La loi 71-17 portant modification de la loi 88-13 relative à la presse et à l'édition a suscité un grand débat ces derniers jours. Est-elle entrée en vigueur le 1 septembre comme convenu ? Réponse avec Maître Omar Bendjelloun, Avocat au Maroc et en France, Docteur en droit international du développement de Nice Sophia Antipolis, acteur politique marocain. EcoActu.ma : La loi 71-17 portant modification de la loi 88-13 relative à la presse et à l'édition suscite plusieurs interrogations. Est-elle réellement entrée en vigueur le 1 septembre comme prévu ? Omar Bendjelloun : Une loi n'entre en vigueur qu'après publication au bulletin officiel. Il y a eu un débat entre les pouvoirs exécutifs et législatifs qui va établir un agenda pour qu'elle soit publiée car l'enjeu est important en termes de fonctionnement institutionnel et de la restauration de la confiance via un pilier de la démocratie qu'est la presse et l'information. Concrètement quels sont les ajustements apportés à ce texte de loi ? La régulation du quatrième pouvoir est nécessaire car lui-même, étant un pouvoir d'influence, il participe à l'équilibre entre les différents pouvoirs d'injonction. Les conditions d'exercice relatives à la diplomation et la déontologie, la différenciation entre délits de presse et délits de droit commun quant à l'immunité pénale du journaliste, l'accès à l'information comme garantie constitutionnelle ou encore le distinguo entre la publication scientifique et de presse sont les maîtres mots de cette réforme. L'évaluation de sa conformité avec les canons des libertés publiques ou son caractère liberticide est un autre débat qui demeure important. Qui sont concernés par cette loi et quelles sont les sanctions infligées en cas de diffamation ? Les journalistes de presse, de l'audiovisuel ou de l'édition électronique, dotés d'une identification officielle sont couverts par ce régime juridique. En cas de diffamation, à savoir porter atteinte à la réputation d'autrui, par des allégations mensongères, est condamnable par le code pénal de peines privatives de libertés et d'amendes. Le code de la presse sera en mesure de protéger le journaliste si les éléments matériels de l'information publiée sont avérés, tangibles et disponibles. La mission de la presse est de présenter tout type d'information concernant l'opinion publique, d'où le distinguo entre la personnalité publique ou privée, l'institution publique ou privée en lien avec l'intérêt général ou non. Les frontières sont fines et le rôle des magistrats, avocats et doctrinaires d'en établir les contours dans le cadre de la construction de l'état de droit. Cette loi n'est-elle pas de nature à brider la liberté d'expression de la presse ? La calomnie ou la violation du droit à l'oubli ou encore l'acharnement et la récurrence peuvent paraître d'ordre criminel quand il s'agit de porter atteinte à l'honneur d'un homme ou d'une femme ou à déstabiliser un secret d'Etat lorsqu'on se met tous d'accord sur le contenu et les définitions de ces différentes notions. Quand l'information a pour vocation d'éclairer l'opinion publique sur une question d'intérêt général, il est indispensable de la protéger ainsi que celui qui la traite et la diffuse par la loi et les garanties institutionnelles. Quand le processus de diplomation et de déontologie est là, il est clair que le risque d'abuser de la liberté d'expression par les praticiens de l'information est minimisé. C'est un risque à prendre par le politique qui doit donner l'exemple en termes de confiance sachant que les gardes fous se trouvent parmi les entrailles de l'ordonnancement juridique.