Le transport routier de marchandises peine à voir le bout du tunnel. Un deuxième contrat-programme, pour la période 2008-2010, serait en gestation. Le premier, pour 2003-2006, n'aura pas suffi à le mettre sur les rails. Les maux du secteur sont structurels… et la réforme continue. Près de cinq ans après la libéralisation du secteur du transport routier de marchandises, le bilan de la réforme, entamée en mars 2003, est plutôt mitigé. «Objectivement, nous ne notons que très peu d'améliorations réelles sur le marché de l'offre de services du transport de marchandises, en termes de diversité, de coût, de disponibilité, de fiabilité et de sécurité», constate Karim Ghallab, ministre de l'Equipement et du Transport, préfaçant un rapport d'évaluation de la réforme, récemment édité. Les maux dont souffre la profession sont légion. Grosso modo, le transport routier de marchandises demeure dominé par de petites entités (88% sont des entreprises individuelles, contre 11% de SARL) ne disposant, dans 85 % des cas, que d'un ou deux véhicules. Les efforts visant à rajeunir le parc des véhicules sont loin d'être concluants, alors que la profession est faiblement encadrée et manque de professionnalisme. Aussi, l'émergence d'opérateurs nationaux du TIR est toujours à espérer. «C'est un marché opaque, puisque dominé par l'informel et faiblement contrôlé. L'Etat-régulateur est presque absent. La domination des donneurs d'ordre et par conséquent l'avilissement des tarifs rendent l'informel plus attrayant. Bref, le secteur n'est pas en très bonne santé», résume un responsable au sein de la Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR). Encourager les entreprises à se regrouper est une hantise pour l'administration de tutelle. L'atomisation du secteur, héritée de l'ancien système, crée un rapport de force déséquilibré entre les chargeurs et les transporteurs, souvent au détriment de ces derniers. Se regrouper, comment ? Une prochaine étude très attendue Le vieillissement du parc des véhicules est aussi une réalité amère du secteur. «La vétusté du parc de transport routier au Maroc constitue l'une des contraintes réelles à la modernisation de ce secteur et à sa mise à niveau», souligne le rapport du ministère du Transport. En effet, plus de la moitié (55%) des véhicules de transport pour compte d'autrui a un âge supérieur à 10 ans, contre 43% pour compte propre. Autre constat : la part du parc des véhicules pour compte propre reste relativement élevée (25 735 véhicules sur un total de 56 587, soit 45%). Autrement dit, beaucoup d'opérateurs économiques préfèrent réaliser eux-mêmes leurs opérations de transport au moyen de véhicules leur appartenant. Ce qui est contraire à l'esprit de la réforme ! «L'émergence d'entreprises de transport structurées en mesure d'offrir des services répondant aux besoins des usagers en termes de sécurité, de disponibilité, de timing et de coût encouragera les industriels et les commerçants à externaliser l'activité annexe de transport auprès de ces entreprises », estiment les rédacteurs du rapport. Pour aider à l'émergence de ces entreprises structurées, l'Etat a institué, dans le cadre de la loi des Finances 2006, une prime de renouvellement du parc, à saisir avant 2008. Aucun transporteur n'en voulait. Pour cause: le montant de la prime a été jugé non attractif. L'actuelle loi des Finances a ainsi décidé de prolonger l'échéancier jusqu'au 31 décembre 2010 et d'augmenter le montant de la prime. «Le coût de cette opération est estimé à 170 millions de DH par an. La prime complémentaire est destinée à financer en partie le surcoût lié à l'acquisition de véhicules neufs (15 tonnes et plus) équipés en organes de sécurité réglementaire, estimés à 90.000 de DH », prévoit la loi des Finances 2008. L'obligation pour les véhicules de s'équiper en dispositif de sécurité (chronoachygraphe, limiteur de vitesse, ralentisseur, système ABS et pneus tubless) est toujours caution de la publication des arrêtés d'application du décret n° 2-04-748 du 17 janvier 2005. Faut-il rappeler que les camions sont impliqués dans plusieurs accidents mortels : 8,5 % de l'ensemble des tués et 10% de blessés graves, selon des statistiques de 2003. Pour restructurer le parc des camions, mais aussi et surtout pour lutter contre la surcharge, l'administration a imaginé une solution : relèvement du tonnage des véhicules de 8 tonnes de PTC, sur la base des propositions de modifications techniques (changement des pneumatiques, jantes de dimension supérieure, renforcement de la suspension, etc). Cette opération n'a pas non plus «donné les objectifs escomptés», puisque sur les 21 796 camions pouvant atteindre un PTC compris entre 8,5 et 14 t, seulement 3000 ont pu en bénéficié. «Les représentants de la profession réclament la généralisation de 14 t à l'ensemble des camions concernés par le relèvement du tonnage», lit-on dans le document du département du Transport. Chose accordée par le Gouvernement en juin 2007 dans le cadre du dialogue social avec les professionnels. Cette largesse n'était pas du tout du goût de la Fédération du Transport Routier, affiliée à la CGEM. A la Direction du transport routier, relevant du département du Transport, on estime que la réforme est un processus qui ne fait que commencer. «Les effets de cette réforme ne peuvent être concrètement perceptibles qu'à moyen et long termes». D'ici là, l'investissement étranger continuera d'accéder à un marché aujourd'hui libéralisé en créant des «sociétés marocaines de logistique», une activité dont le transport ne constitue qu'une partie. Une bonne idée : l'Observatoire national de transport routier Dans les axes de progrès préconisés, la mise en place d'un Observatoire national de transport routier figure en bonne place. La Fédération l'a retenu comme action prioritaire devant contribuer à la mise à niveau du secteur. L'étude de sa définition n'est pas encore lancée. Le financement de cette étude se fera dans le cadre de la liquidation de la Caisse de retour à vide, dont 13 millions de DH ont été alloués à la FNTR. A terme, l'Observatoire sera élargi à l'ensemble des moyens et modes de transport (aérien, maritime, ferroviaire, routier en urbain, sur-urbain et interurbain). Quid du TIR ? Plus de 90% de nos exportations par route se font par des camions TIR (Transport international routier) étrangers. La promotion de cette filière a besoin tout d'abord d'une étude, avant d'élaborer un cahier de charges spécifiant les conditions à satisfaire pour pouvoir exercer cette activité (véhicules, qualification professionnelle des chauffeurs, etc). «L'objectif étant de permettre l'émergence de leaders nationaux dans le domaine du TIR devant jouer le rôle de locomotive pour les autres opérateurs, notamment en ce qui concerne les transports spécialisés (frigorifiques, matières dangereuses et textiles)». Au cours de l'année 2006, 403 entreprises de TIR exploitant un parc global de 1246 véhicules ont bénéficié d'autorisations bilatérales, dont 357 entreprises de transport pour compte d'autrui.