Frappés de plein fouet par la baisse des nuitées sur la destination, notamment à Marrakech et Agadir, les professionnels cherchent à sortir la tête de l'eau grâce au repositionnement des conseils régionaux du tourisme. Facile à dire, mais difficile à réaliser pour des structures qui vivotent depuis leur création. À quoi servent les CRT (Conseils Régionaux du Tourisme) ? Depuis plusieurs années, la question taraude les esprits des professionnels de ce secteur sans qu'ils cherchent pour autant à trouver les solutions. Mais ce 11 septembre 2008, ils ont décidé de prendre le taureau par les cornes. La FNT (Fédération nationale du tourisme) et le CRT de Marrakech ont initié ce jour-là une rencontre qui a rassemblé les conseils régionaux de tourisme et les fédérations métiers «sous le signe du rassemblement et de la mise en œuvre de visions communes stratégiques». Pourquoi aujourd'hui et pas hier ? Force est de constater que depuis mai 2007, le tourisme au Maroc a enregistré une inflexion dans son rythme d'évolution. Le pays a commencé à recevoir les premiers coups de semonce au niveau de certaines destinations comme Marrakech et Agadir. Les dessous d'une rencontre Ce qui, malgré tout, n'a pas été pris au sérieux, même si cela s'est traduit sur le terrain par une baisse des nuitées. Cette diminution de volume n'a été constatée d'une manière beaucoup plus sensible et plus «douloureuse» par les professionnels qu'à partir de fin 2007. Et depuis, les choses ne se sont pas améliorées. Les deux premières destinations touristiques du Royaume, Marrakech et Agadir, qui affichaient deux chiffres, ont commencé à voir leurs nuitées baisser. Ainsi, le doute a commencé à s'installer. L'ambiance générale est par ailleurs minée par le retard affiché dans les stations balnéaires du Plan Azur, particulièrement Saïdia, dont l'ouverture était pour l'été 2007 et qui devait booster la destination Maroc. Mais depuis mai 2007, avec l'inflexion du rythme d'évolution de l'activité touristique nationale, entraînant les premiers coups de semonce au niveau de certaines destinations comme Marrakech et Agadir, les opérateurs du secteur ont commencé à se poser des questions. Résultats des courses : durant les sept premiers mois de cette année, les professionnels ont constaté un recul des nuitées, qui ont subi un recul de – 7 % à Marrakech et Agadir, même si ce n'est pas encore catastrophique. À ce tableau s'ajoutent d'une part la conjoncture internationale (flambée des prix du pétrole, érosion du pouvoir d'achat dans les pays européens émetteurs de touristes vers le Maroc…), et d'autre part, l'agressivité commerciale des pays concurrents du Royaume sur les marchés européens (Egypte, Turquie, Tunisie, Croatie…) qui ne sont pas pour faciliter la tâche aux opérateurs touristiques marocains et à leur ministère de tutelle. En guise d'exemple, les deux marchés pourvoyeurs de touristes pour le Maroc, notamment la France et l'Espagne, accusent des baisses de croissance économique. Depuis, le malaise s'est installé dans le secteur et les professionnels se posent toutes sortes de questions. «Marrakech enregistre actuellement une décrue tant en termes d'arrivées que de nuitées, puisque le cumul des 7 premiers mois de l'année en cours annonce une baisse de -4% en arrivées et - 8% en nuitées; cette décrue doit nous interpeller et nous inciter à élaborer un plan de réactivation de la demande ambitieux; sachant que Marrakech reste le 1er pôle touristique du Royaume et que cette tendance à la baisse, si elle devait perdurer, pourrait avoir des répercussions dommageables pour toute la destination Maroc», s'alarme Abdelatif Kabbaj, président du CRT de Marrakech. Et d'ajouter : «Il nous appartient aujourd'hui de redéfinir autant que possible l'architecture globale de nos entités respectives en reprécisant les missions, les responsabilités et les compétences, et ce pour atteindre le niveau de réactivité souhaité ». Aujourd'hui, la première réaction naturelle des professionnels de Marrakech et d'Agadir est qu'il faut faire de la promotion régionale. « L'ONMT ne réagit pas. Il n'y a pas de campagne d'envergure. On est en train de perdre pied sur nos marchés traditionnels. Les charters sont morts. Les CRT n'ont pas de moyens financiers pour mener leur mission… ». Dixit les professionnels qui alignent les lamentations. Partant des mauvais résultats, ils ont estimé nécessaire de mobiliser alors les CRT. La période choisie pour rassembler les conseils régionaux n'est pas fortuite : à la veille du salon Top Resa (France) et la rentrée, cette sortie peut faire un peu de communication. Pour autant, Othman Chérif Alami ne désarme pas. « Cette rencontre était déjà inscrite dans le programme de la FNT. Il est vrai que la conjoncture actuelle facilite la solidarité », dit-il. Le financement, nerf de la guerre Conçus dans la foulée de la Vision 2010 dont ils tirent leur légitimité, la plupart des conseils régionaux ont peiné à quitter leurs habits d'anciens GRIT (Groupement régional d'intérêt touristique) pour devenir de vrais instruments de promotion touristique. Ils n'ont pas de moyens financiers ni de moyens humains, et encore moins l'autorité pour jouer le rôle qu'on voudrait les voir jouer. C'est ainsi qu'à Tanger et à Rabat, les CRT tournent avec des caisses vides. «Comment alors attendre de ces instances un plan marketing et promotionnel?», s'interroge Moulay Habib Alaoui, président du CRT de Rabat. Il faut dire que même ceux qui ont des fonds survivent grâce aux autres. «Nous fonctionnons avec un budget de moins de 3 millions de DH octroyé par les collectivités locales», s'insurge Abdelatif Kabbaj. En effet, de par leur composition (autorités, élus locaux et professionnels), les CRT ne peuvent échapper à certaines contradictions, notamment pour ce qui est des pouvoirs décisionnels. Quid de la contribution de l'ONMT dans le budget des CRT ? Il faut dire d'emblée que tous les Centres ne sont pas logés à la même enseigne aux yeux du bras armé de l'Etat dans la promotion de la destination Maroc. Casablanca, Marrakech et Agadir s'en sortent mieux. Ce n'est pas le vice-président du CRT de Guelmim, présent à la manifestation, qui dira le contraire. Car le représentant de l'ONMT, Redouane Reghay, lors de cette journée de rassemblement des conseils régionaux, a été surpris d'apprendre que Guelmim est doté d'un CRT. Selon le CRT de Marrakech, l'ONMT n'accorde pas de subvention en numéraires. Par ailleurs, le déblocage de fonds reste soumis à des conditions procédurales qui entravent la réactivité qui doit caractériser la mission du CRT. En d'autres termes, l'ONMT paie les outils de promotion comme par exemple les brochures, CD-ROM… Paradoxalement, à en croire Redouane Reghay, les budgets consacrés aux CRT sont consommés à peine à 60%, et ce, en l'absence de stratégie et de ressources humaines. Quoi qu'il en soit, cette première rencontre des conseils a permis de poser les problèmes avec lesquels se débattent ces conseils régionaux, créés au lendemain de la mise en application de l'accord-cadre du tourisme. Six ans plus tard, les objectifs sont toujours les mêmes et les doléances aussi. Presque rien n'a changé pour ces organisations. Actuellement, si tout le monde appelle à une redéfinition de la mission et au renforcement de l'assise financière des CRT, cela est loin d'être une nouveauté. Déjà, une réflexion avait été entamée dans ce sens par le ministère de tutelle et la Fédération du tourisme. Mais à l'époque, la démarche avait soulevé des craintes chez les professionnels. Précisément, l'idée émise de mettre à la tête de ces structures les présidents des fédérations régionales du tourisme avait provoqué une levée de boucliers, lors de la réunion des présidents des CRT, tenue le 22 décembre 2004, sous l'égide de la fédération. Cette réunion avait permis de dégager un plan de travail pour mettre en équilibre les rôles, l'assise juridique et les moyens financiers des CRT. Il s'agissait notamment d'harmoniser les statuts de tous les conseils et, surtout, d'institutionnaliser et de pérenniser leurs ressources financières. Sur ce dernier point, un principe avait été retenu, qui consistait à allouer aux CRT 20 % de la TPT (taxe de promotion touristique). Le tout devait être validé après les assises du secteur, qui se tenaient à Ouarzazate les 14 et 15 janvier 2005. Depuis lors, rien n'a été réalisé dans ce sens. La nouvelle FNT a réitéré pratiquement la même approche. En effet, il a été décidé de finaliser un plan d'action d'ici le 15 octobre prochain. ◆