Reprendre les rênes du Maroc après deux années de Covid-19 pour ensuite faire face à la guerre en Ukraine, avec tous les effets néfastes sur les prix des matières premières et l'approvisionnement des marchés, et cerise sur le gâteau une campagne agricole maigre et un état d'urgence hydrique... C'est peu que de dire que le gouvernement actuel n'a pas eu de bol. Mais en politique comme par ailleurs, qui s'y frotte s'y pique. Quel bilan de cette première année qui devait marquer le point de transformation du Maroc avec comme leitmotiv le nouveau modèle de développement ? Le 7 octobre 2021, le gouvernement présidé par Aziz Akhannouch et composé du RNI, PAM et PI, a pris officiellement les commandes de l'exécutif au Maroc, dans un contexte marqué par la persistance de la pandémie du Covid-19 mais nuancé par une ambition de relance. A peine en place et alors qu'il doit composer avec une année agricole de vache maigre, voilà qu'intervient la guerre en Ukraine qui a chamboulé tous les calculs et projections, y compris les hypothèses de la LF 2022, véritable test du nouvel exécutif. Mais une promesse est une promesse et doit être honorée et autant dire que dans la déclaration gouvernementale, il y en a 10, avec des dimensions à la fois économique que sociale, à supposer que la variable risque a été bien intégrée dans la déclinaison de ces objectifs pour en éviter la dérive. Allons, allons, il faut ranger les échafauds dressés ici et là, car il est difficile d'apprécier un mandat de cinq ans à sa première année comme on ne juge pas un livre à sa couverture. Il s'agit donc de dresser un bilan des actions menées à la faveur d'une équité et égalité des chances, de justice sociale et justice tout court, de prospérité et de développement économique... à la lumière de ce qui a été exprimé lors du débat et concertations sur le nouveau modèle de développement du Maroc, mais également des promesses à la veille du scrutin du 8 septembre 2021. Il est clair dans ce sens que la conjoncture a dicté à l'exécutif une certaine conduite : jouer le pompier sur plusieurs fronts avec des actions conjoncturelles pour préserver le pouvoir d'achat des citoyens et aider les secteurs les plus exposés au choc exogène particulièrement le tourisme, le transport et l'agriculture tout en protégeant les emplois. Forcément le budget général en prend un sérieux coup. La flambée des prix qui semble s'installer a ainsi obligé le gouvernement à ouvrir des crédits budgétaires supplémentaires, en plus d'une première rallonge du budget de la compensation qui est passé du simple au double dès les premiers mois de 2022. Il faut souligner dans ce sens que l'approvisionnement des marchés nationaux n'a enregistré aucune perturbation d'approvisionnement notamment le secteur de l'énergie avec la fin du contrat liant le Maroc et l'Algérie. A contrario, la question de la réglementation du secteur des hydrocarbures demeure entière et continue de cristalliser l'opinion publique. Sur un autre registre, le gouvernement a réussi à se démarquer par la relance du dialogue social avec la conclusion d'un accord social la veille du 1er mai 2022. De même qu'il a pu enfin « libérer » le projet de Loi-cadre portant charte de l'investissement. Il a également accéléré la promulgation du cadre réglementaire nécessaire à l'effectivité de la stratégie nationale de protection sociale, jalon de l'Etat social, qui sera renforcé par la mise en œuvre du RSU et du RNA (Registre national Agricole). Donc, la conjoncture n'a pas eu d'impact sur l'accélération des grands chantiers que ce soit la santé ou l'éducation, bien que pour la protection sociale, la question de la pérennité de financement n'est à ce jour pas élucidée. Revenant sur le bilan d'une année du gouvernement actuel, l'Observatoire du travail gouvernemental (OTRAGO) a souligné pour sa part quelques actions aux résultats mitigés, particulièrement les programmes Awrach et Força. De même que le non-respect de la disposition contenue dans la LF 2022 relative à l'octroi direct d'une aide de 400 DH aux personnes âgées. Le rapport d'OTRAGO a également relevé la problématique de la cohésion gouvernementale avec la non-tenue pendant six mois de la réunion de la majorité, sans oublier les échanges musclés entre ses composantes au Parlement en début de mandat. Sur le plan législatif, le rapport soutient que la majorité a monopolisé l'activité de production de textes de loi au sein du parlement sans coordination avec l'opposition. Autre grief, la dominance de la gestion technocratique du travail du gouvernement au détriment de positions politiques claires qui plaident en faveur de ses choix et décisions, particulièrement sur la question de la démocratie et droit de l'homme, la lutte contre la corruption et la rente... Le rapport d'OTRAGO note un retour relatif des nominations à caractère partisan dans différents départements et fonctions publics, selon la couleur politique des responsables à leur tête. La conjoncture n'aidant en rien, il n'en demeure pas moins que rien ne justifie de mettre en veilleuse des chantiers tout aussi importants que le nouveau modèle de développement avec tout l'espoir qu'il a suscité. En effet, le gouvernement ne doit pas perdre de vue qu'il doit apporter une feuille de route claire en termes d'Etat de droit et de modèle de développement. En effet, nous sommes toujours en attente d'un livrable relatif au Pacte national de développement qui comporte en son sein des objectifs clairs aussi bien économiques que sociaux. Certes cela ne relève pas uniquement de la responsabilité du gouvernement mais c'est à lui qu'incombe la tâche de réenclencher et rapidement les réunions nécessaires et d'ouvrir un débat avec toutes les composantes de la société. En effet, les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement sont basées sur l'expression des attentes et besoins de la population, particulièrement les jeunes du pays, en termes d'équité, de justice, de dignité et de liberté. Et ce tout en renforçant les canaux de communication avec l'opinion publique. Pour les autres objectifs quantitatifs tels qu'énoncés dans la déclaration gouvernementale, il faudra attendre la fin du mandat pour pouvoir évaluer le livrable. Il s'agit notamment de la question épineuse de la croissance, avec un taux moyen de 4% sur les cinq années de ce mandat (alors qu'en 2022 ce taux tournera au mieux autour de 1% contre 3,4% prévus dans la Loi de Finances), l'amélioration de la représentativité économique féminine à 30% ou encore extraire un million de famille de la pauvreté et de la précarité et la liste est loin d'être exhaustive. C'est dire que ce gouvernement a du pain sur la planche.