Un projet de télévision mobilise en moyenne environ 200 millions de DH. Un investissement très capitalistique, mais qui n'a pas freiné l'engouement vers ce business, jadis réservé, sauf exception, à l'Etat. Qui sont ces porteurs de projet,qui surfent sur la 2ème vague de la libéralisation, que la mésaventure de Médi1 Sat n'a pas su effrayer, et quelles sont leurs armes pour convaincre la commission des sages ? C'est dans une quinzaine de jours que les porteurs de projets de création de nouvelles télévisions et stations de radios devraient défendre leurs dossiers face aux membres du jury de la Haca. Ils disposeront chacun d'une heure pour convaincre du bien-fondé de leurs idées et persuader la commission des sages de la valeur ajoutée que leur projet peut apporter par rapport aux autres candidatures. Tout pourra se jouer lors de ces séances de présentation notées selon un barème prédéfini par la Haca. En gros, ce sont deux licences télé et cinq licences radio qui seront octroyées. Certes. Mais les projecteurs sont essentiellement braqués sur les dossiers relatifs au petit écran. Et pour cause. L'occasion sera donnée cette fois-ci à des privés d'investir un créneau auparavant réservé sauf exception (2M à sa création et Médi1 Sat) au domaine de l'Etat. Mais il n'y a pas que cet aspect qui suscite tant de brouhaha. L'identité de certains prétendants en soi attise les commentaires. Qui sont-ils alors et sur quels aspects misent-ils pour se distinguer des autres postulants ? Un politique dans les médias Paradoxalement, celui qui anime le plus le débat n'est pas essentiellement connu sur la scène médiatique en tant qu'homme d'affaires. En effet, Fouad Ali El Himma, patron du PAM (Parti authenticité et modernité), n'anime plus que l'actualité des pages politiques et cela ne date par ailleurs pas de quelques jours, mais de quelques mois déjà. Soit depuis qu'il a mis le pied dans le monde de la communication via la création de l'agence Mena Media Consulting (MMC), faisant du monitoring et de la communication de crise son domaine de prédilection. Ayant Aziz Akhannouch, président du groupe Akwa, comme partenaire dans le dossier soumis à la Haca, son tour de table compte aussi l'un des fils de pub les plus en vue pour le moment : Karim Bennani, patron de MCN (Middle East Communication Networks). Et pour essayer de mettre toutes les chances de son côté, il fait appel à des experts de Canal+ et les associe à la préparation de son projet, tout en comptant sur l'agence de production Vidéorama, présidée par Moulay Ahmed El Belghiti, pour supporter le volet technique. Un autre candidat sort du lot, étant le seul à compter une expérience probante dans le domaine de la presse et de l'audiovisuel. Il s'agit de Kamal Lahlou, patron de MFM, une chaîne de stations radio à vocation régionale et par ailleurs président du groupe Les Editions de la Gazette ( La Gazette du Maroc , Challenge Hebdo, Version HOMME, Lalla Fatéma...) et de New Publicity, qui opère notamment dans le secteur de l'affichage urbain. Récidiviste, son approche sera la même : faire dans la proximité en adoptant l'arabe dialectal comme principal relais de communication (lire encadré). Une formule qui fait un carton et place les radios MFM en pole position dans leurs bassins de couverture. L'adapter à la télévision ne pourra que faire le même tabac auprès de téléspectateurs férus d'interactivité et de reportages terrain. Ayant lui aussi pu décrocher une licence radio dans le cadre de la première vague de libéralisation, Younès Boumehdi aspire à créer une télé puisant son concept dans le même vivier que Hit radio, donc musique et jeunes. Le banquier fait sa télé On dit que c'est Moncef Belkhayate qui a convaincu Othmane Benjelloun d'investir dans le petit écran. Possible, puisque c'est avec l'arrivée de cet ex-directeur commercial de Meditel au groupe FinanceCom que l'intérêt porté aux métiers de la communication a pris davantage d'importance. La création d'AT Com, qui a pour ambition d'agir aussi bien localement que sur le continent africain, en est la preuve. Première opération à mettre à son actif : entrer dans le capital de Mosaïk, elle même société soeure de Klem Euro RSCG. Un autre opérateur du microcosme figure lui aussi sur la liste des prétendants. Il s'agit de Karim Oughla, président du groupe de communication Ateo, qui compte dans son giron l'agence Robinson. Rentré au Maroc il y a quelques années, il ambitionne aujourd'hui de lancer une télévision thématique. Son credo, ce sera l'immobilier, à l'image de l'opérateur émirati Dyar TV. A-t-il des chances de remporter l'une des deux licences en lice ? Rien n'est moins sûr, d'autant que la Haca est souveraine et qu'elle pourrait n'accorder qu'une seule licence, voire même aucune si elle juge les dossiers qui lui ont été soumis peu ou pas convaincants. Peu capitalistiques comparés à la télévision (25MDH pour la radio contre 200MDH en moyenne pour la télévision), les projets de création de stations radio ont attiré plus de foule. Ce sont une vingtaine de prétendants qui se sont bousculés au portillon de la Haca. Des dossiers de nationales et de régionales sont en compétition. Hormis les candidats recalés dès la première vague de libéralisation, de nouvelles têtes font leur apparition. Il s'agit entre autres de Faouzi Chaâbi (groupe Ynna), de Saâd Sefrioui (associé au groupe Lagardère), de Ahmed Charaï (L'Observateur), Abdeallatif Khizrane (groupe Citadine) ainsi que Zoheir Lakhdar, un jeune natif de Bruxelles ayant aiguisé ses armes dans l'associatif en travaillant avec de nombreuses ONG, faisant de la coopération sud-sud son cheval de bataille, et dont le projet prévoit une station émettant à partir de la capitale ismaélienne. Une vingtaine donc de projets dont seulement cinq seront accrédités : une nationale, deux centre nord et deux centre sud. Ces derniers devront composer avec une nouvelle donne : Maroc Télécom, l'un des principaux annonceurs de la place, a baissé de 40% ses engagements dans les radios pour les canaliser vers Médi1, proximité d'affaires oblige ! Dima TV Cette fois-ci encore, Kamal Lahlou fait dans la darija, et ce, jusqu'au choix du nom qu'il veut donner à sa nouvelle télévision : Dima TV. Ce concept s'articule autour de quatre piliers majeurs qui constituent les fondements même de cette télé, selon les promoteurs du projet. Il s'agit en fait d'une télé miroir renvoyant à la proximité «dans sa vocation culturelle et pratique, non distante des intérêts de culture et de divertissement du public national». Le concept veut aussi arborer l'image d'une télé citoyenne, généraliste et de large couverture. Pour cela, Dima TV fait appel à l'expertise de spécialistes du média télévision, longuement intervenus pour le compte de grandes chaînes internationales telles que BBC TV, Dubaï TV, Abou Dhabi TV, MBC, ANN… D'ores et déjà, elle a pu avoir l'engagement de BBC TV pour former et accompagner sa ressource humaine, dont les effectifs sont évalués à près de 200 personnes, tous métiers télévisuels confondus.