Les réussites successives, enregistrées ces derniers mois par les Fonds souverains arabes, ont poussé l'Arabie Saoudite à créer son propre instrument en la matière. Ce nouveau fonds, qui s'ajoute à ceux de ses pairs, notamment des pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) sera doté d'un capital de 900 milliards de $. Ce qui va raviver encore plus la course vers l'acquisition de nouvelles grosses proies sur les marchés financiers internationaux. Si certains responsables financiers occidentaux ont été surpris de l'agressivité de l'ADIA (Abu Dhabi Investment Authority), qui a pris 4,9% de la banque américaine Citigroup, fragilisée par la crise des subprimes, les dirigeants de cet établissement émirati étaient, par contre, très sereins. Ils trouvent cette transaction très normale. «Investir 7,9 milliards de $ des 625 milliards (selon les estimations de la Standard Chartered Bank) que possède ce fonds souverain de l'émirat d'Abou Dhabi ne devrait pas soulever une telle tempête chez certains milieux en Occident car ce n'est ni la première opération ni la dernière», nous disait, en souriant, le Cheikh Ahmed Ben Zayed Al Nahyane, et de poursuivre : «contrairement à certains analystes financiers français, qui ont qualifié cette acquisition de bonne fausse affaire, je considère que Citigroup est une entreprise prometteuse et de haute réputation». Il finit par dire : «et si un fonds souverain occidental avait concrétisé cette affaire, y aurait-il eu la même réaction et les mêmes commentaires mélangés d'incertitudes»? Quoi qu'il en soit, il faut que les marchés financiers occidentaux s'attendent, à partir de 2008, à des offensives de taille de la part des fonds souverains des monarchies pétrolières arabes. D'autant que le matelas de réserves de ces derniers a tendance à augmenter. Ce, non seulement en raison de la persistance des prix du pétrole dans leurs niveaux haussiers, mais parce que les investissements de ces organismes deviennent de plus en plus rentables. Une constatation cautionnée par la majorité des sociétés internationales d'intermédiation financière et boursière. Recours au conseil américain Dans ce cadre, on apprend que trois fonds souverains arabes, à savoir le QIA (Qatar Investment Authority), ADIA et le nouveau fonds saoudien, ont récemment demandé à des sociétés de conseil américaines spécialisées en matière d'investissements et d'acquisitions à l'étranger, l'aide pour mettre sur les rails leurs projets d'extension. La puissante banque, HSBC, a fait savoir que l'ADIA avait demandé, le18 novembre dernier, son conseil pour investir encore plus dans les marchés émergents. Cela, dans l'objectif de réaliser des revenus supérieurs à ceux qui proviennent, à l'heure actuelle, de leurs avoirs placés en Europe ou aux Etats-Unis. Ce qui veut dire que l'ADIA et les autres fonds arabes du Golfe veulent élargir l'éventail de leurs investissements pour toucher les pays asiatiques, plus particulièrement la Chine, la Malaisie et la Thaïlande. Ces fonds souverains sont aujourd'hui à l'affût de grosses proies dans ces pays où la croissance est consolidée. Les conseillers et les intermédiaires (en majorité des anglo-saxons) de ces fonds souverains arabes se transforment en chasseurs d'opportunités, notamment auprès des groupes fragilisés soit par les subprimes, soit par des problèmes de gestion ou, par exemple, ceux qui sont secoués par des scandales, comme c'est le cas avec EADS. Lorsque le montant global de ces instruments financiers se chiffre autour de 2 trillions de $, il faut donc s'attendre à des offensives financières vers l'étranger. Maintenant, lorsque l'Arabie Saoudite découvre, sur le tard, l'importance de ce genre de fonds, cela suppose que de nouvelles acquisitions vont longuement faire parler d'elles dans les prochains mois. Dans ce même ordre d'élargissement de l'éventail de ces fonds, on apprend que le KIA (Kuwait Investment Authority) s'apprête à augmenter graduellement son capital afin qu'il atteigne le montant de 323 milliards de $ au courant de 2008, soit une hausse de 100 milliards de $. De son côté, Dubaï International Capital est sur le point de réviser à la hausse ses avoirs pour atteindre les 25 milliards de $. Un montant modeste comparé à celui du Fonds saoudien ou de l'ADIA. Cependant, ses dirigeants sont prêts à investir la quasi-totalité à l'étranger. Les dirigeants de ces fonds souverains arabes misent toujours sur la double conséquence de l'envolée des prix du pétrole, et de la crise du crédit. Cette dernière ne semble pas s'approcher du fonds du tunnel. Ceci les encourage à prendre plus d'engagements financiers sur le court terme. Le flux des investissements des émiratis ces deux dernières années vers les pays du Maghreb aura tendance à se maintenir pour les deux prochains exercices. C'est ce qu'on affirme chez les quatre grands groupes émiratis Emaar, Dubaï Holding, Abu Khater et Al Qudra Holding. L'entrée en scène de l'Arabie Saoudite en la matière, avec un capital consacré pour son fonds de souveraineté de l'ordre de 900 milliards de $, va certainement inciter ses pairs à augmenter leurs mises. Il s'agit en particulier des gens d'Abou Dhabi et du Qatar. Force est de souligner que les fonds arabes dépassent maintenant de très loin les fonds considérés qualifiés d'historiques comme, à titre d'exemple, celui du Government of Singapore Investment Corp ou encore du Government Pension Fund Global de Norvège. Le capital du premier se situe à 330 milliards de $, tandis que le second est aux alentours de 322 milliards de $. L'estimation, par les analystes de CM-CIC Securities, des avoirs de ces fonds souverains arabes à environ 2 trillions de $, correspond à peu près à l'équivalent de la capitalisation du CAC 40 et à environ une fois et demie plus que les capacités des hedge funds. Ce constat ne peut qu'inciter les pays dont les excédents sont en augmentation à opter pour la création de ce genre de fonds. C'est le cas de la Libye. Cette dernière vient de créer récemment son propre fonds de souveraineté avec un capital de 70 milliards de $. Les recettes de ce pays, en nette augmentation, où les investissements étrangers ont quadruplé dans un intervalle de deux ans et où les revenus des hydrocarbures dépassent les prévisions, vont sans doute encourager les autorités concernées à doubler le capital de son fonds. La Jamahiriya libyenne a aussi créé, au cours des deux dernières années, plusieurs fonds spécialisés. L'un est spécialisé sur l'Afrique tandis que l'autre l'est en partenariat avec le QIA (Qatar Investment Authority). De son côté, le Bahreïn est, à l'heure actuelle, en train d'étudier le lancement d'un fonds de souveraineté. A Manama, on parle de 15 milliards de $ comme capital. D'ores et déjà, à la veille du nouvel an, les chasseurs des grosses proies sur les marchés financiers internationaux ciblaient déjà plus de seize valeurs européennes dont cinq françaises. Ils les ont proposées à ces fonds arabes. Les Qataris sont les plus intéressés par les sociétés françaises, alors que les Emiratis s'intéressent aux autres sociétés européennes. Les Libyens, quant à eux, restent fidèles aux traditions. Ce sont les entreprises italiennes qui les intéressent le plus.