Un système d'information pour le traitement des dossiers de couverture médicale à 36 MDH est à l'origine de la guerre virtuelle qui opposent la CNOPS et la mutuelle générale du personnel des administrations publiques. Explications. Le système de santé au Maroc offre un paysage archaïque à l'image des institutions qui l'animent. La longue pile de dossiers et les files d'attente qui n'en finissent pas sont caractéristiques des maux des citoyens. Pourtant, c'est une guerre d'un autre genre qui oppose la CNOPS (Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale), qui est l'alter ego de la CNSS, aux mutuelles de la fonction publique. Une guerre virtuelle au sujet de l'intégration des nouvelles technologies pour venir à bout du traitement des dossiers des adhérents. Des dossiers qui étaient nombreux et que l'arrivée de l'AMO a rendus encore plus nombreux. Loin des clanismes syndical et politique qui occupent l'essentiel du champ médiatique des mutuelles de la fonction publique, c'est une course à la virtualisation qui oppose la CNOPS aux mutuelles. L'enjeu paraît même ridicule au regard des sommes manipulées par ses organismes : le système d'information qui permet de traiter les dossiers de couverture médicale et leurs remboursements. Bien avant que l'AMO n'impose la suprématie de la CNOPS aux mutuelles, certaines avaient entamé un virage dans la délivrance de leurs services. Elles s'étaient équipées de progiciels taillés sur mesure pour optimiser le temps de traitement des dossiers de maladie et pour parer à la fraude qui est monnaie courante. La plupart de ces progiciels devaient, selon la terminologie utilisée, assurer une seule saisie des demandes de remboursement et automatiser la gestion de la population des adhérents, des praticiens de santé et des médicaments. Soit, une affaire de base de données qui permet de fiabiliser le circuit de remboursement et de le rendre transparent. Jusque-là, rien de méchant. Un appel d'offres international En 2005 donc, plusieurs mutuelles avaient pour habitude de traiter les dossiers de maladie, de bloquer les dossiers frauduleux ou supposés l'être et de ne filtrer à la CNOPS qu'un état de remboursement assaini pour que celle-ci procède à sa liquidation (règlement). Résultat: la caisse croulait sous le nombre de dossiers et prenait du retard par rapport aux mutuelles. Elle décide alors de s'équiper et lance un appel d'offres international pour l'acquisition d'un progiciel adéquat. La consultation est laborieuse et n'attire que deux SSII : Soltim et Wormitec, la première est française, la seconde marocaine. Le marché est octroyé à Soltim (actuellement Cegedim) pour la coquette somme de 28 millions de DH hors taxes et hors droits de douane. Esquif, le système de Soltim, est présenté comme révolutionnaire et parfaitement adapté aux besoins de la CNOPS, mais le prix fait jaser les mutuelles qui, pour s'équiper, n'ont eu à dépenser que le quart du coût d'Esquif. Ce système pose alors problème aux mutuelles, dans ce sens où elles sont obligées d'abandonner le leur et de travailler sur l'interface du système de la CNOPS, qui ne leur permettait pas de faire le suivi et de répondre aux réclamations de leurs adhérents, comme l'explique Moulay Abderrahmane Tamimi, ex-conseiller de la MGPAP (Mutuelle Générale du Personnel des Administrations Publiques), et qui continue à parler au nom de la plus grande mutuelle publique grâce à un contrat le liant à l'organisme. Cet ex-conseiller affirme que l'origine de cette affaire est un système d'information acquis par la CNOPS au prix fort et que le système AS-400 d'IBM est révolu. Il ajoute que le système de saisie n'opère aucun contrôle sur les éléments des feuilles de maladie, et qu'il n'y a pas de référentiel (actes médicaux, chirurgicaux et tarifs des médicaments) pour vérifier les informations. Pour corroborer ses dires, il évoque un cas d'adhérent remboursé à 650 DH, et qui s'est vu virer un montant de 650.000 DH sans aucun contrôle sur son compte. Contactés par Challenge Hebdo, les responsables de la CNOPS réfutent ces allégations et affirment que le système Esquif a été choisi par la CNSS. Selon eux, l'interface de communication entre l'organisme et les mutuelles existe, sachant que des réunions régulières se tiennent à cet effet. Au-delà de son aspect économique, cette affaire a pris aujourd'hui une tournure politicienne. Seul un audit peut tirer l'affaire au clair.