La croissance dans la région Moyen Orient et l'Afrique du Nord (MENA) devrait passer de 5,8 % en 2021 à 5 % en 2022, tirée par les exportateurs de pétrole et de gaz comme l'Arabie saoudite. Les perspectives pour les pays émergents/à faible revenu se détériorent. Le point a été fait ce jour lors du point presse du département Moyen-Orient et Asie centrale animé par Jihad Azour, Directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Selon le FMI, la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie accentuent la disparité des perspectives de reprise au Moyen-Orient et en Asie centrale. Malgré un élan plus vigoureux que prévu en 2021, l'environnement économique se caractérise en 2022 par des vents contraires et un degré d'incertitude exceptionnels, en particulier pour les pays exportateurs de produits de base : hausse et volatilité accrue des cours des produits de base, accentuation des tensions inflationnistes, normalisation plus rapide que prévu de la politique monétaire dans les pays avancés et persistance de la pandémie. Les perspectives se sont améliorées pour les pays exportateurs de pétrole et de gaz du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, tandis que les pays du Caucase et d'Asie centrale font face à des conditions particulièrement difficiles en raison de leurs liens avec la Russie et l'Ukraine. Les risques de détérioration des perspectives résident notamment dans une prolongation du conflit, de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie, des conditions de financement mondiales plus restrictives que prévu, un possible désancrage des anticipations d'inflation, un ralentissement plus marqué en Chine et de nouvelles flambées épidémiques. Il est de plus en plus compliqué de formuler les politiques économiques, alors que les marges de manœuvre macroéconomiques pour faire face aux chocs se rétrécissent, dans un contexte de dettes élevées et de forte inflation. Les politiques devront être soigneusement adaptées aux contextes nationaux afin de gérer les incertitudes, préserver la stabilité macroéconomique et soutenir la reprise en protégeant les plus vulnérables et en garantissant la sécurité alimentaire et énergétique. Les réformes structurelles sont devenues encore plus urgentes, pour éviter que la guerre et la pandémie ne laissent de séquelles et pour assurer une reprise inclusive. « Compte tenu de leurs étroits liens commerciaux et financiers avec la Russie et de leur dépendance à l'égard des envois de fonds et du tourisme, les pays de la région Caucase et Asie centrale figurent parmi les plus sensibles aux répercussions de la guerre. Les pays importateurs de pétrole de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord sont eux aussi exposés à travers les cours des produits de base et les circuits financiers internationaux, ainsi que via leur dépendance à l'égard des importations de blé », explique Jihad Azour, Directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. La guerre en Ukraine devrait dominer les perspectives pour 2022. Elle vient s'ajouter à des circonstances défavorables, à savoir la normalisation de la politique monétaire plus rapide que prévu dans les pays avancés et le ralentissement en Chine, qui est un grand marché d'exportation pour bon nombre des pays exportateurs de pétrole de la région. « Nous tablons sur une croissance du PIB réel de 5 % en 2022 dans la région MOAN. Si cette prévision a été revue à la hausse de 0,9 point de pourcentage par rapport à octobre, elle cache de grandes disparités entre les pays. En effet, les pays exportateurs de pétrole bénéficient d'une révision à la hausse sous l'effet d'une augmentation des prix de l'énergie et de la production conformément à l'accord des pays de l'OPEP+, tandis que les pays émergents, les pays à revenu intermédiaire et les pays à faible revenu pâtissent pour la plupart d'une révision à la baisse », analyse l'expert. Les perspectives risquent davantage d'être révisées à la baisse, notamment en cas de guerre de longue durée et de nouvelles sanctions imposées à la Russie. Cela fait naître des craintes à l'égard de l'insécurité alimentaire et le risque de troubles sociaux ; d'un resserrement plus important que prévu des conditions financières mondiales, qui pourrait donner lieu à des sorties de capitaux ; d'une inflation persistante ; et d'un ralentissement plus marqué en Chine. Comment revenir sur la trajectoire d'une croissance solide ? Cet environnement difficile et les incertitudes pour l'avenir sont à l'origine d'arbitrages extraordinairement complexes, surtout pour les pays importateurs de pétrole qui ont une marge d'action restreinte. Comment les pays peuvent-ils réussir ces arbitrages tout en s'employant encore à régler les problèmes à long terme ? Pour le haut responsable du FMI, à court terme, les pays devraient réfléchir à plusieurs priorités d'action. En premier lieu, ils devraient se pencher sur un ajustement de la politique monétaire en fonction de la situation de chacun afin de juguler l'inflation et d'éviter de compromettre la reprise. Compte tenu de la volatilité des marchés, ils devraient laisser les taux de change s'ajuster, en intervenant uniquement pour éviter toute perturbation des marchés. Concernant la politique budgétaire, les pays exportateurs de pétrole ont la possibilité de reconstituer leur marge de manœuvre. Dans les pays émergents et les pays à revenu intermédiaire qui ont un espace budgétaire restreint, un rééquilibrage budgétaire propice à la croissance qui privilégie la santé, les dépenses sociales et l'investissement sera indispensable. Il est capital de faire face à la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires et de l'énergie. Tout en autorisant une augmentation progressive des prix intérieurs, les pays devraient en contrepartie accorder aux ménages et entreprises vulnérables des transferts transparents, temporaires et ciblés. Une coopération internationale sera tout aussi importante pour éviter une crise alimentaire qui pourrait aggraver la situation déjà très précaire dans laquelle se trouvent les pays à faible revenu. Pour emprunter le chemin de la reprise, il faut continuer à combattre efficacement la pandémie. C'est pourquoi il convient de redoubler d'efforts à l'échelle mondiale et régionale afin d'offrir un accès équitable à un large éventail d'instruments de lutte contre la COVID-19, estime-t-on. Etant donné la marge d'action restreinte, des réformes structurelles deviennent encore plus importantes pour éviter les séquelles de la pandémie et de la guerre et garantir une croissance inclusive tirée par le secteur privé. Parmi les priorités concrètes figurent le redéploiement des dépenses publiques vers des dispositifs de protection plus étoffés et mieux ciblés, pour accompagner le retrait des mesures d'aide ; l'augmentation de la capacité à générer des recettes pour assurer la viabilité des finances publiques ; la promotion du secteur privé et la réduction du poids de l'économie informelle en vue de favoriser la croissance et l'inclusion ; et l'adaptation aux changements climatiques. Le FMI poursuit sa collaboration étroite avec la région : il a prodigué des conseils et une assistance technique et octroyé 20 milliards de dollars de financements à la région Moyen-Orient et Asie centrale depuis le début de la pandémie. A rappeler également que le FMI a procédé à une allocation de droits de tirage spéciaux à hauteur de 49,3 milliards de dollars pour compléter les avoirs de réserve de la région, ce qui aidera les pays à venir à bout des arbitrages. Le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, qui a été approuvé récemment par le FMI et permettra d'affecter les ressources aux pays qui en ont le plus besoin, pourrait aussi contribuer à cet effort.