Abdelilah Benkirane demande au privé d'augmenter le SMIG en deux fois, 5% par an pour qu'il puisse atteindre les 3000 dhs qu'il avait promis aux électeurs. Il ne prévoit pas la même mesure pour la fonction publique, en tous cas pour l'instant. Les intéressés ne tombent pas dans le panneau. Pour eux, ils perçoivent ce coup de pouce comme un simple rattrapage face aux hausses répétées liées à la décompensation, ce n'est pas la réalité des chiffres qui comptent mais le ressenti. Benkirane a en plus réussi à mettre à dos, les couches inférieures de la classe moyenne à qui il ne propose que des sacrifices. Le patronat n'est pas content et le fait savoir. La CGEM est dans son rôle quand elle réclame des mesures d'accompagnement. Les syndicats n'applaudissent pas non plus. Les centrales rappellent qu'elles ont un cahier revendicatif très long, qu'elles réclament une hausse généralisée des salaires, le respect de la liberté syndicale et qu'elles attendent l'exécutif de pied ferme sur le dossier épineux des retraites. Benkirane a un vrai problème de méthode. Le dialogue social est à l'arrêt parce qu'il veut toujours passer au-dessus des corps intermédiaires, des syndicats, des fédérations patronales. Il a tort parce qu'il aura besoin de leur soutien sur le dossier de la retraite. S'il compte passer en force, il nous prépare une vraie tension sociale. C'est politiquement irresponsable. Maintenant, il faut être objectif, les contraintes sont réellement lourdes. Tout dérapage budgétaire incontrôlé se payera cash. L'exécutif a réussi à ne pas utiliser la ligne de garantie du FMI, c'est à mettre à son actif. Les entreprises ont un autre point de vue. Elles dénoncent le retard dans le lancement de la TVA depuis 2013 et accuse ouvertement le gouvernement d'asphyxie. Le PJD a mangé son pain blanc. Le préjugé favorable, ou le simple « donnons leur une chance », s'est estompé en faveur d'un désappointement assez généralisé. Les couches sociales qui ont porté les Islamistes au gouvernement sont les plus touchées par des mesures peut-être nécessaires mais mal appliquées. Le discours sur la lutte contre la corruption, contre la rente l'est transformé en bérézina absolue. La presse aujourd'hui annonce l'arrestation d'un chirurgien à Kénitra. Il est accusé d'avoir soutiré à un patient mille dirhams pour l'opération hernie. Ledit patient est un ouvrier du bâtiment. Faire bac + 10 pour faire, ce dont on l'accuse, ce n'est pas très glorieux, s'il l'a fait. Les Marocains continuent à payer dans les hôpitaux des dessous de table, pour avoir un lit, être programmés pour une opération. C'est ce « fassad » là qui les révolte. Et tant qu'il ne sera pas réellement combattu, les gens ne croient pas les discours sur la volonté d'extirper ce mal. C'est aussi simple que cela.