La fiscalité locale a pendant longtemps été considérée comme un résidu de la fiscalité d'Etat. Certains considèrent que l'Etat s'arroge les impôts les plus rentables au détriment des collectivités locales. D'autres voix se lèvent pour faire observer que le succès du projet de régionalisation avancée serait mieux garanti si tout le potentiel fiscal des collectivités locales était mis à profit. Les récentes Assises nationales sur la fiscalité avaient mis en lumière les réformes urgentes à adopter pour un système fiscal rentable et juste. Dans ce contexte, il relevait de l'ordre naturel des choses de poser de manière corrélative un diagnostic sur la fiscalité locale régie par la loi No47-06, car le développement local revêt une importance capitale pour l'émergence du pays. Par ailleurs, il est incontestable que la contribution des impôts locaux dans les recettes des collectivités locales est un marqueur édifiant pour apprécier l'autonomie de ces dernières. Au Maroc, les impôts et taxes gérés directement par les collectivités locales (CL) représentent près de 38% des recettes des impôts locaux et ceux gérés par l'Etat pour leur compte représentent 62%. D'après la TGR, les impôts locaux en 2009, ont représenté près de 6,97 Mds de DH, soit 22% de l'ensemble des recettes. Tandis que les ressources transférées (1% IS-IR, et 30% TVA) aux CL par l'Etat représentent 51% de leurs recettes (16 Mds de DH). Partant, on constate une nette prédominance des ressources transférées qui constituent l'essentiel des ressources du budget des CL. Mais la récurrente question de l'autonomie de ces entités qui se pose dans le pays est exacerbée par un contexte de raréfaction des ressources. Les recettes des CL liées à l'emprunt ne représentent que 5,61%. Dans ce sillage, rappelons que le Fonds d'quipement communal (FEC) est le seul organisme habilité à consentir des prêts à destination des CL. Ce monopole est d'ailleurs fustigé par certains qui estiment qu'il limite la capacité d'endettement au niveau local. En 2009, les recettes totales des CL étaient estimées à 47,9 Mds de DH, ce qui représente 25% des recettes de l'Etat. Et celles hors emprunts et excédents ne représentaient que 15% des recettes de l'Etat. Ce qui reste faible par comparaison avec l'Espagne où les recettes des CL représentaient déjà 50% des recettes de l'Etat en 2005 et 33% en Italie. A cela s'ajoute la forte disparité, comme en témoignent les 49% des recettes des CL provenant des communes urbaines, contre seulement 25% venant des communes rurales. Le dernier rapport du projet de régionalisation fait un constat clair qui est celui des recettes limitées des CL. L'inefficacité de la fiscalité locale La loi 47-06 relative à la fiscalité locale avait vu le jour dans l'optique de doter les collectivités de plus de ressources et de promouvoir l'équité territoriale grâce à une bonne répartition du produit des impôts et des taxes. Toutefois, on constate que le bilan reste mitigé. Des disparités notoires persistent toujours. Une ville comme Casablanca a eu près de 4 Mds de DH de recettes en 2009, contre seulement 416 millions de DH pour Laayoune, par exemple. Certains attribuent le manque de dynamisme de la fiscalité locale à des impôts et taxes pléthoriques dont la gestion dépasse la capacité d'organisation des CL, ce qui empêche toute efficacité fiscale. La question de la rentabilité de la fiscalité locale soulève aussi les problématiques relatives aux multiples exonérations. Beaucoup se demandent si les cinq années d'exonération au titre de la taxe professionnelle ne sont pas excessives. Ces interrogations valent aussi pour certains établissements (CDG, BAM...) dont la capacité financière est considérable et qui pourtant, sont exonérés. Relevons que les CL sont dépourvues d'un pouvoir autonome leur permettant de créer de nouveaux impôts, car telle initiative relève exclusivement du ressort du pouvoir législatif. En revanche, elles peuvent fixer les tarifs des impôts et des taxes déjà mis en place. Cette liberté pousse certaines d'entre elles à poursuivre un objectif financier à outrance au mépris de la capacité contributive, ce qui provoque l'évasion ou la fraude fiscale. La gestion de la fiscalité locale se caractérise aussi par un mille-feuille administratif qui multiplie les pôles de décision et d'intervenants (Etat, communautés urbaines, provinces, ministères, etc.) pour une même assiette. Ce qui explique l'accumulation des restes à recouvrer, étant donné le manque d'intérêt qu'affichent ceux qui gèrent pour le compte d'un tiers. Quelques axes d'amélioration Il y a urgence d'améliorer le potentiel fiscal des CL et d'accroître la rentabilité fiscale pour que l'ambitieux projet de régionalisation avancée puisse tenir toutes ses promesses. La dernière étude, remontant à 2008 et portant sur Casablanca, montre que les ressources provenant de la taxe d'habitation et de celles des services communaux pourraient doubler si les valeurs locatives étaient réactualisées. La taxe professionnelle de la grande métropole recèle un potentiel d'au moins 50% de plus. Si Casablanca exploitait son potentiel, son gain global (entre 2009 et 2014) serait de 8,51 Mds de DH, soit 90% des ressources propres des CL en 2009, ce qui est considérable. La problématique de l'excédent budgétaire des CL (19 Mds de DH) doit être résorbée à l'heure où les déficits en services publics sont considérables dans certaines communes. Loin de traduire une aisance financière, ces excédents correspondent à des reports d'une année à l'autre des crédits d'investissement déjà engagés. Le coût d'endettement des CL reste aussi élevé et les règles prudentielles établies par le FEC restent draconiennes, selon certains (ratio d'endettement inférieur à 40%, entre autres critères). La régionalisation induira certainement de nouveaux transferts de responsabilités économique et sociale, ce qui nécessite une rétrocession plus importante du produit de certains impôts d'Etat aux CL. Des spécialistes mettent aussi le doigt sur la problématique de la superposition des taxes ou d'impôts sur une même matière imposable, ce qui provoque indubitablement l'effritement de cette dernière. Enfin, la diversité des structures économique et sociale, combinée à l'importance de la matière imposable, génèrent des inégalités de richesses entre les CL. A ce titre, les futures réformes de la fiscalité locale doivent avoir pour but de corriger ces inégalités naturelles et, surtout, de garantir la rentabilité des impositions locales, car le potentiel fiscal de ces entités locales reste sous-évalué et les besoins en services publics ne cessent de croître.