Ecrit par Soubha Es-Siari | L'impact de l'augmentation du taux directeur de 100 pts de base sur une période réduite ( de septembre à décembre) sur l'inflation suscite des interrogations. Ces hausses successives sont-elles suffisantes pour parvenir à un taux d'inflation optimal ? A quel horizon l'impact serait-il perceptible ? Longtemps critiquée par les économistes sur ses missions qui devraient évoluer et ne plus se limiter au ciblage de l'inflation, la Banque Centrale est aujourd'hui sollicitée plus que jamais pour juguler l'inflation. L'inflation est aujourd'hui le 1er ennemi de la Banque Centrale contrairement à ce qui prévalait il y a quelques années quand elle évoluait dans des territoires négatifs Mais cela n'empêche pas de reconnaitre que face à la multiplicité des crises, il est préconisé l'évolution de BAM vers un mandat dual permettant une articulation judicieuse entre l'objectif de stabilité des prix et celui de la stimulation de l'économie. Lors du dernier Conseil tenu le 20 décembre dernier, BAM a décidé de relever une deuxième fois (après le mois de septembre) le taux directeur de 50 pts de base à 2,5% pour pallier aux mouvements inflationnistes qui continuent à peser de tout leur poids sur les agents économiques (ménages et entreprises). A rappeler que selon le HCP, l'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté au mois de novembre de 8,3%, un taux jugé inquiétant par le cercle des analystes et économistes. Pis encore, cette hausse est plus conditionnée par les aléas économiques à l'échelle internationale que par des facteurs internes. Et pour cause, les prix échangeables représentent presque 90% de la structure des prix au Maroc. C'est pour dire que tout mouvement à la hausse ou à la baisse des prix des matières premières ou les inputs affecte le niveau de l'inflation au Maroc. L'arme dont nous disposons pour juguler l'inflation n'est autre que la politique monétaire à travers la variation à la hausse du taux directeur. En effet, bien que les prévisions de la Banque centrale tablent sur un taux d'inflation de 2,4% en 2023, les analystes sont convaincus que le retour de cycle inflationniste dépend encore des effets de la guerre en Ukraine qui n'a pas encore plié bagages. Parce que si le conflit russo-ukrainien prend une autre tournure, les hypothèses retenues par la banque centrale seraient perturbées et le taux de l'inflation repartirait à la hausse. D'aucuns s'interrogent par ailleurs sur l'impact du durcissement des politiques monétaires des banques centrales européenne ou américaine sur l'inflation au Maroc. A ce sujet, il est indiqué que pour que l'impact des décisions en matière de politique monétaire de ces puissances économiques impactent des économies comme le Maroc, il faut qu'il y ait un compte capital ouvert complètement et un taux de change flexible. « Pour que la politique monétaire soit connectée aux autres politiques monétaires à l'international, il faut respecter le triangle de Mundell & Fleming à savoir un taux de change flottant et une libre circulation des capitaux », rappelle le professeur universitaire Zakaria Firano invité par Medi1TV pour débattre de l'enjeu de la récente hausse du taux directeur. Or, au Maroc, nous ne remplissons pas ces deux conditions. La parité du Dirham avec le dollar fluctue dans la fourchette + ou – 2,5 et le compte capital est ouvert partiellement. Donc même si la BCE ou la FED changent leur politique monétaire, la transmission ne passera pas par le flux de capitaux mais par le canal réel. Il faut donc s'attendre à percevoir l'impact à moyen terme par le canal économique. Hausse du taux directeur : à quel horizon l'impact est-il perceptible ? L'impact de l'augmentation du taux directeur de 100 pts de base sur une période réduite ( de septembre à décembre) sur l'inflation suscite des interrogations. Ces hausses sont-elles suffisantes pour parvenir à un taux d'inflation optimal ? Ou faut-il augmenter davantage le taux directeur ? Quel est le taux d'inflation optimal pour générer la croissance économique ? Des questions aussi importantes les unes que les autres mais qui ne doivent pas perdre de vue en matière de décision du taux directeur l'importance d'équilibre entre les besoins en terme de croissance, les besoins du Trésor sur le marché... L'efficacité de la politique monétaire passe par celle des canaux de transmission. Encore faut-il savoir que le délai de transmission d'une politique monétaire est de 1,5 à 2 ans dans l'ensemble des économies mais pas moins. « L'évaluation positive du resserrement de la politique monétaire tel que mené par la banque centrale sur l'inflation ne peut donc être faite dans l'immédiat à part qu'il y ait un ralentissement drastique des cours des matières premières au niveau international. Et donc l'impact serait attribuable plus à la conjoncture internationale », tient à préciser le professeur universitaire Zakaria Firano. De son côté, l'économiste Omar Bakkou estime que ce relèvement du taux directeur n'est qu'un ajustement technique pour corriger le déséquilibre existant entre le taux d'intérêt directeur et le taux d'inflation. Il explique par ailleurs que même dans deux ans, l'impact ne serait pas aussi important parce que les crédits seraient théoriquement insensibles aux variations des taux directeurs que ce soient les crédits logement, les crédits aux entreprises relatifs aux besoins de trésorerie, ceux de financement liés essentiellement aux perspectives économiques... « Je pense que cette hausse des taux n'aura pas d'impact ni sur les crédits à l'économie, ni sur la demande et donc, par ricochet, sur le taux d'inflation au Maroc » , annonce Omar Bakkou. De son côté, le professeur Firano s'attend à deux impacts négatifs de cette hausse du taux : la première aurait trait à une forte pression sur le passif des banques à travers leur coût de financement. Autre impact à ne pas négliger se ressentirait sur l'épargne publique notamment les actifs détenus par les investisseurs institutionnels qui vont subir la dépréciation. Cette dépréciation des actifs va accentuer le risque de liquidité sur le marché secondaire des bons de Trésor. D'ailleurs le gouverneur de BAM a indiqué lors du Conseil qu'une intervention sur le marché secondaire est possible pour le réguler et offrir de la liquidité aux investisseurs.