A l'occasion du Forum pour la réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine organisé ce jeudi 12 janvier a rappelé que cet évènement permet de lancer une réflexion commune sur les leviers à même d'en soutenir la dynamique desdits transferts, notamment à travers la réduction des coûts. Personne ne peut nier que les diasporas constituent une communauté spécifique à plusieurs égards. « L'une de leurs principales contributions est sans nul doute, les envois de fonds, en tant que source substantielle et parfois vitale de financement des familles des migrants dans leurs pays d'origine, et en tant que ressource d'entrée de devises étrangères », précise le wali de BAM. Sur la base des statistiques publiées par la Banque Mondiale, les envois de fonds ont cumulé, sur la dernière décennie, pas moins de 7.000 milliards de dollars dont près de 870 milliards de dollars à destination de l'Afrique, soit une fois et demi le volume des investissements directs étrangers et celui des aides publiques au développement dont notre continent a bénéficié sur la même période. Aussi est-il particulièrement important de constater la remarquable résilience de ces flux, surtout en temps de crise, ce qui est en fait un véritable filet de sécurité pour les pays et familles bénéficiaires. La preuve en est leur record de croissance au cours de la pandémie du Covid qui a atteint + 10% en 2021 à l'échelle mondiale et + 14% pour les envois à destination de l'Afrique, que la Banque Mondiale, dans son rapport périodique sur la migration et le développement, explique en grande partie par l'élan de solidarité familiale durant la période de la pandémie. Le Maroc ne déroge pas à cette tendance. Les recettes en provenance des Marocains du Monde ont enregistré un bond historique de 37% en 2021 et de 13% en 2022. Elles ont ainsi atteint 8% du PIB, financé plus du tiers du déficit commercial et représentent près de 20% des ressources collectées par les banques. Les pouvoirs publics et la Banque Centrale ont très tôt œuvré, de concert, et en coordination avec le secteur bancaire, à consolider cette dynamique en favorisant, en particulier, la diversification des canaux de transmission et la réduction des coûts. « C'est ainsi que le Maroc a développé depuis plusieurs décennies une solide infrastructure bancaire s'appuyant sur une présence transnationale de proximité qui constitue un atout majeur pour l'accompagnement de nos compatriotes dans leurs pays de résidence », rappelle à juste titre A. Jouahri. Les banques marocaines sont ainsi présentes dans 27 pays du continent et dispose de filiales et succursales dans 7 pays européens et d'une cinquantaine de bureaux de représentation à travers différentes régions du globe. Cette infrastructure a permis de nouer et maintenir un contact étroit et de proximité avec les différentes générations de MDM et de favoriser leur bi-bancarisation. Néanmoins, force est de constater que plusieurs défis méritent d'être soulignés. C'est particulièrement le cas en Europe, où les activités d'accompagnement des Marocains du Monde pratiquées depuis des décennies par les banques marocaines en toute transparence et dans le respect des réglementations locales sont depuis quelques années confrontées à un durcissement sans précédent de leurs conditions d'exercice. En effet, plusieurs autorités bancaires de pays de l'Union ont décidé de suspendre l'activité d'intermédiation opérée par les filiales bancaires situées en Europe auprès de la diaspora et pour le compte de leurs maisons mères marocaines. Les conditions de prestation de cette activité vont davantage se durcir si le projet de directive européenne relatif notamment aux succursales de pays tiers est voté en l'état. « Ce projet, dont l'adoption est imminente, prévoit l'interdiction pour les banques étrangères non établies dans l'UE d'offrir des services bancaires du pays d'origine directement à leurs clients résidant dans un pays de l'Union. Il nous semble qu'une action diplomatique d'envergure de nos pays est nécessaire pour alerter sur ces développements préoccupants et œuvrer à préserver les acquis et à maintenir les liens, tout particulièrement des dernières générations des migrants sur le sol européen avec la mère patrie », alerte Jouahri. Et d'ajouter : « A ces contraintes, s'ajoute la convention de l'OCDE portant sur l'échange d'informations fiscales dont l'entrée en vigueur prochaine suscite la grande inquiétude des Marocains du Monde. Il sera nécessaire d'œuvrer, dans l'intérêt de notre continent et de nos compatriotes, pour que cette norme soit déployée sans entraver les transferts de fonds des migrants ». Selon le rapport trimestriel de la Banque Mondiale sur les tarifs des transferts de fonds à l'échelle mondiale, le coût moyen d'un envoi de fonds vers l'Afrique subsaharienne sur le 3ème trimestre 2022 est de 8,46%. Bien que ce coût ait baissé à l'instar de la tendance globale, ce corridor demeure largement le plus onéreux, comparativement à la région MENA avec 6,15% et à la moyenne mondiale qui s'affiche à 6,3%. Sur certains corridors intra-continent, le coût dépasse même 15%. » A ce titre, nous ne pouvons que saluer la décision du G20 de retenir dans sa feuille de route d'amélioration des paiements transfrontaliers : l'objectif que le coût moyen d'un transfert soit ramené à 3% à horizon 2030 et qu'aucun corridor de transfert n'affiche un coût moyen supérieur à 5%. Au Maroc, nous avons été sensibles très tôt à cette question de coût. Bank Al-Maghrib a d'ailleurs décidé, dès 2009, de lever toute clause d'exclusivité liant les opérateurs internationaux de transferts de fonds à leurs partenaires au Maroc. Cette mesure a permis de réduire significativement ces coûts » », annonce le gouverneur de la Banque Centrale. Il évoque par ailleurs le levier du digital qui offre des opportunités importantes dans les relations financières et plus largement économiques entre les diasporas et les pays d'origine. Son impact sur le coût et l'instantanéité qui ne sont plus à démontrer. Ce changement de paradigme va, selon lui, profiter en particulier à la jeune génération de migrants qui est native de l'internet et répondre à ses exigences. Une concurrence plus accrue sur ce marché, poussée par l'émergence de nouveaux concurrents disruptifs a, d'ores et déjà infléchi la tendance. Toujours selon la Banque Mondiale, la part des transferts opérées en digital a triplé entre 2016 et 2019 pour atteindre 17,6%. La survenance de la pandémie Covid a accéléré cette tendance portant la part du digital à 32% à fin septembre 2022. Au Maroc, les flux de transferts reçus de l'étranger est capté par le circuit bancaire et les établissements de paiement. Pour les 2 catégories d'acteurs, le recours au digital connait une croissance certaine, plus à l'émission qu'à la réception, mais avec néanmoins une marge de progression qui demeure importante. Cette digitalisation va devoir renforcer la bancarisation tant des migrants que de leurs familles récipiendaires. Le G20 a également retenu les monnaies digitales des banques centrales parmi les leviers d'amélioration des paiements transfrontaliers. Certains projets comme le Dunbar et le Jura, qui ont été menés entre plusieurs pays sous l'égide de la Banque des Règlements Internationaux, ont permis d'identifier les défis à relever notamment en matière d'interopérabilité, de gouvernance et de cadre juridique. C'est ainsi que consciente de l'importance de la digitalisation des services financiers, Bank Al-Maghrib a inscrit cette question en tant que priorité stratégique. Un ensemble d'initiatives ont été prises pour favoriser cette mouvance et se sont accélérées dans le contexte de la crise sanitaire. Si les transferts de fonds émanant des diasporas constituent une source de devises pour les pays d'origine et une aide directe aux familles, ils devraient plus largement participer à la croissance économique. Les études portant sur les liens entre les transferts des migrants aux familles et le développement des pays d'origine concluent que l'investissement productif des diasporas dans leurs pays reste faible. C'est dans ce cadre que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré son appel, lors de son discours royal du 20 août 2022, à l'ensemble des institutions nationales, à faire le bilan des actions entreprises et des politiques publiques menées à l'endroit de la diaspora marocaine et en tirer les conséquences en vue de mieux répondre à leurs attentes, intérêts et droits, appuyer leurs projets d'investissement, repenser et promouvoir leur contribution au rayonnement et au développement du Maroc. En réponse à cet appel, le Conseil Economique, Social et Environnemental a mené un travail de recherche et de consultation des différentes parties prenantes, dont Bank Al-Maghrib. Ce travail a abouti à un rapport dont les conclusions ont été dévoilées il y a quelques semaines. Il en ressort, en particulier, la nécessité de changer de paradigme en considérant nos diasporas comme un véritable atout et une composante majeure de nos politiques publiques les amenant ainsi à contribuer au renforcement des capacités de nos compatriotes et au rayonnement de notre pays. En particulier, la promotion du rôle des MDM dans l'investissement productif nécessite un programme adapté prévoyant un accompagnement de proximité, des mesures d'incitation et d'appui ainsi que des produits financiers à même de canaliser davantage leurs flux financiers vers les activités économiques. Le gouverneur met outre ce qui précède l'accent sur les nouveaux instruments qui se mettent en place, en réponse aux Hautes orientations de Sa Majesté dans son Discours Royal, et qui ne peuvent que conforter les MDM pour qu'ils orientent une partie de leur épargne vers l'investissement productif. 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