L'huile d'olive est une denrée alimentaire populaire, fortement recherchée par les ménages marocains. La raréfaction chronique et la hausse continue du prix de cette denrée vont certainement impacter négativement le mode de consommation et les habitudes alimentaires. Qu'est-ce qu'un petit déjeuner sans « zouita beldia » sur la table pour un marocain du terroir ? Se contenter du « pain nu » comme Mohamed Choukri avait titré son livre censuré au début des années 1980, car évoquant une « réalité éclaboussante et aveuglante » ? La baisse de la production de l'huile d'olive et des olives de table, déjà entamée en 2023, semble appelée à se poursuivre, en 2024. Bien que connu pour sa résistance à l'aridité, l'arbre de l'olivier n'a pas pu supporter l'importante hausse des températures qu'a connues l'ensemble du pourtour méditerranéen, où se situent les principaux pays producteurs d'huile d'olive, dans le monde. C'est notamment le cas de l'Espagne, premier producteur mondial de cette denrée, mais aussi de l'Italie, de la Grèce, du Portugal et de la Turquie, suivis des pays du Maghreb, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie. D'après l'organisation internationale dédiée à l'huile d'olive et autres dérivés, la production totale d'huile d'olive est estimée à 3,5 millions de tonnes, en 2022, enregistrant une baisse de près de 40 % par rapport à la campagne 2021, où elle était de 5,78 millions de tonnes, et de 28 % par rapport à la moyenne des quatre campagnes précédentes, établie à 4,88 millions de tonnes. Lire aussi | Le dirham renforce sa position face au dollar En 2023, la production a chuté à 2,5 millions de tonnes. Cette raréfaction chronique et croissante, et l'augmentation conséquente des prix sur le marché international expliquent l'extension de la plantation de l'olivier dans de nouvelles régions, notamment en Europe, dans des zones où le thermomètre indique, ces dernières années, des températures moins froides et plus modérées. Le réchauffement contribue ainsi à l'émergence de nouvelles zones devenues climatiquement plus favorables à cet arbre, autrefois cultivé surtout par les ménages ruraux modestes dans la plupart des pays méditerranéens. Aujourd'hui, l'huile d'olive est en train de se métamorphoser en « or vert ». En effet, d'après les bulletins périodiques du Fonds monétaire international, le prix de l'huile d'olive a connu une hausse de 117%, en 2023, par rapport à 2022, voire 130%, d'après le ministère de l'agriculture des Etats Unis d'Amérique, pour atteindre 8 900 dollars la tonne, au mois de septembre 2023. Lire aussi | Le français SUEZ diversifie ses métiers au Maroc Au Maroc, l'olivier, ce « parent pauvre » du Plan Maroc vert, a d'ailleurs été logé dans le second pilier dédié à l'« agriculture solidaire ». Aujourd'hui, le litre d'huile d'olive a dépassé les 120 DH (montant de loin supérieur au salaire quotidien versé à un ouvrier agricole) et semble promis à de nouvelles hausses, pour atteindre 150 DH, en 2025. Pourtant, cet arbre noble ne représenterait pas moins de 65% du total de la superficie arboricole. Pour les professionnels concernés, la hausse s'explique par l'augmentation du coût de la main d'œuvre, en plus des effets de la sécheresse. Quant au ministre de l'agriculture, il a récemment reconnu devant le Parlement, qu'en 2024, la situation est appelée à s'aggraver par une baisse de la production, tout en évoquant aussi les activités spéculatives qui gangrènent l'ensemble de la chaine de production et de distribution, rappelant par ailleurs, qu'en 2023, la décision a été prise pour interdire l'exportation en vue d'atténuer les effets de la baisse de la production. Cependant une voix demeure absente. Celle des responsables de la recherche scientifique agronomique, fondamentale dans un contexte pareille de crise structurelle, en vue de contribuer à des solutions durables. C'est dire que la « matière grise nationale » demeure marginalisée, faute de ressources et de reconnaissance morale. Le grand capital agraire est plutôt mu par une logique quasi-exclusivement productiviste et n'a que faire de ces chercheurs souvent perçus comme des « fhaymias », ou « empêcheurs de tourner en rond ».