En cinq ans, Taoufik Bouachrine a participé à la création de trois journaux. Le dernier en date est un quotidien généraliste qui «vise l'élite». Beaucoup de rumeurs circulent sur la composition de son tour de table, citant notamment El Himma comme actionnaire de référence. Challenge Hebdo : on dit qu'El Himma est le principal actionnaire de Média 21, société éditrice d'Akhbar Alyoum… Taoufik Bouachrine : plusieurs personnes m'ont posé cette question. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Fouad Ali El Himma a ses propres projets, j'ai les miens et je n'ai pas de relation particulière avec lui. Nos contacts peuvent se résumer à trois ou quatre rencontres en public. Comme beaucoup de journalistes, je critique sa façon de faire, le PAM et son fonctionnement. Mes articles en attestent. C. H. : quelle est donc la composition du tour de table ? T. B. : les actionnaires sont les journalistes d'Akhbar Alyoum et Lahcen Haddad, un professeur universitaire à la faculté des lettres de Rabat. J'ai l'intime conviction que les journalistes doivent être des actionnaires dans l'organe de presse où ils travaillent. Cela les motive et leur donne à coup sûr du punch pour aller de l'avant. Un « moul chekkara » n'a rien à voir avec ce métier et ne peut pas comprendre les mécanismes et les priorités d'une entreprise pas comme les autres. C. H. : mais ces journalistes n'ont que de très petites parts dans le capital. Un simple coup marketing ? T. B. : les journalistes ne sont pas des hommes d'affaires et n'ont pas les moyens d'avoir des participations conséquentes dans le capital. Leur offrir la possibilité d'être actionnaires, ne serait-ce qu'à titre symbolique, est un engagement moral et professionnel plus que matériel envers eux. C. H. : disons alors qu'il s'agit d'une carte pour débaucher les journalistes d'Al Massae ? T. B. : je n'ai débauché personne. Une partie des journalistes m'a rejoint spontanément. C'était leur choix. Je n'ai signé de contrats avec eux qu'après qu'ils aient déposé leur démission et qu'elle ait été retenue. C. H. : quels sont vos rapports avec Rachid Nini après le divorce? T. B. : nous sommes des confrères. Il faut laisser le temps au temps. Peut-être finira-t-il par reconstituer ce qui a été brisé entre nous. C. H. : vous visez une moyenne de 35.000 ventes par jour à la fin 2009. C'est modeste par rapport à ce que fait Al Massae ? T. B. : je ne me compare à personne. Je pars du principe que le Maroc a un petit lectorat et qu'Akhbar Alyoum ne cible pas la masse mais une certaine élite. C'est un choix de marché qui conditionne par ricochet le tirage et les ventes. C. H. : à quand une version française d'Akhbar Alyoum ? T. B. : pour le moment, ce projet n'est pas à l'ordre du jour. Nous travaillons par contre sur un projet de radio d'informations muli-régionale que nous comptons soumettre à la Haca dans le cadre des prochains appels d'offres. C. H. : une imprimerie ? T. B. : non ! C'est un projet très capitalistique. Ce n'est pas justifié dans notre cas, puisqu'on a un tirage de 40.000 exemplaires. En plus, il faut de gros investisseurs pour ce genre de projets (rires). C. H. : peut-être le prince rouge. Votre amitié est de notoriété publique… T. B. : sincèrement, je n'ai pas la prétention de créer une imprimerie. Pour ce qui est de Moulay Hicham, notre premier contact date d'une dizaine d'années. C'était au Kosovo. Et depuis, nous sommes de bons amis. Les Nations Unies avaient organisé un voyage de presse au profit des journalistes du monde arabe. Je travaillais à l'époque à la Gazette du Maroc et c'est ainsi que j'ai eu l'occasion de le voir et de discuter longuement avec lui. Mais pour ne pas mélanger les choses, je n'ai plus jamais écrit sur lui. C. H. : certains défenseurs des libertés d'expression vous reprochent d'avoir accepté l'invitation du roi d'Arabie saoudite, un pays où ces libertés ne sont pas reconnues, et d'avoir écrit positivement sur lui… T. B. : chaque année, le roi d'Arabie saoudite invite une centaine de journalistes marocains, via l'Ambassade, à effectuer la Omra. L'année dernière, je suis parti comme n'importe quel journaliste. Je n'ai rencontré aucun responsable saoudien et je n'ai eu aucun contact direct avec le roi. J'ai été accueilli dans une résidence avec des princes, dont des Marocains, et de retour au Maroc, j'ai écrit sur le voyage sans jeter de fleurs à quiconque. Je suis un journaliste. Je ne suis pas un militant et je suis contre les prises de positions radicales qui prônent le boycott, car cela freine le travail d'un journaliste.