C'est normalement ce mardi qu'une fumée blanche doit sortir des cheminées du Palais de l'Élysée pour désigner le successeur de Gabriel Attal au Palais de Matignon, en accord avec les résultats des législatives anticipées destinées à renouveler la composition du Palais-Bourbon, siège de l'Assemblée nationale. Si cette fumée blanche ne sort pas, cela signifiera une seule chose : l'impasse dans laquelle Emmanuel Macron a plongé la France en dissolvant le parlement perdure. Vendredi dernier, le président de la République avait entamé, comme il l'avait promis, un cycle de rencontres et de consultations en vue de trouver l'oiseau rare qui dirigera le prochain gouvernement, ainsi que la non moins rare majorité qui le soutiendra au Parlement. Une première originalité de ces rencontres est celle inédite qui avait rassemblé le président de la République Emmanuel Macron et la candidate officielle et déclarée du Nouveau Front Populaire (NFP), Lucie Castets. Cette originalité réside dans le fait que Macron avait ostensiblement refusé de rencontrer Castets, qui avait passé l'été à faire du marketing politique pour sa candidature. Le refus de Macron était motivé par un constat : le NFP n'est pas en mesure d'avoir une majorité absolue au Parlement, et n'importe quel Premier ministre issu de ses rangs serait facilement censuré par une opposition remontée contre la gauche radicale. Pour éviter à la France une instabilité chronique de son gouvernement, Macron préfère chercher une majorité dans ce qu'il appelle lui-même l'arc républicain. Plus facile à dire qu'à faire, car l'obtention de cette majorité rêvée par le président de la République suppose une grande fissure politique au sein du Nouveau Front Populaire, qui se traduirait par un éloignement des socialistes, des Verts et des communistes de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. À ce jour, aucun indicateur politique n'annonce un tel divorce. Même la posture de la France Insoumise, qui avait menacé Macron de destitution et avait été sèchement refusée et critiquée par ses partenaires à gauche, n'a pas suffi pour faire le bonheur du président de la République ni provoquer ce grand schisme politique qui attirerait à lui ce qu'il est convenu d'appeler la gauche de gouvernement. Mais Macron n'a pas qu'un problème avec la gauche ; il en a un plus sourd et moins expressif avec la droite. Le parti Les Républicains, dont une aile menée par Éric Ciotti avait rejoint avec armes et bagages le Rassemblement National de Marine Le Pen, refuse de se soumettre à ses désirs de former une majorité de gouvernement avec le Centre et le Parti Renaissance. Bien avant la dissolution, ce pacte politique avec la droite traditionnelle avait été proposé à Macron pour obtenir une majorité confortable au Parlement. Sauf que Macron l'avait refusé au prétexte que la dissolution allait lui offrir une marge de manœuvre encore plus grande. Ce parti Les Républicains, ou ce qu'il en reste, dont la figure de proue est Laurent Wauquiez, a des comptes à régler avec la Macronie. Il ne veut pas lui servir de force d'appoint ou de bouée de sauvetage à un moment clé où il n'a pas grand-chose à offrir. Ce qui pousse certains à évoquer régulièrement l'hypothèse de confier le poste de Premier ministre à une personnalité des Républicains en espérant obtenir l'ensemble de la droite avec Macron. Le président de la République reçoit aussi, dans le cadre de ces consultations, le duo Marine Le Pen – Jordan Bardella, les deux grands perdants-gagnants de ces législatives. L'hypothèse que Macron puisse les impliquer dans la formation du gouvernement et de la majorité est totalement exclue pour le moment, car elle se contredirait avec la stratégie de former un Front républicain pour empêcher l'extrême droite d'accéder au pouvoir. Ce qui pose des questions sur la nature du dialogue et des consultations qu'il peut avoir avec le RN. Depuis le début de cette crise, Emmanuel Macron avait posé deux lignes rouges : aucune participation au gouvernement de ministres issus de l'extrême droite ou de l'extrême gauche. Si, pour les premiers, la dynamique de l'arc républicain, utilisée comme une ceinture de protection, peut fonctionner, pour les seconds, il est difficile de justifier qu'un parti qui a été leader de la gauche dans des élections législatives anticipées ne puisse avoir de ministres dans le prochain casting gouvernemental sous prétexte qu'il y a une menace de motions de censure. Pour Emmanuel Macron, l'impasse des trois Palais est plus tortueuse que jamais.