 de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. L'objectif officiel de cette visite est de discuter de la coopération stratégique entre les deux pays. Rappelons que la Chine a signé avant l'invasion de l'Ukraine un accord de coopération liant l'amitié sans limites avec la Russie. Pékin garde comme priorité stratégique son opposition aux Etats-Unis, et considère la Russie comme son coéquipier. Elle craint qu'une fois la Russie battue, l'Occident se retournera contre elle. Rappelons que la Chine n'a pas condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Elle n'a jamais utilisé le mot guerre ou invasion, mais seulement la crise ukrainienne. Elle a toujours dénoncé les sanctions imposées à la Russie par l'Occident. Le 24 Février 2023, la Chine a publié un Plan de paix en douze points. Le premier point est le respect de la souveraineté de tous les pays, principe qui est favorable à l'Ukraine qui veut récupérer ses territoires occupés par la Russie. Ce premier point s'applique aussi à la revendication chinoise de l'ile de Taïwan qu'elle considère faisant partie de son territoire. Le plan de paix incite aussi à abandonner la mentalité de la guerre froide, et appelle à la cessation des hostilités entre la Russie et l'Ukraine, en vue de lancer des pourparlers de paix. Le plan de paix préconise de régler la crise humanitaire, de protéger les civils et les prisonniers de guerre, et de préserver la sécurité des centrales nucléaires installées en Ukraine. La Chine s'oppose à toute utilisation de l'arme nucléaire, et est favorable à l'exportation de céréales aussi bien de Russie que de l'Ukraine. Elle demande la fin des sanctions unilatérales prises par l'Occident contre la Russie, et insiste sur la stabilité des chaines industrielles et d'approvisionnement. Enfin elle recommande la promotion de la reconstruction de l'Ukraine post-conflit. L'Union européenne et l'OTAN ont marqué leur scepticisme vis-à-vis des propositions de la Chine, car ils considèrent que ce n'est pas un plan de paix, mais l'énoncé de principes généraux sur lesquels toutes les parties peuvent s'accorder. Ils reprochent aussi à ce plan une sorte de justification de l'invasion Russie de l'Ukraine, en citant les « intérêts et préoccupations sécuritaires légitimes de la Russie ». Le plan chinois ne traite pas la question des territoires qui est l'enjeu principal de la guerre en Ukraine. En effet, l'Ukraine veut récupérer la Crimée et le Donbass, alors que la Russie s'y oppose fermement. D'ailleurs le 18 Mars 2023, Vladimir Poutine s'est rendu en Crimée pour consacrer le 9ème anniversaire de l'annexion de cette péninsule ukrainienne par la Russie. Il a également visité de nuit Marioupol, ville ukrainienne du Donbass qui a été dévastée par les assauts et les bombardements russes au printemps 2022. Cette visite de la Crimée et de Marioupol a eu lieu le lendemain où la Cour pénale internationale de La Haye a lancé un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine, pour crime de guerre concernant la déportation illégale d'enfants ukrainiens en Russie. Que peut-on attendre de la rencontre du Président chinois avec Vladimir Poutine qui va débuter le lundi 20 Mars 2023 ? Deux scénarios sont possibles. Le premier optimiste consiste à ce que Xi Jinping fasse pression sur Poutine pour l'ouverture de négociations avec l'Ukraine sous l'égide de la Chine. Ce serait une deuxième victoire de la Chine, qui a réussi le 10 Mars 2023 à sceller un accord entre l'Arabie Saoudite et l'Iran pour la reprise des relations diplomatiques. Le deuxième scénario qui me parait plus probable est une « neutralité pro-russe » de la Chine au vu de la position ferme de Poutine de ne céder ni la Crimée, ni la partie du Donbass conquise par l'armée russe. En conclusion, à moins d'une heureuse surprise, la guerre d'Ukraine va continuer malheureusement encore très longtemps. Par Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)