A l'occasion de son premier conseil d'administration en tant que société anonyme, l'OCP a tenu à mettre en avant sa stratégie pour les années à venir, avec une seule et unique ambition: devenir un leader mondial. Le tout sans pour autant oublier de pointer du doigt les erreurs du passé. C'est un Terrab charismatique et sûr de lui qui est venu présenter en conférence de presse la nouvelle stratégie de l'OCP, qui est par ailleurs déployée depuis plusieurs mois déjà. Mais c'est aussi un Terrab agacé, qui céderait presque lorsqu'un des journalistes lui rétorque que «les résultats exceptionnels obtenus cette année étaient d'abord dû à la conjoncture, et que ce n'était pas forcément en raison de la stratégie déployée par le nouveau patron de l'OCP». Mais Terrab imperturbable répondra qu'il était possible de réaliser ces mêmes résultats avec le management précédent. «Il faut noter au passage que l'OCP a pu augmenter ses prix plus que ne l'a fait la Chine, car l'OCP a su faire valoir la fiabilité et la qualité de son produit», s'insurge le directeur général de l'OCP SA. Voilà qui est dit. En 2007, l'OCP a d'ailleurs réalisé une croissance de son chiffre d'affaires de 25,2%, avec une part de marché mondiale de 31,64%. «Cependant, s'il est vrai que les prix du phosphate ont régulièrement baissé depuis trente ans, aujourd'hui la dynamique des prix est intéressante», tempère Mostafa Terrab. Mais l'OCP n'en reste pas moins les bras croisés, car les cycles d'investissement durent globalement huit ans et lorsque les prix s'envolent, de nouveaux entrants intègrent le marché. Si en un an et demi, la tonne de phosphate est passée de 40$ à 300$ la tonne, c'est essentiellement en raison d'un phénomène structurel. D'abord, il y a les pressions exercées par l'agriculture, en particulier émanant de l'Inde et de la Chine. Ensuite, il y a la demande en biocarburants qui a favorisé une envolée des prix. «Cela dit, il faut garder à l'esprit que nous sommes en bout de cycle et que dès 2009/2010, les prix amorceront une baisse car il y aura création d ‘une offre supplémentaire, notamment avec les nouvelles infrastructures qui entreront en fonction en Arabie Saoudite, sans compter les ambitions de l'Algérie en la matière», prévient Mostafa Terrab. Une révolution culturelle Mais au-delà des considérations de prix, qui sont bien entendu fondamentales, l'OCP prévoit une réorientation stratégique totale construite sur la base du constat suivant: la part de phosphate exportée dans le monde diminue fortement. Autrement dit, ceux qui souhaitent produire des engrais placent leur unité d'engrais là se trouve la mine de phosphates. «Bien sûr, une nouvelle demande va apparaître sur le marché. Et l'enjeu pour l'OCP est de capter cette demande. Mais il faut savoir que la croissance se fera surtout dans les engrais, et la nouveauté, je vous le rappelle, c'est que ce sont à chaque fois des projets intégrés», poursuit Terrab. L'OCP ne pourra donc profiter de la croissance que si «la demande» vient construire ses unités d'engrais au Maroc. C'est bien là le cœur de la nouvelle stratégie industrielle de l'OCP. D'ailleurs, c'est dans cet objectif que le hub de Jorf Lasfar a été mis en place. Avec un argument fort pour ce site: une offre «plug and play» destinée aux investisseurs étrangers qui viendraient sur place fabriquer leurs produits phosphates: l'OCP met à leur disposition terrain, usine clé en main, main d'œuvre qualifiée, encadrement de haut niveau, approvisionnement en minerai et produits intermédiaires, logistique… Toutefois, le management précise que l'OCP SA continuera dans la production d'engrais même si un investissement de 100$ dans la roche assure un retour sur investissement de 280$, alors que le même investissement dans les engrais n'assure un retour sur investissement que de 106$. L'autre changement de taille que vit actuellement l'OCP est son approche même du marché. «Nous ne voulons pas devenir leader du marché car nous avons 50% des réserves mondiales à Khouribga. Il faut donc occuper le marché et avoir le courage de se doter de capacités, voire surcapacités, de productions dissuasives et crédibles au regard d'éventuels nouveaux entrants. C'est une révolution culturelle que nous menons, car nous ne devons plus nous considérer comme la bureaucratie du phosphate», conclut Mostafa Terrab. ◆