Les professionnels de la pharmacie d'officine se plaignent de l'abrogation de leur statut particulier en matière fiscale. En effet, depuis janvier, ils ont perdu leur dérogation par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée. Cela met en péril leur rentabilité en rognant sur leurs marges… La loi de finances 2009 a amené dans son giron un changement de cadre fiscal pour les pharmacies d'officine. Désormais, elles sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Les pharmacies d'officine sont donc déchues de leur statut particulier. En terme pratique, c'est une abrogation de dérogation qui a eu lieu. Cette dernière, qui avait cours jusqu'au 1er janvier, permettait aux pharmaciens de ne pas payer de TVA même si leur chiffre d'affaires dépassait les 2 millions de dirhams. Ce n'est donc plus le cas, et elles doivent dorénavant s'en acquitter comme tous les autres commerces. Pour cadrer les choses, Mehdi Toumi, fiscaliste, nous explique le cadre réglementant la TVA. «Les importateurs et les exportateurs y sont d'office assujettis. Pour ce qui est des commerçants, dont les transactions restent dans le cadre du territoire national, il faut que leur chiffre d'affaires dépasse les 2 millions de dirhams». Pour cette dernière catégorie justement, les pharmaciens et les médecins avaient un statut dérogatoire. Plus maintenant. «Ils devront désormais s'en acquitter en amont pour ensuite la récupérer en aval», étaye Mehdi Toumi. Ainsi, comme le veut la logique de cette taxe, c'est le client final qui la supporte in fine. Mais en quoi cela impacte-t-il le business des pharmacies, puisqu'elles ne font que collecter une taxe pour l'état ? «La marge des pharmacies d'officine subit une déperdition de par cette abrogation de dérogation», argue Anouar Fennich, président de la fédération des syndicats des pharmaciens. Abrogation de la dérogation En effet, la marge des pharmaciens est définie par le ministère de tutelle et elle est établie à 30%. Le ministère de la Santé définit aussi le prix public marché. Les pharmaciens sont donc pris entre deux feux. D'une part, les prix sont définis par l'état, à travers le ministère de la Santé, et d'autre part, l'Etat l'assujettit à la TVA, à travers la direction des impôts. «Le changement qui concerne la TVA sur les pharmacies, inclu dans la loi de finance 2009, est en contradiction avec l'arrêté qui instituait la dérogation en cours jusque-là», affirme Anouar Fennich. Mais, plus que la contradiction, le représentant des pharmaciens déplore l'absence de concertation en la matière. «Cette décision respecte un seul angle, celui des impôts, qui n'a pas cherché à se concerter avec le ministère de la Santé», renchérît-il. L'argument est tangible, car sans verser dans un quelconque poujadisme, il faut respecter la logique économique et professionnelle. L'Etat a besoin de ressources mais les professionnels de la pharmacie regrettent que cela se fasse aux dépens d'un secteur qui regroupe pas moins de 20 000 emplois directs. Les professionnels du secteur se plaignent d'une crise dans celui-ci. On note même quelques cas de difficultés graves. «Cette abrogation va indubitablement perturber la pharmacie d'officine et freiner les projets d'investissement, car cela rogne sur leurs marges étriquées», se plaint le président de la fédération. Les pharmacies d'officine sont des petites entreprises qui peuvent être déséquilibrées par une telle mesure. La pharmacie est une entreprise qui évolue dans un contexte spécifique où elle offre la possibilité aux citoyens de trouver les remèdes à tous les coins de rue. Dans ce sens, elles accomplissent une mission citoyenne. Tout n‘est certes pas rose dans le secteur. Puisque quelques pharmacies sont tentées de ne pas déclarer l'ensemble de leur chiffre d'affaires, surtout en ce qui concerne les chiffres du para pharmaceutique. Mais le changement de cadre fiscal ne les y poussera que davantage pour ne pas dépasser les 2 millions de chiffre d'affaires. Outre l'impact sur la marge, un autre effet néfaste est à prévoir. «Cette mesure va alourdir la comptabilité des petites entreprises que nous sommes», affirme Anouar Fennich. Les pharmacies auront donc des frais supplémentaires à supporter pour tenir leur comptabilité et adapter leur gestion. Il faudra absolument avoir davantage recours à des spécialistes. Les syndicats des pharmaciens se défendent d'être un secteur auto géré qui, à ce titre, évite bien des soucis aux autorités. Le secteur de la santé est crucial pour le développement humain du royaume. Il faut donc œuvrer dans le sens de son développement et inclure ses fourmis ouvrières dans les débats qui le touchent. C'est à ce prix qu'il pourra tenir sur des bases solides et offrir un service complet aux citoyens. La réflexion doit donc s'inscrire dans une logique globale qui comprend aussi bien l'aspect citoyen que viabilité économique. Une fiscalité alourdie Ce que reproche donc le corps des pharmaciens, c'est surtout le manque de concertation et de coordination dont ont fait preuve les autorités sur cette question. D'ailleurs, «dès que le débat a été ouvert sur le sujet au parlement, nous sommes entrés en contact avec notre ministère de tutelle qui nous a informés qu'il n'était pas au courant», s'exalte le représentant des pharmaciens. C'était donc une initiative unilatérale qui n'a pas joint le principal intéressé au débat. Pour revenir à la chronologie, après le ministère de la Santé, les pharmaciens ont essayé de rentrer en contact avec la commission des finances mais c'était peine perdue. «Tout était déjà bouclé», déplore Anouar Fennich. La pharmacie d'officine s'est donc retrouvée devant le fait accompli. Cependant, au niveau de la fédération, on se défend de tout défaitisme et les contacts sont en cours avec la division des impôts au sein du ministère des Finances. Ils ont bon espoir qu'à travers la discussion et la concertation avec toutes les parties prenantes de ce dossier, les choses évoluent dans le bon sens. Le but n'est pas d'alourdir le budget des ménages marocains mais de trouver une solution adéquate. Car si le cadre fiscal a changé, le prix public lui n'a pas évolué. Le ministère de la Santé et l'exécutif se refusent à y toucher, car par les temps qui courent, augmenter les prix des médicaments est une pilule que le citoyen aurait du mal à avaler. Mais à quel prix ? Selon les professionnels du secteur, il en va de leur viabilité à terme. Le mécanisme de la TVA La taxe sur la valeur ajoutée, communément appelée TVA, est comme son nom l'indique un impôt collecté par l'état sur les opérations commerciales. Le principe est simple, le commerçant achète la marchandise auprès de son fournisseur avec un prix total qui inclut cette taxe. C'est le fameux TTC, toutes taxes comprises. Pour ensuite l'impacter sur son propre prix de vente qu'il applique à son client et ainsi de suite jusqu'au client final. En d'autres termes, cette opération consiste pour chaque maillon de la chaîne de valeur à s'acquitter de la TVA en amont, à son fournisseur, et de la récupérer en aval, auprès de son client. Au final, c'est le dernier maillon de la chaîne qui la paye. Les importateurs et exportateurs sont assujettis d'office au mécanisme de la TVA. Mais pour ce qui est des opérateurs dont l'activité ne dépasse pas les frontières du royaume, la législation fiscale fait une différenciation par le volume du chiffre d'affaires. Les petites entités, détaillantes, dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les 2 millions de dirhams, ne sont pas concernées par ce mécanisme. Ce n'est qu'une fois ce seuil d'éligibilité de la taxe franchi que l'on rentre au même titre que les autres dans le mécanisme TVA. Toutefois, un arrêté donnait une dérogation spéciale aux pharmaciens. Ce n'est désormais plus le cas, les pharmacies d'officine sont déchues de leur statut fiscal particulier.