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SOUS LES FEUX DE LA RAMPE : Le social est prioritaire
Publié dans La Gazette du Maroc le 31 - 07 - 2007

Ni Jettou bloqué par la gestion des affaires courantes, ni Abbas El Fassi tout obnubilé par les calculs savants pour constituer son gouvernement, n'ont réagi. Pourtant l'évènement est d'importance : pour la première fois sous le régime de l'actuel Roi, une manifestation a eu lieu. Réprimée, elle l'a été, mais sans que mort d'homme s'ensuive. Il faut s'en féliciter bien sûr, d'autant plus qu'il y a eu manipulation et que l'intervention Royale a calmé les esprits.
Sefrou, petite localité sans histoire, pendant longtemps bastion USFP, culturellement marquée par la tolérance, la coexistence et un certain sens de la beauté. C'est dans cette bourgade qu'une manifestation de 2000 personnes contre la cherté de la vie s'est transformée en actes de violence. Cela s'est passé quelques jours après les élections, ce qui nous renseigne, plus que les 37 %, sur les espoirs que fondent les couches les plus défavorisées, sur l'action votative.
Nous l'avons martelé après la campagne: les plus démunis n'ont plus de patience, la crise sociale se noue à une vitesse plus accélérée que les bénéfices des réformes, les politiques doivent mettre en place une véritable politique sociale, des filets sociaux dans l'urgence. Dans leur tour d'ivoire, ils continuent à opposer le cynisme comptable à la détresse des gens et à ne voir dans les avertissements lucides, que même des sécuritaires de haut rang ont essayé de relayer, que du populisme, voir des relents des idéologies du passé.
Il faut d'abord déconstruire ce discours simpliste aux apparences rationnelles qui reprend le triptyque réforme –investissement- croissance comme un leitmotiv permettant de sacrifier des générations.
Au risque de paraître provocateur, posons-nous la question : savent-ils où est ce qu'ils vivent, ces adeptes d'un discours machinal ?
Si l'on en juge par leurs actes, c'est non. Ainsi, ils nous serinent que le chômage recule. Il faut d'abord savoir ce qu'il y a à l'intérieur des chiffres, le vendeur de menthe, comme le père des Kamikazes, a une activité, un capital avoisinant les 100 Dhs, et des recettes plafonnant à quelques dizaines de Dh. Bien évidemment, il n'a ni couverture médicale, ni retraite, officiellement c'est un actif !
La frustration
en prime
Même en dépassant cet aspect, entre les chômeurs officiels, les jeunes qui arrivent et qui sont déjà oisifs, les vieux sans retraites, le nombre des sans ressources avoisine les 3 millions de personnes. Ce sont des statistiques officielles, juste lues autrement.
Le discours sur les avancées s'appuyant sur les chiffres, manque de nuances. Il est vrai que la pauvreté recule. Pas les sentiments d'exaspération qu'elle produit.
Les quinquagénaires vous raconteront tous, le temps béni de la mixité sociale. Fils de riche ou de pauvre, ils fréquentaient les mêmes écoles, les mêmes cinémas, habitaient les mêmes quartiers et l'argent ne faisait pas le chef de bande. Aujourd'hui une vie de pauvre, est une vie de frustration ininterrompue. L'appel à la consommation est permanent sur les écrans, les ondes, les rues. La différenciation par les moyens financiers est la règle. Les riches accèdent à tout, les pauvres à rien. L'école censée être un creuset de la mixité de l'intégration est devenue l'âme de l'appartheid social. Aux riches, aux classes moyennes et même aux couches supérieures de la pauvreté l'enseignement privé respectant un minimum de règles pédagogiques. Aux pauvres, les classes pleines, jusqu'à 44 élèves dans des classes de bac et la cinquantaine au primaire, à un âge où les enseignants ont du mal à concentrer les chérubins, même quand ils ne sont qu'une vingtaine. Dans les hôpitaux, la situation est pire, insoutenable. Ne parlons pas des usines à fric, appelées cliniques. La santé publique elle-même est à deux vitesses. Munis de leur certificat d'indigence, les pauvres doivent imposer à la maladie de jouer les prolongations. Les rendez-vous atteignent les 6 mois, au Maroc, on meurt d'une hernie, d'une colopathie, de n'importe quoi, parce que le médecin n'est disponible que la semaine des 4 jeudis. Brel disait «je sais bien que l'on fait ce qu'on peut, mais il y a la manière». Comment demander à un adolescent qui a perdu son père, en attente d'un rendez-vous, d'adhérer à la fameuse société « démocratique et moderniste ».
Fausse route
Ces Marocains-là, sont méprisés quotidiennement par une bourgeoisie acculturée, un parc de voitures insensé, des marques internationales pour la frime, des chaussures à 9000 Dh, le clinquant à tout va et la condescendance qui va avec. Les mêmes bourgeoises vont avec leur BMW faire leurs emplettes près des douars par esprit d'économie. Si elles étaient les agents recruteurs des intégristes, elles ne trouveraient pas une meilleure idée.
Les politiques pensent que la couche la plus démunie est celle qui a un travail mais dont le produit du travail est insuffisant. En tous cas, c'est la conclusion logique de leur action. Ainsi la solidarité étatique va à ces couches : l'AMO, les déductions fiscales, les dernières augmentations de salaires, la revalorisation des retraites. Pour les autres, il y a bien évidemment des actions. Elles ont un vice congénital : elles relèvent de la charité, donc du rabaissement de celui que l'on aide. La seule solidarité qui vaille est celle inscrite dans la loi de finances, le reste n'a aucun intérêt institutionnel. Les salariés aux revenus bas votaient USFP, ils votent PJD, «gueulent» souvent parce que leur vie n'est pas simple. Malheureusement pour les «vrais pauvres» ils sont privilégiés. Quand donc à Rabat acceptera-t-on la réalité? pas celle plate des chiffres, celle humaine de la détresse. Des milliers de familles vivent d'expédients, ferment les yeux sur la moralité de leurs membres en échange de quelques billets, se sentent non concernées par le Maroc, interdisent à leurs enfants le rêve parce que la désillusion est un risque certain. Ces familles-là, constituent une cible facile pour toutes les aventures. Elles accumulent trop de désespoir, de rancoeurs, de violence enfouie. Jusqu'ici quand le problème était soulevé, il était en relation avec le terrorisme. L'élite Marocaine adore zapper le passé. On oublie que la Jacquerie est au bout de cet enfer. 65, 81, 90, 94 des Marocains ont été abattus par l'armée parce que les manifestations ont tourné à l'émeute mettant en danger les biens et les personnes. La plus meurtrière a été celle de 81, en réponse à une augmentation sur le prix de la baguette. Le gouvernement Jettou à lui aussi augmenté le prix de ce produit hautement symbolique, avant de se rétracter. La maîtrise du taux d'inflation est un leurre, parce que des produits constituant l'indice, seule une dizaine concerne les pauvres, les autres leur sont de toute manière inaccessibles.
Ces jacqueries n'ont jamais été correctement analysées. Elles ne sont ni accidentelles, ni un simple fait divers, ni le produit d'une manipulation quelconque. La crise sociale est là, latente depuis des décennies, aiguisée par le programme d'ajustement structurel et la fin de l'Etat, providence.
Cette crise sociale est le produit d'un marché désintégré laissant hors du champ, des couches sociales et des régions entières. C'est l'une des manifestations du sous-développement et tous nos maîtres, Oualalou en tête, niaient toute chance de réussite à un projet de développement qui ne réglerait pas cette question. C'est ce qui explique qu'ils ont longtemps vu dans la réforme agraire censée intégrer la paysannerie au Marché, la condition sine qua-non du décollage.
Crise sociale et politique
Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Les théories ont été mises à mal par l'actualité. L'erreur c'est de renier les matériaux d'analyse en même temps, car enfin, il est clair que ces jacqueries reflètent la différence de vitesse et de nature entre la crise sociale et la crise politique. Les couches les plus démunies n'en peuvent plus, elles n'adhèrent à rien et sont prêtes à en découdre pour arracher une vie digne. Il n'y a plus aucun courant politique d'envergure qui leur ouvre une perspective pacifique. Parce que justement l'ex-gauche a cru bon d'abdiquer toute revendication touchant la distribution dans le cadre d'un consensus, qui sans un réveil urgent de sa part, finira par l'exclure de la société. Les conditions objectives de la voie du changement sont là, en l'absence des conditions subjectives, cela tourne aux violences incontrôlées. Il faut être aveugle pour ne pas voir les changements profonds des voies de la contestation. Ces dernières années, les mouvements les plus durs ont eu lieu à Figuig, ultra contrôlée pour sa proximité avec l'Algérie, Sidi-Ifni la porte du Sahara, et dans diverses localités marginalisées. Le mouvement contre la cherté de la vie a concerné l'ensemble du Maroc. C'est la gauche non gouvernementale qui est présente dans ces mouvements sans que l'on puisse affirmer qu'elle les encadre. Même dans les campagnes reculées les cadres du mouvement sont souvent des diplômés chômeurs. Dans ces conditions la réponse ne peut être que politique. Le futur gouvernement doit se départir de l'attitude cynique qui préside aux affaires depuis des décennies, depuis que la gauche pour avoir sa part du gâteau, a accepté sans nuances la fameuse et fumeuse «rationalité économique». L'exemple vient de l'Amérique Latine où les politiques publiques sont quasi exclusivement orientées vers la lutte contre la pauvreté sans pour autant handicaper les entreprises. La bourgeoisie de ces pays y adhère parce qu'elle sait que la dignité de l'homme est la condition de base de toute stabilité. Les évènements de Sefrou auront été utiles s'ils aboutissent à ce réveil et à une volonté politique de faire de la solidarité, de la rénovation du service public les chantiers les plus importants.
Si le discours de la pensée unique se perpétue, alors Sefrou n'aura été que le tocsin d'un malaise qui ira en s'approndissant. Les réussites réelles sur le terrain de l'investissement étranger ne seront perénnisées que par une véritable action volontariste contre la précarité et la marginalisation. Ce n'est pas du populisme, c'est du bon sens. Dès demain, tout l'argent de la caisse de compensation doit aller aux pauvres, au lieu de financer les gâteaux des bourgeois, voilà un début qui ne coûte rien.


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