C'est une question cruciale et hautement stratégique pour notre pays. Peut-on s'occuper de la sécurité de nos barrages ? Ce sont des infrastructures qui ont coûté des milliards de DH et qui n'ont malheureusement pas produit tous les effets attendus de leur mise en service. par Driss Al Andaloussi Notre gestion de l'eau stockée à coût d'investissements très lourds, n'est que partiellement efficiente. L'agriculture continue d'utiliser plus de 80 % du volume des eaux des barrages, au moment où l'industrie et les besoins des ménages utilisent le reste. Et pourtant, une grande partie de la population dans le monde rural et notamment dans les zones difficiles, conçoit la relation à l'eau comme étant une relation à un trésor dont la découverte relève du miracle. Des milliards d'investissements et une capacité de stockage moyenne Nous disposons de 139 grands barrages et d'un grand nombre de petits barrages et notre capacité de stockage est toujours moyenne (17,500 milliards de m3) et ne peut nous permettre d'échapper au stress hydrique. Notre dépendance à l'égard du climat est notoire et les efforts à faire en matière d'investissement dans les nouvelles techniques d'utilisation de l'eau sont énormes. Notre secteur agricole est encore sous équipé en techniques modernes d'irrigation. Les superficies équipées en systèmes de goutte à goutte sont encore modestes et une nouvelle étape plus volontariste doit être entamée dans le cadre du Plan Maroc vert. Un barrage est une retenue d'eau sous forme d'une infrastructure énorme comprenant essentiellement un mur gigantesque et des galeries de déviation des eaux et parfois de turbines générant l'énergie. Les dangers qui guettent tous les barrages et surtout les plus grands d'entre eux, sont les fissurations qui peuvent toucher leurs structures et la baisse constante de leur capacité en raison des flux forts qui accélèrent les processus d'envasement. L'éclatement des structures constitue un risque réel pour les populations vivant à l'aval des barrages et pour toutes les autres infrastructures. L'entretien des structures et les opérations, souvent coûteuses, de désenvasement sont le talent d'Achille de la gestion de ces infrastructures hydrauliques. Le Maroc continuera à investir dans la construction des barrages pour augmenter les capacités de stockage. Cet effort portera le nombre à 170 grands barrages à l'horizon 2030, soit une trentaine de plus. Le talent d'Achille : la maintenance Assurer l'entretien et la maintenance des barrages exige un diagnostic permanent et notamment, lors de périodes de remplissages. La mise en place des budgets doit prendre en compte les éléments de la cartographie des risques qui doit être actualisée en permanence. Les chiffres que nous avons pu obtenir auprès des responsables du département de la ministre Charafat Afilal, ne peuvent qu'inquiéter ceux qui connaissent les risques d'un barrage qui n'est pas entretenu selon les règles de l'art. Le budget annuel alloué à cette gigantesque tâche ne dépasse pas 140 millions de DH. Ce montant englobe les transferts aux agences des bassins (environ 40 millions de DH). Selon les normes fixées par les organismes internationaux, la maintenance annuelle nécessite des dépenses qui doivent atteindre au moins 1% du coût actualisé d'un barrage. Au Maroc, cet indicateur est loin d'être atteint. L'entretien des 55 grands barrages, dont le coût actualisé a été estimé à 36 milliards de DH (estimation 2012), nécessite un budget d'au moins 360 millions de DH. Si on ajoute les 95 autres barrages de taille moins importante, le montant serait d'au moins 500 millions de DH. Le danger est donc réel au moment où notre pays vient de passer par une année qui a été marquée par une double portée hydraulique. Une négative et dévastatrice avec les inondations qui ont illustré notre faiblesse devant les colères de la nature et une positive avec les apports de la pluviométrie à notre agriculture et à nos stocks en eau dans nos barrages. Le ministère est conscient de la situation des barrages et surtout du risque qu'ils «font peser sur les populations et les infrastructures...la rupture d'un barrage ou un défaut de fonctionnement, peuvent avoir des conséquences considérables». Adopter les standards internationaux est une urgence mais doit, selon les responsables de ce secteur, être traitée dans le cadre d'un système juridique et institutionnel clair et déterminant les responsabilités et les actions à mener. Le regard critique porté sur la gestion des barrages, fait état d'un diagnostic réaliste qui permet de constater que : « -Le patrimoine des barrages devient de plus en plus important et vieillissant, -L'optimisation des moyens humains et matériels et la priorisation des opérations deviennent une nécessité permanente, -La décentralisation de la réalisation et de la maintenance des barrages, imposent la mise en place de règles communes. »