Le verdict est tombé. Dans une note publiée sur son site, la Commission européenne a décidé d'imposer des droits compensateurs sur les importations de roues en aluminium en provenance du Maroc. Et ce, prétextant protéger ainsi les producteurs de l'UE et défendre 16 600 emplois contre les pratiques commerciales déloyales. D'entrée, il faut noter que cette affaire démarre le 3 janvier 2024, à la suite d'une plainte de l'Association des fabricants européens de roues déposée auprès de la Commission européenne pour demander l'ouverture d'une enquête et l'application de mesures de protection. Consulté par Challenge, le document stipule ce qui suit : « La plainte a été déposée le 3 janvier 2024 par l'Association des fabricants européens de roues (ci-après le «plaignant»). Elle a été déposée au nom de l'industrie de l'Union de certaines roues en aluminium au sens de l'article 10, paragraphe 6, du règlement de base. ». Le Maroc dérange-t-il l'AEFR ? Cette dernière estime que les importations de roues en aluminium en provenance du Maroc ont augmenté de 300 % entre 2020 et 2023, entraînant une baisse des parts de marché, des marges et de l'emploi dans le secteur européen. Presque une année après, le verdict de la Commission européenne est tombé. « Une enquête anti-subventions menée par la Commission a révélé que le gouvernement marocain soutenait systématiquement son secteur automobile par le biais de subventions incompatibles avec les règles de l'OMC, notamment des subventions, des prêts à taux préférentiels et des exonérations/réductions fiscales », explique le communiqué de l'institution. Lire aussi | L'Union européenne instaure une taxe sur les jantes en aluminium marocaines Précisant que « l'imposition de droits de douane sur les roues en aluminium en provenance du Maroc souligne la détermination de l'UE à utiliser pleinement les instruments de défense commerciale pour défendre l'industrie européenne et l'égalité des conditions de concurrence mondiale. Les droits imposés varient de 5,6 %, pour le producteur-exportateur bénéficiant uniquement des subventions marocaines, à 31,4 % pour le producteur bénéficiant des contributions financières marocaines et chinoises de la BRI ». Il faut d'ailleurs noter que depuis quelque temps, on enregistre en Europe la montée du protectionnisme économique. « Ces mesures sont des pratiques pour contenir la concurrence des pays émergents », nous confie une de nos sources. Pour avoir un regard des opérateurs, nos relances à l'AMICA (Association Marocaine pour l'Industrie et la Construction de l'Automobile) ont été sans suite. Sans commentaire... L'action du ministère ? Face à ces accusations, le ministère marocain de l'Industrie et du Commerce a toujours fermement rejeté les conclusions de l'enquête européenne. Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie, a défendu la compétitivité des roues en aluminium marocaines, affirmant « qu'elles respectent les normes de qualité exigées par le marché européen ». Ce dernier a rappelé que les accords de libre-échange entre le Maroc et l'Union européenne prévoient la suppression progressive des droits de douane sur les produits industriels, ce qui devrait normalement faciliter le commerce bilatéral. Lire aussi | Fusion avec Industube : Aluminium du Maroc accélère sa croissance Dans un article publié par le confrère Média 24, une source du ministère semble décidée à apporter un recours. Sa position reste toujours ferme : elle recuse les conclusions de l'enquête de la CE et compte apporter une réponse. En attendant, les conclusions de la CE ne seront pas sans conséquence économique. Pour rappel, une première enquête antidumping avait déjà été ouverte le 17 novembre 2021 sur les roues en aluminium marocaines. En janvier 2023, la Commission européenne avait instauré des droits antidumping définitifs allant de 9 % à 17,5 % sur ces importations. Quand les instruments de défense commerciale cachent un protectionnisme ? Les instruments de défense commerciale, tels que les mesures antidumping, les mesures antisubventions et les mesures de sauvegarde, sont conçus pour protéger les industries nationales contre des pratiques commerciales déloyales, conformément aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cependant, il arrive que ces instruments soient détournés à des fins protectionnistes, visant à favoriser les industries locales en restreignant la concurrence étrangère, même en l'absence de pratiques déloyales avérées. Ces pratiques sont légion à l'heure où les économistes appellent cela la militarisation du commerce. À titre d'exemple, en 2024, l'industrie chimique européenne a exprimé des inquiétudes concernant la surproduction chinoise, notamment dans le secteur de l'acide glyoxylique, essentiel à la fabrication d'antibiotiques. Des producteurs européens ont accusé les exportateurs chinois de vendre à perte, soutenus par des subventions gouvernementales. En réponse, des enquêtes antidumping ont été initiées, aboutissant à l'imposition de droits sur les importations chinoises. Cependant, certains observateurs ont suggéré que ces mesures visaient également à protéger l'industrie européenne de la concurrence, indépendamment de preuves claires de dumping.