Le bruit au travail est une nuisance majeure. Tous les secteurs sont concernés, tertiaire compris. Les conséquences humaines et économiques d'un tel état de fait sont effarantes. Les plus récentes statistiques mondiales placent la surdité en tête des maladies professionnelles puisqu'elle représente une maladie professionnelle déclarée sur quatre. Mais les effets du bruit au travail ne se limitent pas à cette seule surdité progressive et irréversible. Elle se traduit aussi par d'autres altérations graves dont les sujets ne se rendent compte que tardivement : stress, maladies digestives et cardio-vasculaires, troubles du sommeil et du comportement, etc. Le travail lui-même en pâtît : difficulté de communication, d'apprentissage, absentéisme, etc. Afin de préserver la santé des employés, l'arsenal juridique a été notablement renforcé depuis 2008, un corpus de textes en vigueur en conformité avec les normes techniques internationales mais dont l'application, sur le terrain, laisse à désirer. Nombreux sont les victimes et les scènes auxquelles nous assistons dans la rue qui témoignent de leur souffrance devant un traumatisme sonore et de leurs difficultés quotidiennes au travail. La démarche réglementaire pour traiter ce risque C'est l'arrêté du ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle n° 93-08 du 12 mai 2008, fixant les mesures d'application générales et particulières relatives aux principes énoncés par les articles de 281 à 291 du code du travail et notamment la section III – « Prévention contre les risques résultant du bruit »-, qui énonce les exigences réglementaires quant aux seuils d'exposition au bruit des travailleurs, ainsi que les moyens de protection et de prévention. Ainsi, le code du travail fait obligation à l'employeur d'identifier les salariés dont le niveau d'exposition sonore quotidienne dépasse 85 dB ou qui peuvent être soumis à une pression acoustique de crête supérieure à 135 dB. Cette identification doit être suivie d'un mesurage précis. A la suite de ce mesurage, les salariés soumis à ces contraintes doivent être formés et informés, avec l'aide du médecin du travail, aux risques encourus et aux moyens de prévention. Ils doivent disposer de moyens de protection individuelle (casques, bouchons d'oreille) et faire l'objet d'un suivi médical. «Lorsque l'exposition sonore quotidienne subie par un salarié dépasse le niveau de 85 dB ou lorsque la pression acoustique de crête dépasse 135 dB, l'employeur établit un programme de mesurage du bruit, ou il procède à l'organisation du travail pour réduire l'exposition au bruit» (Article 17 de l'arrêté précité). Enfin, l'article19 rappelle qu'un «salarié ne peut être affecté à des travaux comportant une exposition sonore quotidienne supérieure ou égale au niveau de 85 dB, que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d'aptitude établie par ce dernier, atteste qu'il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux». Les failles et réalités du terrain On peut regretter que cette démarche corrective et préventive des risques du bruit au travail ne soit pas étendue, à l'image de ce que prévoit le code français du travail dont s'est inspiré largement le législateur marocain, d'abord aux constructeurs de machines et d'équipements qui sont, selon ce code, tenus de réduire, en fonction de l'état des techniques, le bruit de leurs machines dès la conception. Ensuite, la même obligation s'impose aux concepteurs, constructeurs et aménageurs de bâtiments qui doivent concevoir leurs locaux de manière à réduire la réverbération du bruit sur les parois et à limiter la propagation du bruit vis-à-vis de l'extérieur et vers les autres locaux (isolation acoustique). En plus sur le terrain, plus de la moitié des travailleurs sont employés dans le secteur informel sans aucune protection sociale pour se faire soigner et en l'absence d'application réglementaire des normes de santé et de sécurité au travail. Si les services de médecine du travail qui conseillent les employeurs sur l'amélioration des conditions de travail et le suivi de la santé des travailleurs couvrent la plupart des grandes entreprises, plus de 85% des travailleurs des petites entreprises, du secteur informel exposés aux risques de bruit au travail ne sont pas couverts par les services de médecine du travail. L'action de réduction et de prévention du bruit suppose donc un contrôle et un suivi dans le temps pour déceler, corriger et sévir, en cas de besoin, les dégradations liées au risque auditif en milieu de travail.