TROIS DÉCENNIES APRÈS LA CRÉATION DE SAPRESS PAR L'EX-DIRECTEUR COMMERCIAL DE SOCHEPRESS, MOHAMED BERRADA, VOILÀ QUE SON EX-DIRECTEUR COMMERCIAL REPRODUIT LE MÊME SCÉNARIO EN CRÉANT AL WASIT PRESS SARL. Dans sa démarche de création du nouvel acteur de la scène de la distribution de la presse,Younès Yamouni n'était pas seul. Des actionnaires du groupe média Al Massae, comme Taoufiq Bouachrine et d'autres n'appartenant pas au monde de la presse, ont constitué le tour de table du troisième opérateur qui a mis fin au monopole qu'exerçaient les deux géants du secteur, Sochepress et Sapress. «Beaucoup d'éditeurs nous ont fait confiance», confie-til. A commencer par les éditeurs des titres du groupe Al Massae. La société décroche en effet son premier marché. Elle s'attribue l'exclusivité de distribution des 3 titres du groupe (Al Massae, Le Soir et le magasine Nejma). Et elle démarre ses activités à la veille de l'Aïd. « Avec ces 3 titres, nous avons une part de marché de 30% et nous comptons atteindre les 40% dans six mois», déclare Younès Yamouni, l'ai confiant et sûr de lui.«Nous allons distribuer deux autres titres prochainement», ajoute-t-il. Et cette confiance des éditeurs qui croît de jour en jour s'explique par la gestion de la société. Les enjeux pour Younès Yamouni sont clairs: montrer quel est le vrai potentiel du titre, et apporter un meilleur service en accompagnant les revendeurs même dans des régions éloignées,là où la concurrence n'est pas présente comme Tiznit ou Taroudant. Mais il ne faut pas croire que la société déploie sa propre plateforme logistique. Elle loue des camions dédiés auprès de la CTM. « Nous jouons sur la flexibilité. Ce réseau disponible nous permet de livrer dans les délais». Al Wasit ratisse large. Sa couverture géographique étendue et sa politique d'accompagnement des revendeurs ont commencé déjà, après une semaine d'activité, à porter leurs fruits.43 CHALLENGE HEBDO Du samedi 11 au vendredi 17 octobre 2008 presse nationale. En jouant notamment sur la proximité avec les lecteurs. « Pour expliquer les faibles taux de lecture au Maroc, on a toujours avancé le phénomène de l'analphabétisme. Mais il faut compter également sur l'absence d'une politique de proximité qui se rapproche du lecteur et qui va le servir là où il est. Nous avons déjà fait l'expérience et les résultats confirment notre thèse», éclaircit Younès Yamouni. Il compte beaucoup sur le plus que peuvent apporter ses livreurs qui ont un Bac+2, Bac+4. «Ce sont des livreurs en même temps que des facteurs». Aussi, il a sacrifié 1 point à la commission des kiosquiers et 2 points aux éditeurs. « Mais cela n'a jamais été un argument de vente », souligne- t-il. « Les éditeurs des titres du groupe Al Massae sont en quête d'une nouvelle carte de distribution moderne et d'une fiabilité des chiffres de vente, ce qui explique leur divorce d'avec Sapress », explique Younès Yamouni. C'est dire tout bonnement que ces mêmes éditeurs et d'autres ont trouvé satisfaction dans le nouveau-né du secteur. Quittant Sapress, les éditeurs du groupe Al Massae placent automatiquement leur argent et leur confiance dans Al Wasit Press. «Ce qui ne manquera pas d'irriter Mohamed Berrada, le patron de Sapress», selon un observateur averti. « D'abord, son concurrent n'est autre que son ex-collaborateur, et puis, ce dernier lui a enlevé un marché important. Les ventes du journal Al Massae représentent près de la moitié de la presse quotidienne. Le groupe Maroc Soir, qui distribuait tout seul ses titres, avait choisi Sochepress. Mais ce n'est pas à comparer avec le manque à gagner de Sapress qui perd le marché Al Massae», renchérit-il. A en croire le directeur général d'Al Wasit Press, Sapress mène dès le premier jour une guerre contre le nouvel « intrus ». « Notre démarrage a été rendu encore plus difficilepar le comportement de Sapress. Elle interdit aux kiosquiers de vendre Al Massae et va jusqu'à les menacer de ne plus leur livrer les autres titres de la presse nationale. En sus de cela, elle a interdit la vente d'Al Massae dans les kiosques de sa filiale PromoPress alors que son cahier de charges stipule que ses kiosques doivent vendre toute la presse sans distinction. C'est de la concurrence déloyale», accuse Younès Yamouni. Allégations reniées en bloc Contacté par Challenge hebdo, Mohamed Berrada a renié en bloc ces allégations. «Nous n'avons jamais incité les kiosquiers à vendre un titre, que ce soit Al Massae ou autre. Encore moins dans les kiosques appartenant à PromoPress». Approchée à son tour, la responsable de la société PromoPress (filiale de Sapress), Dalila Lahlou, a confirmé les propos du patron de Sapress. «Nous n'avons jamais reçu aucune demande officielle de la part de la société Al Wasit». Avec ce chassé-croisé d'allégations, le recours à l'arbitrage d'une fédération ou d'une représentation professionnelle demeure l'unique solution. Encore fautil qu'une telle représentation existe. «J'ai discuté avec les responsables de Sochepress sur l'éventualité de créer une fédération des distributeurs de la presse », déclare le patron du 3ème opérateur. Pour Thierry Sabouret, président du directoire de Sochepress, la proposition de Younès Yamouni est intéressante. «Nous avons partagé les ambitions de créer une commission au sein de la CGEM qui s'intéresse à la profession». Pour le patron de l'opérateur historique du secteur de la distribution, Al Wasit ne représente pas une source d'inquiétude à court terme.Selon lui, actuellement, le marché est partagé entre une société qui doit fournir un effort de restructuration, une nouvelle société qui doit se structurer et une troisième (Sochepress) qui a achevé une réforme qui a duré 3 ans et qui est dans la meilleure des positions, car elle dispose d'un outil de travail adapté. «Nous adoptons une attitude de spectateur et nous gardons une position neutre face à un concurrent potentiel car nous sommes sûrs de nous», assure-t-il. Avec le temps, le nouvel acteur de la scène de la distribution finira par se faire accepter, d'autant plus qu'il est doté d'atouts innés comme sa propre force de vente des titres qui lui appartiennent. Après les hostilités, il y aura certainement une cohabitation difficile au début. Elle prendra fin avec le rythme de croisière du nouveau venu. ◆