Prise de participation croisée via augmentation de capital. C'est la forme qu'a finalement pris le partenariat entre la Banque centrale populaire (BCP) et l'Office chérifien des phosphates (OCP). Jamais le secteur public marocain n'aura connu une opération d'une telle nature (public-public) et l'ampleur de la transaction donne du vertige. Plus concrètement, la BCP acquiert 5,88 % du capital de l'OCP (valorisé à hauteur de 100 milliards DH) au prix de 5 milliards DH, et lui cède en même temps 6,6% de son capital (15 milliards DH de capitalisation boursière) contre 1 milliard DH. «Les entreprises publiques sont, aux côtés du secteur privé, des locomotives du développement économique et social du Royaume et de son positionnement régional et international», commente, lors de la conclusion du partenariat, lundi 12 janvier à Rabat, Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des finances. Il rappellera, au passage, l'impact de cette opération sur l'investissement public qui passe à 430 milliards DH pour 2008-2012, contre 174 milliards DH pendant la période 2003-2007. Pour la BCP, siégeant désormais au conseil d'administration de l'OCP et représentée dans ses comités clés, l'objectif d'un tel partenariat, du reste conforme à sa stratégie de croissance externe, est «d'accompagner durablement l'OCP dans son développement industriel et s'impliquer davantage dans le renforcement des pôles de compétitivité du Maroc (Jorf Lasfar, Ndlr)», se félicite Mohamed Benchaâboun, Pdg de la BCP. Tandis que pour l'OCP, cette «première transaction de référence», qui sera suivie d'une introduction en bourse, est un tournant historique dans sa conquête mondiale de nouvelles parts de marchés. Fort d'une solide assise financière, l'OCP est bien parti pour nouer des alliances et d'autres joint-ventures avec des groupes de renom. «Ce partenariat nous permettra d'assurer une flexibilité financière significativement renforcée avec 5 milliards DH supplémentaires de fonds propres», se réjouit Mustpaha Terrab, Pdg du groupe OCP. Du coup, le ratio dettes nettes/fonds propres passera à 70%, contre 120 % avant la transaction. Après sa transformation en société anonyme (ouverture du capital mais contrôle majoritaire de l'Etat) et l'externalisation de sa caisse interne de retraite (pour un coût de 28 milliards DH), le leader mondial des phosphates, avec un chiffre d'affaires de 55 milliards DH et un bénéfice de 25 milliards DH en 2008, continue ainsi son bonhomme de chemin. S'adosser à un groupe bancaire de la taille de la BCP (25 % des dépôts bancaires et 22% de crédits distribués à fin novembre 2008 et des ambitions dans la bancassurance), lui confère ainsi une marge de manuvre dans la conclusion de ses futurs partenariats, mais aussi et surtout lui permet d'assurer la réalisation de son programme d'investissement, qui se chiffre à 9 milliards DH pour 2009, contre 7 milliards en 2008. En plus d'une meilleure valorisation du phosphate brut (passer de 48% à 70%) et du doublement de la capacité de production de la roche (arriver à 50 millions de tonnes par an), l'OCP cherche surtout à assurer de nouveaux débouchés pour son minerai, «produit pour lequel il est le plus compétitif (45% de parts de marché mondial pour un volume exporté de 22 millions de tonnes) en raison de l'abondance, de la variété et de la qualité de ses roches.» A cet effet, la transformation du site de Jorf Lasfar en hub international de la chimie des phosphates (Jorf Phosphate Hub), pouvant accueillir 10 nouvelles unités d'engrais, lui tient à cur. Pour cela, l'OCP offre la possibilité pour les investisseurs étrangers, désirant sécuriser leurs approvisionnements à des prix compétitifs, «de venir sur place fabriquer leurs produits phosphates, en mettant à leur disposition terrain, usine clé en main, main d'uvre qualifiée et hautement encadrée, approvisionnements en minerai, logistique, etc.» Un pipeline de transport du minerai doit être prochainement construit. Il reliera le site de Khouribga (plus grande mine du monde à ciel ouvert) à Jorf Lasfar, sur une longueur de 200 km. Un autre pipeline, de la même longueur, devant relier aussi Gandour (Ben Guerrir) au port de Safi. L'investissement dans ces nouveaux modes de transport de phosphate est estimé à 6 milliards DH. L'appel d'offres pour leur réalisation sera lancé incessamment. A terme, l'ONCF aura perdu un gros client.