L'équilibre « gaullien », instauré à la fin des années 1950, avec notamment la Constitution de 1958, retouchée en 1962, semble atteindre ses extrêmes limites. En tournant le dos au « capital démocratique » accumulé par la France, Emmanuel Macron semble préparer l'Hexagone à des lendemains de plus en plus incertains. Au début du mois de juin, avec le score atteint, aux élections européennes, par l'extrême droite, représentée en France par le Rassemblement National (RN), la sonnette d'alarme a poussé quasi-spontanément la gauche démocratique française à se regrouper pour constituer une coalition dénommée Nouveau Front Populaire (NFP), s'inspirant de l'expérience d'avant la 2ème guerre mondiale qui avait donné naissance au Front Populaire (FP). Mais le NFP a manqué de projet commun mobilisateur, pouvant structurer et renforcer qualitativement ses composantes, autour d'un « programme minimal commun ». Lire aussi | Taux directeur : les financiers pronostiquent une baisse de 25 points de base Cette faiblesse a été exploitée par le président actuel qui a préféré faire un choix opposé à ce qui a été exprimé à travers les urnes. En fait, rien de nouveau. Ce choix n'est que la continuité d'un mode de gouvernance où même le formalisme démocratique le plus élémentaire n'est plus respecté. A cet égard, la France n'a plus aucune légitimité pour continuer à donner des leçons au « reste du monde », en matière de respect des règles de la démocratie et des droits humains. Ainsi, la loi prolongeant l'âge de la retraite est passée au forceps. Il en est de même de la « loi-immigration » qui constitue une grave atteinte aux droits humains les plus fondamentaux, dont le droit à la santé, droit humain universel. La commémoration de Missak Manouchian, bien programmée et orchestrée, après l'avoir bien francisée, ne peut être perçue dans ce contexte que comme une tentative ultime de récupération et d'instrumentation politique opportuniste de l'histoire de la France et de la résistance antinazie. Evènement vite contredit par le traitement régressif et répressif des évènements survenus en « Nouvelle Calédonie » qui, pourtant, a connu auparavant une évolution positive. Sur le plan international, alors que l'Etat français soutient l'Ukraine contre l'invasion russe, il en est tout autrement de la Palestine où, depuis le 7 octobre 2023, un processus génocidaire multidimensionnel est mis en œuvre. Ce n'est plus uniquement le « deux poids, deux mesures ». Compte tenu des positions adoptées par la Cour Pénale Internationale et par la Cour Internationale de Justice, le soutien actuel à l'Etat d'Israël ne peut être qualifié, en droit international, que comme « acte de complicité » à des crimes contre l'humanité, dorénavant bien documentés et étayés par des preuves irréfragables. Dans ce contexte global, le processus de normalisation de l'extrême droite, en France, et le choix de Michel Barnier, vieux routier de la droite conservatrice dans la politique, ne sont guère une surprise. Le choix de ce dernier semble imposé surtout par la « situation budgétaire catastrophique » en France. Lire aussi | CNSS-CNOPS : les fonctionnaires sur le pied de guerre, le gouvernement temporise Ce « virage à droite », qui n'est pas vraiment un virage, est, en fait, un simple indicateur d'une continuité d'ascension de l'extrême droite qui a d'ailleurs exprimé son soutien tactique au nouveau locataire de Matignon. Le nom de Bruno Retaillan, plus à droite que Gérald Darmanin, patron des sénateurs du groupe « Les Républicains » (LR), figure à ce poste. Celui-ci est bien connu pour ses positions radicales anti-immigration. Sept « macronistes » figurent sur la liste du nouveau gouvernement Michel Barnier. Auxquels s'ajoutent trois républicains, deux modems et un Horizons. Un cocktail très circonstanciel. Pour le ministère de la Famille, figure aussi une figure de la droite pure et dure, Laurence Garnier, qui est contre la constitutionnalisation de l'IVG. Mathilde Panot, grande figure de La France Insoumise (LFI), évoque une « extrême droitisation de la macronie », qui pourrait être une « descente aux enfers » de cette France, autrefois « terre des lumières ». Aux Affaires étrangères, c'est Jean Noël Barrot qui y est pressenti, après le « court séjour de Stéphane Séjourné ». Et pour mieux « poivrer » la nouvelle « sauce macro- barniérienne », un « divers-gauche » devrait servir de « décor » en tant que Garde des sceaux. Il s'agit de Didier Migaud, issu du Parti Socialiste. Les finances devraient être confiées à un « duo macroniste », formé par Antoine Armand pour l'économie et l'industrie et Matthieu Lefèvre pour le budget, directement rattaché au 1er ministre. Ce qui reflète effectivement l'importance et l'urgence de la situation budgétaire. Le premier ministre, M. Barnier, sans majorité, et donc obligé de composer, a déjà promis de ne pas augmenter les impôts pour les classes moyennes dont le pouvoir d'achat a déjà été profondément rogné, ces dernières années, par l'inflation. Lire aussi | Le Maroc renforce sa défense : 40 missiles américains pour équiper ses F-16 A l'horizon, des nuages gris se forment et s'accumulent pour annoncer de nouveaux orages sociaux d'une grande intensité. Une instabilité croissante est prévisible, pas seulement pour la France. Formations de gauche et syndicats ne resteront certainement pas les bras croisés. Alors qu'au sud de la France et de l'autre côté de la Manche, l'Espagne et l'Angleterre ont réussi à restaurer une relative stabilité politique et sociale, l'Hexagone, mais aussi l'Allemagne, tous deux moteurs de l'Union Européenne, évoluent inversement. Et la continuité de la guerre à l'est de l'Europe n'arrange pas les choses. S'ajoutent les tensions devenues quasi-permanentes au Sud de la Méditerranée. L'Europe risque ainsi de voir se réveiller ses anciens démons qui, d'ailleurs, ne se cachent plus.