Ecrit par Soubha Es-Siari | Au cas où le déficit pluviométrique perdure à fin mars, il devrait fortement impacter la récolte céréalière (attendue initialement à 80 MQTX) et, de facto, dégrader davantage la contribution négative projetée de la valeur ajoutée agricole au PIB. Nous sommes au mois de février et les précipitations ne sont malheureusement pas au rendez-vous. La campagne agricole risque d'être compromise remettant en cause les pronostics relatifs à la croissance économique au titre de l'année 2022. Dans un contexte marqué par la pandémie, le Maroc, pays fortement dépendant de la richesse agricole risque de pâtir davantage en l'absence de pluies. Si des secteurs n'arrivent toujours pas à trouver le rythme soutenu d'avant la crise sanitaire, d'autres dépendants à leur tour de l'agriculture seraient malmenés. En sus du retard des pluies, le contexte se caractérise par une flambée des prix des matières premières qui pèse de tout son poids sur les importations. Au cours des deux derniers exercices, les importations ont augmenté de 24,5% par rapport à fin 2020 et de 7,3% par rapport à fin 2019. Le déficit commercial s'établit à 199.745 MDH en augmentation de 25%. Dans cette flambée des cours des matières premières à l'international, les prix du blé ne sont pas à écarter. D'ailleurs pour contenir la hausse, le gouvernement avait procédé depuis le 1er novembre 2021 à une suspension des droits de douanes sur les importations de blé dur et tendre conjuguée à l'allocation de compensations supplémentaires aux importateurs. Le but étant de préserver les prix de tous les dérivés du blé au niveau national. Mais quid des prix des autres denrées alimentaires ? Inutile de rappeler que le pays accuse un sévère déficit pluviométrique et les réserves des barrages sont au plus bas. Ce déficit ne sera pas sans impact sur les prix des autres denrées alimentaires. Rien que pour le mois de janvier, le Maroc a connu un déficit hydrique de plus de 80% par rapport à 2021. La situation est alarmante et ce n'est pas le ministre de l'agriculture qui dira le contraire. Mohamed Sadiki n'a d'ailleurs pas caché son appréhension annonçant que la saison serait parmi les plus difficiles des 30 dernières années. Selon lui, seules quatre régions, sur les douze que compte le Royaume, sont proches d'une situation normale et peuvent tirer leur épingle du jeu. Et pour cause l'absence de pluies a poussé certains agriculteurs à ne pas investir dans les cultures printanières, préférant réserver leurs parcelles aux parcours naturels du cheptel. LF 2022 table sur une production céréalière de 80 MQX Cette situation ne peut nous empêcher de revenir à la Loi de Finances 2022 qui repose dans ses hypothèses sur une récolte céréalière de 80 MQX et partant de là sur un taux de croissance économique de 3,2%. Le HCP à l'instar de Bank-Al-Maghrib table par contre sur un taux de croissance de 2,9% en 2022. La mauvaise nouvelle est que même ledit scénario pourrait être contrarié par le recul important constaté en matière de pluviométrie conjugué à la persistance de la pandémie. Si cette situation perdure à fin mars, elle devrait fortement impacter la récolte céréalière (attendue initialement à 80 MQtx) et, de facto, dégrader encore davantage la contribution négative projetée de la valeur ajoutée agricole au PIB. « Nonobstant la prise en compte d'autres facteurs : tant positifs, comme une meilleure performance des activités secondaires et tertiaires notamment avec la reprise du tourisme... ; Que négatifs, comme le resserrement à nouveau des contraintes sanitaires... Il serait fort probable de revoir à la baisse dans les mois prochains nos estimations de croissance économique », précisent les analystes de BKGR dans une note récente sur la radioscopie économique. Les autres signes négatifs Comme susmentionné, la cartographie des risques ne se limite pas uniquement au déficit pluviométrique mais également aux séquelles de la pandémie qui pèsent de tout leur poids sur la reprise tant escomptée. La récente enquête menée par le HCP pour évaluer l'impact de la pandémie sur les entreprises et les perspectives pour 2022 n'augurent rien de bon. Il ressort de la présente enquête que l'investissement n'est pas une priorité pour bon nombre d'entreprises. 7 entreprises sur 10 ne prévoient aucun projet d'investissement pour 2022. En matière de reprise d'activité, près de 60% des entreprises ayant connu une décélération d'activité prévoient de retrouver leur niveau normal d'activité dans un délai moyen d'un an ou plus. Par catégorie, 61% des TPME (principale catégorie du tissu économique) estiment pouvoir retrouver leur rythme normal dans un délai dépassant un an. Des taux qui en disent long sur le spectre de la pandémie qui règne encore. Dans un contexte marqué par le déficit pluviométrique, la croissance de l'économie nationale en 2022 serait ainsi impactée par les contreperformances des activités primaires et de leur incidence sur la formation des revenus et le comportement de la demande intérieure. Elle serait également tributaire de la capacité des activités industrielles, commerciales et de services à consolider le potentiel de production en améliorant les taux d'utilisation de la capacité de production à travers l'investissement et les gains d'efficience et de productivité. Or malheureusement l'investissement notamment privé serait le moins qu'on puisse dire timide. Les pronostics fondés sur les tendances moyennes des principaux déterminants de l'activité compte tenu de la nouvelle donne économique et les incertitudes qui s'y rattachent aussi bien au plan interne qu'externe tablent sur un ralentissement sensible du cycle d'activité en 2022. Le taux de croissance pourrait même être en deçà des 3% galvaudés par ci et par là.