1 TOURISME BOUSSAÏD REVOIT SES AMBITIONS ILS SONT TOUCHÉS À DES DEGRÉS DIFFÉRENTS, MAIS PÂTIRONT TOUS DE L'EFFET BOULE DE NEIGE DE LA CONJONCTURE INTERNATIONALE. RADIOSCOPIE SECTORIELLE Le premier poste à supprimer en période de crise est incontestablement celui des loisirs. Et le voyage arrive en tête de liste. Même si le Maroc continue a être «le plus beau pays du monde», cela ne saurait suffire à maintenir la cadence des arrivées de ces dernières années. Ce secteur est le plus exposé vu ses interactions directes avec l'étranger. Les pouvoirs publics semblent prendre leurs responsabilités, même si les actions qu'ils envisagent de lancer laissent sceptique. «La conjoncture économique internationale va s'impacter inéluctablement sur le tourisme national», le ministère du Tourisme donne le ton. Mohamed Boussaïd a même traité de la question durant une rencontre organisée le 9 octobre par la chambre de commerce française. Les messages sont on ne peut plus clairs : le département ne restera pas les bras croisés. Il est même admis que les effets de la crise déteindront sur les objectifs de 2010. Si du côté du ministère, on affirme que les «préparatifs» pour contrer ce contexte sont lancés depuis une année, il semblerait que les choses aient dû se faire en catimini. En effet, comme le souligne cet opérateur hôtelier, «l'activité touristique était déjà passée dans le rouge avant la crise. Les problèmes venaient des pays d'Europe, à travers les tassements des économies. Des phénomènes qui diffèrent selon les marchés : en France, le développement explosif des ventes en ligne de l'hébergement non classé, et en Grande-Bretagne depuis janvier dernier, la taxe écologique appliquée à toutes les destinations moyen-courrier». Il estime par ailleurs que : «cette crise n'est qu'une crise supplémentaire». Tous les signaux étaient déjà au rouge : le prix du pétrole qui atteint des sommets, le niveau de consommation des ménages qui baisse et, plus spécifiquement, la forte concurrence de pays compétitifs comme la Turquie, l'Egypte ou encore la Tunisie. Il en ressort que pour le tourisme de luxe, il est aisément envisageable un recul significatif. Et dans la confidence, il rappelle le projet de grande envergure, à Marrakech, qui a été gelé depuis un mois et ce jusqu'à nouvel ordre. Le danger vient même des partenaires étrangers, dont certains ont vu leur action perdre 50% de leur valeur sur les marchés financiers internationaux. D'ailleurs, le Maroc n'échappera pas à la règle : les établissements d'hébergement haut de gamme, qu'ils se trouvent en Europe ou en Asie, connaîtront une décote en termes de recettes. Si on veut tout de même mettre une note d'optimisme au tableau, c'est la diversi fication dont jouit déjà l'offre marocaine qui pourrait changer la donne. Tout de même, les effets de la crise sur les recettes se traduiront par une baisse des résultats, de 10 à 15%. Face à cette aggravation des tendances, comme la qualifie des opérateurs, le ministère de tutelle lance une campagne de lutte. Elle se veut marketing. À partir du 13 octobre, une campagne promotionnelle du produit Maroc à l'étranger va être lancée à destination des petits budgets. Mais la grande inconnue demeure la durée de ces turbulences. Et aux professionnels, le message est direct : le touriste est une denrée rare. Le peu qui viendra, il faudra le préserver. ◆ . 2 IMMOBILIER LE SEGMENT DU LUXE SERA FRAPPÉ DE PLEIN FOUET Au moment où les promoteurs immobiliers débordent d'ingéniosité pour diversifier les canaux de lobbying afin de convaincre les officiels du bien-fondé de leurs doléances, présentées dans le cadre de la préparation de la prochaine loi des Finances, un autre souci viendra faire grossir la liste de leurs préoccupations. Et pour cause, la récession fortement ressentie à l'international ne tardera pas à déstabiliser ce secteur apparenté jusque-là à une machine à cash. Certes, nombreux sont ceux qui soutiennent que seul le segment du luxe sera impacté, mais en extrapolant, la vigilance devra tout de même être de mise, même là où le risque semblait atteindre le degré zéro. Prenons d'abord le cas le plus exposé, celui dont la demande est formulée essentiellement par la clientèle étrangère, et donc par une frange de la clientèle dont les pays d'origine sont aujourd'hui en crise. Selon des statistiques nonof ficielles, ce segment représente moins de 10% du volume des transactions globales. Très peu, comme dirait Youssef Iben Mansour, président de la FNPI ? Pas vraiment, rétorque un autre professionnel du secteur qui explique : « beaucoup de promoteurs ont misé sur ce segment. Certains en ont même fait leur seul cheval de bataille. Pour ces promoteurs, le coup sera très dur à encaisser». Mais consentons quand même qu'il ne s'agit que d'une portion négligeable par rapport au gros du marché. Ce dernier est représenté par la demande nationale, elle aussi exposée indirectement aux effets de la crise internationale. Par quel biais ? «Les entreprises exportatrices, fer de lance de notre économie, verront leur activité baisser. Leur première réaction sera de procéder à des licenciements économiques, mettant en péril la demande intérieure». Les promoteurs ont donc eu raison d'installer un système de veille et de multiplier les réunions ces dernières semaines à une cadence quasi-quotidienne. ◆ ÉLECTRICITÉ ET ÉLECTRONIQUE 3 «NOUS AVONS DES SOUCIS» «On ne peut pas encore émettre d'estimation sur les effets de la crise sur notre secteur», lance d'emblée Salaheddine Kadmiri (photo), président de la Fédération nationale d'électricité et d'électronique (FENELEC). Et de nuancer, «nous avons des soucis. Il y a des inquiétudes, notamment pour les entreprises liées à des donneurs d'ordre étrangers». Les sociétés étrangères opérant dans le secteur ont majoritairement enregistré des baisses de rentabilité, jusqu'à moins 10% de leur marge. En revanche, même si les effets ne paraîtront que dans un mois, «les matières premières, telles le plomb, le zinc et le fer, descendues à des cours qui n'ont pas été enregistrés depuis près de trois années, atténueront les répercussions sur les entreprises nationales», comme le précise notre intervenant. Toutefois, il subsiste de nombreux aspects inquiétants. L'immobilier a toujours été un marché lucratif pour les opérateurs en électricité. Si la crise se maintient et paralyse les grands projets, notamment ceux destinés aux acheteurs étrangers, le manque à gagner sera lourd pour le secteur. Par ailleurs, le danger véritable se situerait au niveau des restrictions bancaires. Certes, les carnets de commandes, lancés des mois auparavant, ne désemplissent pas pour l'instant. Mais ce n'est qu'une question de semaines. Aussi, «des concertations se sont déroulées en interne sur les moyens de profiter des opportunités qu'offrirait la crise». Par ailleurs, la profession voit en l'Afrique un terrain propice pour contrecarrer la récession. Encore faut-il bénéficier de fonds pour l'investissement. MARCHÉ FINANCIER 4 JOUAHRI PERSISTE ET SIGNE Les déclarations de Abdellatif Jouahri (photo) continuent à créer la polémique. Le gouverneur de Banque El Maghrib a annoncé mardi dernier à Marrakech, durant la rencontre avec ses homologues arabes que «l'économie marocaine reste à l'abri de la crise qui sévit actuellement sur les grandes places financières mondiales». Même s'il a tenté de nuancer ses propos, en relevant la nature des relations qui lient notre système financier à celui des pays, notamment européens, son message de prudence laisse présager le pire. Les praticiens, quant à eux, tentent d'amadouer les esprits, notamment en évoquant le marché boursier. «La crise sur notre marché est plus correctionnelle. Même si elle coïncide avec ce qui se passe sur la scène internationale», précise Widad Azzam Lahlou, membre du directoire de Sogebourse. Et de continuer : «ces dernières années, les cours n'ont pas reflété la valeur réelle des sociétés cotées». Que se passe-t-il à présent ? «Pour l'instant, plus précisément depuis quelques semaines, le marché est en déconnection, une ambiance d'attentisme général. Aujourd'hui, les investisseurs veulent revenir aux fondamentaux et aux valeurs réelles des entreprises cotées en bourse», ne manque-t-elle pas de préciser. Concernant le secteur bancaire, les analyses divergent quant à l'impact de la crise financière sur le Maroc. Pour les uns, les institutions nationales n'ont pas à craindre l'effet de la déferlante. D'autres sont convaincus que le Maroc n'y échappera pas à moyen terme, et ce, en raison de la nature même des tours de table des banques marocaines. Contactés à ce sujet, plusieurs banquiers ont refusé de se prononcer sur la question. «Nous avons déjà communiqué sur le sujet. Nous sommes de l'avis de Mohamed Jouahri et nous n'avons rien à rajouter», lance laconiquement El Hadi Chaibanou, DG du Groupement Professionnel des Banques du Maroc. ◆ OFFSHORING 5 LA PLATE-FORME S'ACCROCHE À SES OCCUPANTS Durant ce week-end, Technopolis, le site destiné à l'offshoring à Rabat, a été inauguré. Et ce, alors que le débat est houleux au sein des multinationales à l'échelle planétaire. «En cette période de tension, les entreprises ont intérêt à mettre en branle les réformes, notamment en matière de réduction des coûts», souligne à ce sujet Mohamed Lasry, administrateur directeur général de Casanearshore. Et il ne manque pas de souligner que : «la prise rapide de mesures atténuerait les effets de ralentissement et de mise en veille des investissements». Pour l'instant, aucun désistement n'est à enregistrer: les sociétés ayant opté pour cet espace casablancais n'ont pas changé d'avis. «Nous restons compétitifs en termes de ressources humaines et de coûts d'installation», précise-t-il à cet effet. Une question s'impose. Un secteur par essence tributaire des besoins exprimés par la demande internationale saura-t-il se maintenir à flot et satisfaire ses ambitions, dont celle de devenir à terme le hub régional ? ◆ 6 MRE LES TRANSFERTS CONTINUERONT-ILS À TENIR LA BARRE HAUTE ? Le témoignage de Karim Tazi, patron de Richbond, est édifiant. «Nous avons réalisé un été décevant. Cette saison de forte consommation a été spécialement médiocre. Selon les remontées d'informations faites par nos distributeurs, les MRE, qui représentent une clientèle de marque pendant les mois de juillet et août, n'ont pas dépensé cette année». Tazi n'est pas le seul à faire ce constat. Dans le secteur de l'immobilier, toutes les prévisions de vente pendant les vacances d'été sont tombées à l'eau. Le nombre d'achats opérés ont été nettement en deçà des espérances, selon des informations confirmées par des notaires, des banquiers, mais aussi par des promoteurs immobiliers, toujours en détention de stocks importants. Cette information est nuancée par une source officielle. «Il faut savoir que la troisième génération de MRE n'investit pas beaucoup dans l'immobilier contrairement aux générations passées. Elle ne représente donc pas un grand portefeuille pour le marché national». Soit. Mais selon une source bien informée : «certains MRE seraient même en train de vendre leurs bien immobiliers au Maroc pour répondre à des besoins de liquidité de plus en plus pressants dans leurs pays d'accueil». Qu'en est-il des transferts d'argent ? A fin juillet 2008, ils ont été de 32,5 milliards de dirhams, en hausse de 5% par rapport à la période de l'année précédente. Une tendance qui promet de s'affaiblir au vu de la baisse du pouvoir d'achat dans les pays d'accueil. ◆ 7 TEXTILE ET HABILLEMENT LE SECTEUR DANS DE BEAUX DRAPS... L'heure est grave chez les textiliens. Le fait qu'ils ne se soient pas encore réunis à l'heure où nous mettions sous presse n'est pas du tout dû à un quelconque sentiment de certitude. Ils voulaient tout simplement profiter de la tenue du conseil d'administration de l'AMITH, prévu pour le samedi 11 octobre, afin de mettre à plat tous les maux de la filière. Nul doute que dans le microcosme textilien, la crainte atteint son paroxysme dans un contexte où la situation des marchés émetteurs est préoccupante. Leur réaction relève même du prévisible. C'est que ces opérateurs économiques savent bien ce qu'une crise économique peut provoquer comme dégâts et ce, pour en avoir fait les frais à de nombreuses reprises. «Je ne vois pas comment on peut agir pour le moment, sachant qu'à l'international, chaque jour apporte son lot de mauvaises surprises », témoigne Mohamed Tamer (photo), président de l'AMITH. Et de préciser : «tout ce que nous pouvons faire est d'installer un système de veille et de réagir au coup par coup». En effet, quand on sait que le secteur arrive à peine à résister à un marasme économique installé depuis plusieurs mois, lui faisant perdre 4% de son business, on comprend parfaitement que certains textiliens craignent déjà de nouvelles fermetures (en plus de celles enregistrées au début des années 2000), alors que les carnets de commandes à court terme n'ont pas encore enregistré de baisse notable. ◆ .