Ecrit par Soubha Es-Siari | Le redéploiement de la taxe d'habitation et de la taxe de services communaux (TSC) se veut l'une des recommandations phares de la loi n°07.20 du 31 décembre 2020, modifiant et complétant la loi n°47.06 relative à la fiscalité des collectivités locales. Le but étant de revoir l'assiette fiscale afin d'améliorer le potentiel de recettes des collectivités locales, ainsi que les règles d'affectation des recettes collectées entre collectivités et budget général de l'Etat. Où en sommes-nous ? Quel impact sur le citoyen ? A quand sa généralisation à tout le territoire ? Le point avec la Trésorerie générale du Royaume. Garantir aux Collectivités locales une autonomie financière est le fondement même de la réussite du pari de la régionalisation avancée. A rappeler que le Maroc accuse un retard important en matière de décentralisation territoriale, de mise en place d'une bonne gouvernance locale et en matière d'octroi de prérogatives larges aux régions. A l'occasion de chaque débat y afférent, la problématique de la fiscalité surgit à cause du faible rendement, de la complexité et de l'iniquité. La non-rentabilité de la fiscalité locale résulte souvent des dysfonctionnements liés à la détermination de la matière imposable et à la gestion de la perception de l'impôt local. Pour y remédier, une des principales mesures vise à redéployer la fiscalité existante et l'on s'interroge d'ailleurs sur comment un tel redéploiement pourrait-il impacter les contribuables. Il s'agit plus précisément dans le cadre de cet article de la prise en charge progressive par la TGR de l'assiette et de la liquidation de la taxe d'habitation et de la taxe de services communaux (TSC). Une attribution qui relevait précédemment de la Direction Générale des Impôts (DGI). A ce titre, la TGR rappelle de prime abord qu'en sus des transferts du budget général de l'Etat sous forme de dotations budgétaires et de leurs quotes-parts dans les impôts d'Etat dont elles bénéficient, la fiscalité propre desdites collectivités est appelée à contribuer davantage à la consolidation de leurs ressources. Les CL sont appelées à être plus autonomes d'autant plus que le potentiel fiscal existe mais il est souvent mal exploité. « C'est ainsi que fut adoptée la loi n°07.20 du 31 décembre 2020, modifiant et complétant la loi n°47.06 relative à la fiscalité des collectivités locales. Cette loi a apporté plusieurs nouveautés en matière de réforme de la fiscalité locale », enchaîne la TGR. Parmi ces nouveautés, nous pouvons citer : * La révision des règles de liquidation de l'assiette de certaines taxes ; * L'exonération de certains contribuables de la taxe professionnelle ; * La révision de la répartition du produit de certaines taxes ; * Le relèvement du seuil de l'émission à 200 DH pour certaines taxes ; * La prise en charge progressive par la DGI du recouvrement de la taxe professionnelle, attribution qui relevait précédemment de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) ; * L'abandon de l'usage des vignettes ; * L'adoption progressive de la télé déclaration et du télépaiement des taxes territoriales ; Et enfin, la prise en charge progressive par la TGR de l'assiette et de la liquidation de la taxe d'habitation et de la taxe de services communaux, attribution qui relevait précédemment de la Direction Générale des Impôts (DGI). Pour quels enjeux ? Interrogée sur la portée et l'enjeu de cette mesure, la TGR explique : « Cette mesure a pour leitmotiv d'intégrer l'assiette et le recouvrement de cette taxe en désignant un gestionnaire afin de remédier à la dilution des responsabilités qui prévalait auparavant ». Autrement dit, le citoyen aura affaire à un seul interlocuteur et non à deux administrations différentes. Et d'ajouter : « une telle mesure va permettre d'améliorer le rendement de ces deux taxes par une meilleure synergie entre les services d'assiette et de recouvrement en termes de système d'information unifié et d'une meilleure identification des redevables ». Elle permettra par ailleurs l'élargissement de l'assiette fiscale par l'identification de l'ensemble des contribuables assujettis à ces taxes même ceux non listés jusqu'à présent. Au-delà même de l'élargissement de l'assiette fiscale et de l'amélioration du rendement, cette disposition permet de renflouer les ressources propres des CT pour mieux servir les citoyens, répondre à leurs besoins tout en atténuant la pression sur le budget de l'Etat. La crise sanitaire ayant prévalu depuis mars 2020 a mis à rude épreuve les finances publiques. Le tarissement des recettes des collectivités n'étant pas à exclure dans un contexte aussi contraignant. Une expérience pilote menée depuis octobre 2021 Toutefois, force est de reconnaître que ce redéploiement constitue un vrai challenge pour la TGR et le réseau déconcentré de ses comptables publics qui sont tenus de s'approprier un nouveau métier, celui de la gestion de l'assiette. Dans ce sillage et pour réussir cette réforme, la TGR a préconisé dans sa mise en œuvre une démarche progressive, fondée sur une expérience pilote menée depuis octobre 2021 au niveau du quartier de Mohammedia Nord-Est qui couvre à peu près quelques 4000 articles d'imposition. La stratégie de déploiement progressif de cette réforme à l'ensemble du Royaume à l'horizon 2024 a été cadrée par une feuille de route qui, selon la TGR, comprend dans ses grandes lignes : * La constitution d'une équipe-projet ; * le choix des ressources humaines adaptées et leur formation au nouveau métier de l'assiette ; * l'élaboration des arrêtés de transfert DGI/TGR et de délégation de signature aux responsables désignés ; * la refonte du système d'information de gestion intégrée des recettes (GIR) pour intégrer les éléments de liquidation de l'assiette et offrir aux citoyens, dans un horizon proche, des services complètement dématérialisés à travers les procédures de télé déclaration et de télépaiement pour ces deux taxes. Cette disposition et bien d'autres menées que ce soit par la TGR ou la DGI pourraient, si elles sont menées à bon escient, améliorer le rendement fiscal des CL. Mais il ne faut pas non plus négliger la dimension importante relative au contexte politique qui prévaut. Disposant généralement d'une vision étroite du système fiscal local, les élus locaux se contentent le plus souvent à défendre ardemment leurs intérêts électoraux. Une bonne gouvernance fiscale ne leur apparaît pas comme une priorité. En particulier si elle pourrait leur faire perdre certains privilèges ou avantages.